« Tout l’monde est fondateur » (air connu)

L’Enquête Champlain menée par l’humoriste Christopher Hall (première partie présentée par Historia le 20 mars) a laissé le spectateur dans le « relativisme absolu ». Champlain ne serait pas LE fondateur de Québec ; il y aurait aussi Pierre Dugua de Mons, qui avait investi dans le commerce des fourrures, le capitaine Dupont-Gravé, qui a négocié l’alliance franco-indienne de 1603 à Tadoussac, Anadabijou, le chef montagnais qui était partie à cette alliance qui a rendu possible l’installation de Français dans la vallée du Saint-Laurent, et le roi Henri IV qui se trouvait l’homologue lointain du chef dans ce traité.
La partie de l’Enquête qui portait sur la fondation de Québec se situe dans le sillage d’une thèse récente qui s’intéresse à la « déconstruction des mythes fondateurs » ; il n’est donc pas étonnant de se retrouver avec un tas de pièces détachées auxquelles il faudrait bien aussi ajouter les compagnons de Champlain, sans qui l’établissement de Québec n’aurait pu prendre forme, et deux autres personnages, qui sont absents du casting de l’émission, les hommes d’affaires qui détenaient la majorité du capital dans cette compagnie où Pierre Dugua de Mons était minoritaire, malgré son titre de lieutenant général du roi. Québec n’est pas une capitale mais une commune !
Qui a fondé Québec ? L’Enquête pose la question au début alors qu’il aurait été plus approprié d’attendre à la fin, une fois le personnage examiné sous toutes ses dimensions. Au-delà de toutes les vertus, véritables ou exagérées, qu’on a pu lui prêter au cours des ans, de toutes les qualités que ses déconstructeurs lui reconnaissent malgré tout, le mérite incontestable de Champlain est l’acharnement : il était à Québec en 1608 pour poser le premier pieu et il y est resté, de corps ou d’esprit, jusqu’à sa mort en 1635 (même s’il aurait eu les moyens de rester tranquillement chez lui, comme ce lieutenant général qui avait pour mandat de représenter le roi dans une contrée où il n’est venu qu’une fois en dix ans). Plus encore, Champlain avait reconnu le site de Québec avec Dupont-Gravé avant 1608 et, depuis 1635, ce ne sont pas seulement les Québécois mais aussi plusieurs biographes anglo-protestants qui ont su distinguer le vrai fondateur dans le lot des participants à l’histoire de Québec et qui le considèrent comme un héros.

2 réflexions au sujet de « « Tout l’monde est fondateur » (air connu) »

  1. Si Montréal est la ville aux cent clochers, Québec sera-t-elle la cité des cent fondateurs ? Il y en aurait toute une salade selon cette émission. On en a oublié plusieurs. Je pense aux poules de France: sans la promesse de la poule au pot, Henri, le Vert galant, aurait-il régné suffisamment longtemps pour soutenir le projet ? Franchement, je vous le demande. L’émission n’a même pas daigné parler du brave Jaquou de Mortrou-en-Creuse, le vaillant mousse du Don de Dieu qui faisait le service à la table du Capitaine. Si le courageux mousse n’avait pas rempli son office avec opiniâtreté, malgré la houle, qui sait dans quel état Champlain serait arrivé à Québec, affamé et sentant la soupe au chou. Le Don de Dieu serait devenu le Non de Dieu …
    Plus sérieusement, je me demande à quoi tout cela nous mène. Vous parlez de thèse de déconstruction: est-ce pour permettre à certains historiens de se construire un nom dans la controverse ? Heureusement, l’émission se voulait du côté de l’humour, pas toujours réussi, mais le message était là : surtout, ne prenez pas tout cela au sérieux.
    Cela dit, je proteste encore au nom de toutes les poules et poulettes françaises, et sans doute que leurs œufs exigeront des excuses.
    Christian A. Comeau

  2. Je pense que le ton humoristique a un peu desservi cette première émission par ailleurs intéressante… créant une impression de relativisme mal présenté
    Effectivement, il est de bon ton pour le jeune historien de « déconstruire » afin de se faire un nom… mais en même temps la réalité est complexe. Je suis d’avis qu’ une présentation par un historien aurait permis de mieux situer cette complexité
    Aucun doute que Champlain par sa persévérance est un incontournable, « L’incontournable » de cette permanence d’une première colonie française en Amérique…
    Un fait parmi tant d’autres, il a effectué 23 traversées de l’Atlantique pour plaider le « dossier » de Québec, cela témoigne de cette persévérance devant l’adversité (23 traversées, cela signifie quelque 4 années complètes en mer…).
    Puisque la réalité est complexe, il était intéressant de faire ressortir que d’autres personnages ont joué un rôle…
    Que Pierre Dugua de Mons ait eu un rôle de bailleur de fonds… OK, mais co-fondateur ?.. disons qu’il a fourni le capital… et qu’il a apporté sa contribution
    François Du Pont-Gravé est aussi un personnage intéressant qui est présent aux côtés de Champlain… et dont le rôle était peut-être trop dans l’ombre, d’autant plus qu’il était à la « tabagie » de Tadoussac en 1603 et qu’ en cours de route il a suppléé à Champlain à Québec lorsque Champlain séjournait en France .
    J’ai aussi apprécié que l’on ait rappelé le rôle des Amérindiens à cette tabagie de 1603… où ils ont accepté que les Français viennent « peupler leurs terres »…. annonçant ainsi les futures alliances franco-amérindiennes que Champlain contribuera à mettre en place.

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