Rappel à l’ordre pour Hydro-Québec (et le gouvernement)

Il y a des jours où je me demande si l’Assemblée nationale existe. Dans l’affaire Michaud, un juge a estimé qu’elle avait commis une injustice, quelques députés ont fait amende honorable, d’autres y pensent, mais l’Institution, elle, vit bien avec ça, merci, depuis 4 ans.
Une décision rendue le 23 novembre par le président (et malheureusement noyée dans les odeurs qui occupent tout l’espace médiatique) apporte un certain réconfort à ceux et celles qui portent encore du respect au Parlement.
Quelques faits. Le 29 septembre 2010, la motion suivante a été adoptée à l’unanimité : « Que l’Assemblée nationale exige d’Hydro-Québec qu’elle transmette à l’Assemblée dans les plus brefs délais les informations relatives à tous les contrats octroyés de 2000 à 2010, notamment le nom de toutes les entreprises qui ont soumissionné, le mode d’attribution, le montant de chacune de leur soumission ainsi que le montant réel des déboursés, incluant les dépassements de coûts, pour chacun des contrats octroyés et que cette motion devienne un ordre de l’Assemblée. »
Un mois et demi plus tard, l’Assemblée n’avait pas eu la moindre réaction et le leader de l’opposition officielle a soulevé une question de privilège estimant qu’il y avait outrage au Parlement, c’est-à-dire un acte ou une omission qui a pour effet de porter atteinte à l’autorité de l’Assemblée ou d’entraver ses travaux. Le 16 novembre, le président a entendu les arguments de part et d’autre, dont ceux du leader du gouvernement qui n’y voyait pas de problème à ce qu’un organisme gouvernemental refuse de donner suite à un ordre du Parlement… Le jour même, par hasard (…!), la ministre des Ressources naturelles déposait une lettre du pdg d’Hydro-Québec expliquant qu’il avait rendu publiques, sur son site Internet, des informations relatives à plus de 1300 contrats depuis l’année 2000 et qu’il prévoyait compléter l’opération au plus tard le 15 janvier 2011.
Le président a pris la chose en délibéré et rendu sa décision une semaine plus tard. Se disant préoccupé de voir qu’Hydro-Québec avait attendu une question de privilège avant de manifester ses intentions et semblait vouloir déterminer les conditions de transmission des documents à l’Assemblée (en fixant un échéancier et en se réservant le droit de ne pas transmettre certaines informations), le président a jugé que les faits dénoncés par le leader de l’opposition officielle constituent, à première vue, un outrage au Parlement. Compte tenu de l’imprécision de l’expression « plus brefs délais », le président a accordé « à Hydro-Québec un délai supplémentaire, soit jusqu’au 2 décembre prochain, au plus tard, pour [lui] transmettre la totalité des documents exigés ». Si Hydro-Québec ne se conforme pas à l’ordre de l’Assemblée, cette dernière devra « décider si on a véritablement commis un outrage au Parlement ».
« Des malins », comme disait Jean-Charles Bonenfant, souhaitent secrètement qu’Hydro-Québec ne se conforme pas, juste pour voir l’attitude de la majorité dans le débat qui suivrait sur le respect d’un privilège parlementaire incontestable.

2 réflexions au sujet de « Rappel à l’ordre pour Hydro-Québec (et le gouvernement) »

  1. Effectivement, l’assemblée nationale semble ne plus respecter ses propres règles… et encore moins l’opinion publique. Et pourtant, ce parlement, nos élus, nos représentants, sont là pour «gérer» l’état à notre nom…! Mais qu’en est-il..? Je pense de plus en plus qu’un gouvernement minoritaire est plus efficace, au niveau représentatif, qu’un tel gouvernement.
    Bravo pour votre billet!
    iiibooo
    PS: Vos travaux sur la devise du Qc sont de plus en plus d’actualité.
    voir: http://www.jemesouviens.info
    et http://www.twitter.com/#/iiibooo

Les commentaires sont fermés.