Au-delà de l’affaire Michaud

Reprenant l’affaire Michaud où elle l’avait laissée il y a dix ans, l’Assemblée nationale a de nouveau montré son mauvais profil.
L’initiative du co-chef de Québec solidaire relevait peut-être de la naïveté : il croyait que l’Assemblée nationale pourrait exprimer des regrets et réagisse enfin, collectivement, au constat formulé par le juge Baudouin sur la motion du 14 décembre 2000. « Étrange paradoxe », écrivait ce dernier en 2006, le Parlement a le « droit » de blâmer Michaud, mais il a cependant commis une injustice envers lui. Et le juge se prononçait – faut-il encore le rappeler? –, nonobstant les idées en cause : « bonnes ou mauvaises, politiquement correctes ou non, la chose importe peu ».
La motion présentée par le député de Mercier avait le mérite d’aborder une question gênante que les autres groupes parlementaires avaient glissée sous le tapis. Et, naïveté pour naïveté, la proposition de madame Marois n’a pas plus d’avenir. Baliser les futures motions contre des citoyens serait reconnaître au Parlement un pouvoir de blâmer (pour autre chose que les outrages, qui sont déjà prévus au Règlement), et donc légitimer ce qu’on n’a jamais fait avant 2000 et qu’on ne veut plus jamais faire. Il ne faut cependant pas s’inquiéter: le président ne fera rien sans un signe du parti ministériel qui a refusé d’amender le règlement en ce sens au début des années 2000 et qui n’a pas changé d’avis. Si le leader du gouvernement, qui occupe une fonction déterminante au Parlement, ministre de la Justice (!) par surcroît, s’accommode aisément du fait qu’un juge de la cour d’appel considère la motion du 14 décembre 2000 comme une injustice, il n’y a rien à attendre de son côté de chambre. Surtout pas de dissidence.
Deux semaines avant de présenter sa motion du 3 décembre, Amir Khadir avait invité les chefs du PQ et du PLQ à l’appuyer ou à présenter eux-mêmes une motion reconnaissant « l’erreur commise à l’endroit de M. Michaud ».
« On vit une période de turbulence, de crise de confiance et de grand questionnement sur la nature de nos institutions, écrivait-il. Les responsables politiques sont appelés à se hisser à la hauteur de leur fonction d’État. Dans cet esprit, ai-je raison de penser que tout geste des membres de l’Assemblée qui traduit la capacité de porter un regard critique sur notre propre action serait perçu comme une attitude noble et un leadership susceptible de rehausser la crédibilité de nos institutions et de nos personnes? »
Manifestement, il a perdu son pari et l’Assemblée nationale n’a pas apporté d’arguments convaincants aux citoyens qui lui accordent encore de la considération. Au-delà de l’affaire Michaud, il faut se demander si l’Assemblée nationale existe vraiment, en tant qu’institution, autrement que sous la forme d’un passage obligé pour le gouvernement et d’arène où les partis font valoir des intérêts strictement électoraux. Y a-t-il quelqu’un qui pense, parle et agit en son nom, sans égard aux considérations partisanes?

Une réflexion au sujet de « Au-delà de l’affaire Michaud »

  1. Toute cette histoire n’est qu’un outrage au Parlement, à nos institutions, à la démocratie.
    D’un côté, que de bénis oui-oui qui se disculpent; de l’autre, combien ne voient pas la poutre de la construction…

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