Dans l’ombre de l’amphithéâtre

Pendant que le « bill » 204 et la crise qui s’ensuivit monopolisaient l’attention, quelques autres dossiers sont restés dans l’ombre.
Le « Québec Summer Festival »
Le Festival d’été a rendu public sa programmation 2011, sans trop d’ostentation, et on y trouve plus de contenu francophone que l’an dernier. « Les Québécois font un retour en force sur les plaines d’Abraham », écrit le journaliste du Journal de Québec. « Les artistes québécois seront à l’honneur 4 soirs sur 11 », ajoute Le Soleil. N’est-ce pas exactement ce que souhaitait un certain groupe l’an dernier ? On a pourtant traité les signataires de « ringuards ». Le Parlement s’est même ému de cette « dangereuse » contestation en adoptant à la vapeur une motion félicitant le Festival d’été pour sa programmation, programmation qui n’était même pas complète !
Le virage effectué cette année démontre que les signataires de cette lettre avaient raison de sonner la cloche. Faut-il pour autant remercier Daniel Gélinas à genoux ? Attendons de voir si la « correction » se poursuivra et comment le Festival d’été remplira sa mission qui consiste à organiser « une fête des arts de la scène et de la rue valorisant la chanson francophone et les projets de création, tout en étant ouverte au reste de la production culturelle dans le monde et à la découverte ».
Le « bill » des Bronfman
Pendant qu’on discutait du 204 au Salon rouge, le 205 occupait une autre commission mais peu de journalistes s’y sont intéressés. Ce projet « concerne certains actes de donation de Samuel Bronfman » et vise à faciliter une répartition des fiducies familiales contenant des milliards.
Transférer de l’argent dans une fiducie procure des avantages aux riches. La fiducie permet de faire du fractionnement de revenus au sein d’une famille. Un homme d’affaires peut ainsi partager ses revenus avec sa femme et ses enfants pour éviter d’être le seul contribuable imposé sur ces revenus. Les fiducies permettent d’éviter de payer de l’impôt sur les gains en capital. « Dans les années 1940, les gens fortunés créaient des fiducies familiales qui étaient, en quelque sorte, éternelles. Elles ne payaient jamais d’impôt sur le gain en capital. Aujourd’hui, c’est impossible!», a expliqué la fiscaliste Brigitte Alepin.
Le projet de loi 205 vise des fiducies créées en 1942 par le montréalais Samuel Bronfman, alors patron de Seagram, au bénéfice de ses descendants mais seulement deux générations peuvent en profiter. Selon un expert consulté par la chaîne Argent, de nouvelles fiducies (moins avantageuses) doivent être créées pour qu’une troisième génération jouisse du capital protégé par une fiducie.
Le député péquiste François Rebello a demandé quel était l’impact fiscal du projet de loi au Québec et au Canada. On lui a répondu qu’il n’y avait pas d’impact au Québec. Peut être pas. Mais ailleurs?
On sait que le ministère fédéral du Revenu a autorisé dans les années 1990 le transfert aux États-Unis d’une fiducie familiale des Bronfman, une opération qui avait été vivement critiquée par le vérificateur général du Canada car elle avait fait perdre quelque 700 millions de dollars au gouvernement canadien. D’après La Presse, « ce sont les cours américaines qui devront interpréter les fiducies, mais selon les lois québécoises. C’est pourquoi on veut dissiper tout doute [tiens, tiens, comme dans le « bill 204…] pour les cours américaines sur le pouvoir d’Edgar Bronfman Sr de disposer de ses actifs entre ses descendants ». Autrement dit, l’Assemblée nationale pourrait faciliter d’autres économies. Et si le but ultime était d’étendre les privilèges des vieilles fiducies à la jeune génération?
Devant les questions posées par le député Rebello, l’avocat de la famille Bronfman a demandé que l’étude du projet soit repoussée à l’automne. Reviendra-t-elle?
Et la carte…
Comme il n’y a pas eu de consensus entre le gouvernement et l’opposition sur une nouvelle façon de redessiner la carte électorale, c’est la proposition du Directeur général des élections qui devrait s’appliquer aux prochaines élections générales. Selon ce projet, la circonscription de Kamouraska-Témiscouata disparaîtra, ainsi qu’une autre dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie et une troisième dans la Beauce. Trois circonscriptions naîtront dans la région de Montréal.
Dans l’illusoire perspective de trouver de nouveaux critères pour découper la carte en évitant de supprimer des circonscriptions rurales tout en respectant la démocratie, le gouvernement avait suspendu les pouvoirs du DGE. Y a-t-il vraiment un observateur sérieux qui a cru en cette manœuvre qui visait surtout à pelleter le problème en avant au moment où une élection partielle s’annonçait dans une des circonscriptions condamnées? Le premier ministre avait invité les partis à lui faire des suggestions! C’était bien le signe qu’il n’y croyait pas lui-même.
Son gouvernement a bien présenté le projet de loi 19 qui prévoit leur maintien des trois circonscriptions rurales mais c’est une solution « temporaire ». Le Parti québécois propose une solution « durable » mais elle a le « malheureux » défaut de créer deux classes de citoyens. Est-on surpris? Pour parodier la pub bien connue, « si des critères (magiques) existaient, on les aurait! »
C’est bien dommage pour les régions mais on ne peut faire fi ni de la démocratie ni de la démographie. La Loi électorale n’est pas un programme de développement régional et, sauf le respect que l’on leur doit, les députés ont un impact très mince sur la richesse de leurs circonscriptions. L’est du Québec a été, presque de tout temps, surreprésenté au Parlement. Dans le cabinet Johnson, il y avait trois ministres côte à côte sur la… Côte-du-Sud (Bellechasse, Montmagny, L’Islet). Est-ce que cela a marqué son essor?
L’avenir de régions tient à autre chose, dont une réelle volonté du gouvernement. Et peut-être aussi aux difficultés de la région métropolitaine où la qualité de vie pourrait bien perdre de l’attrait dans les prochaines années. Le bonheur sera peut-être de plus en plus dans le pré.