Le monument Louis-Hébert, de l’hôtel de ville au parc Montmorency

Conçu par Alfred Laliberté, le monument Louis-Hébert a été installé dans les jardins de l’hôtel de ville de Québec le 3 septembre 1918, pour commémorer le troisième centenaire de l’arrivée du « premier colon canadien ». Au sommet d’un imposant piédestal de pierre, l’artiste a représenté Louis Hébert tenant une faucille et une gerbe de blé. À ses côtés, son épouse Marie Rollet, assise avec un livre entourée de ses trois enfants, et son gendre Guillaume Couillard, avec sa charrue.

Hébert original

En octobre 1970 (Soleil, 3 septembre), la ville entreprend la construction d’un parc-auto souterrain et fait enlever le monument (Soleil, 4 décembre) qui est remisé « derrière l’usine de glace artificielle », angle Renaud et Saint-Benoît. Il est entendu qu’il sera réinstallé après les travaux (Soleil, 17 février 1971), ce que la ville confirme plus tard dans un communiqué sur l’évolution du projet (Soleil, 24 décembre 1971).
Un an plus tard, vers le 20 septembre, les personnages reviennent à leur place, mais, à la surprise générale, ils sont « descendus de leur socle et placés au niveau du sol » (Soleil, 28 septembre 1972).

Hébert 1973

La Société historique de Québec proteste dans une lettre du 26 septembre 1972; la SHQ dénonce le démantèlement du monument, la transformation de ses personnages en « vulgaires piétons », la perte des plaques qui ornaient le socle (Soleil, 3 octobre 1972 et 27 mars 1973). Le maire Lamontagne explique la situation en invoquant « le poids énorme du monument qui aurait pu endommager la membrane recouvrant le toit du garage »; on a cru, avoue-t-il, « agir sagement en plaçant les bronzes au niveau du sol ».
Dans une seconde lettre, le 20 octobre 1972, la SHQ propose deux emplacements de rechange, soit à l’extrémité est des mêmes jardins, ou sur un terrain entre la basilique et le séminaire (Soleil, 7 février 1973). La lettre étant sans réponse, la SHQ en envoie une troisième, qui réitère ses propositions et « regrette, au nom de la fidélité au passé et au nom du respect dû aux monuments historiques la dégradation qu’on a fait subir au monument Louis-Hébert » (Soleil, 27 mars 1973). La SHQ reçoit l’appui de la Fédération des sociétés d’histoire (août 1973) et, bien tardivement, du Conseil des monuments et sites du Québec (avril 1976).
En avril 1973, la rumeur veut que le monument soit réinstallé au parc Montmorency (Soleil, 14 avril 1973) qui relève du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord dirigé par Jean Chrétien. La SHQ s’en réjouit: « On sait, écrit Monique Duval, que la Société souhaiterait voir le monument installé au parc Montmorency. Ce territoire est propriété du gouvernement fédéral, mais ce dernier, nous a confirmé un porte-parole de la Société, n’y met aucune objection. Alors, on continuera les pressions auprès du maire » (Soleil, 7 novembre 1973).
Le dossier évolue lentement. La journaliste revient sur le sujet un an plus tard :

« Selon M. André Robitaille qui, avec ses collègues, M. Michel Gaumond et l’abbé Honorius Provost, se préoccupe particulièrement de la question, «  tout va bien, Ottawa consent à ce qu’une partie de cet espace soit utilisée à cette fin et le maire de Québec, M. Gilles Lamontagne, n’y voit pas non plus d’inconvénient « .
On s’est entendu pour placer la statue, remise dans son état premier, dans le coin nord du parc. Le gouvernement fédéral ne peut permettre d’utiliser n’importe quelle partie car on pourrait faire, dans un avenir plus ou moins éloigné, des fouilles archéologiques importantes étant donné que nous nous trouvons ici à l’endroit où furent autrefois érigés successivement le palais épiscopal puis le parlement » (Soleil, 17 octobre 1974, B-4).

En juillet 1975, le président de la SHQ est en mesure d’annoncer que le monument Louis-Hébert sera reconstruit dans le parc Montmorency, ce qui se réalise en 1977 (Devoir, 30 mars 1978) et l’inauguration officielle a lieu le 27 juin 1978.

Hébert parc 1983_AVQ
Le gouvernement fédéral a été accommodant. Au moment où cette affaire éclate et fait l’objet de discussions, le maire Lamontagne, le premier ministre Bourassa et le premier ministre Trudeau sont tous de la même mouvance politique, ainsi que le ministre des Affaires indiennes, Jean Chrétien, évidemment. Ce contexte facilitait sûrement les négociations.
Le monument Louis-Hébert a quand même été installé dans un parc désigné « lieu historique national » par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada (en mai 1949), parce que le Parlement de la Province du Canada y a siégé à deux (courtes) reprises entre 1841 et 1866. Quarante ans plus tard, Parcs-Canada a refusé l’installation d’un monument à la mémoire des parlementaires du Bas-Canada, qui ont siégé là de 1792 à 1838, en invoquant ce motif de désignation: selon la gestionnaire du parc, « l’élection de la première législature du Bas-Canada en juin 1792 et la première assemblée des députés élus à la législature du Bas-Canada en décembre 1792 ne sont pas des motifs de désignation du lieu historique national du Parc Montmorency ».
C’était pourtant bien plus pertinent que le monument Louis-Hébert.
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PS : Les photos proviennent du site des Archives de la ville de Québec.