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Nouveau trio sur la Promenade

 Depuis l’inauguration de la promenade Samuel-de Champlain, en 2008, on pouvait voir flotter, dans le parc de la Jetée , à la hauteur de la côte de Sillery, un drapeau de la ville de Québec entre deux fleudelisés.

Une photo prise en 2009  les montre en fort mauvais état, mais c’était, paraît-il, à la fin d’un rude hiver qui avait endommagé le mécanisme permettant de les amener et de les remplacer par des neufs, ce qui fut fait au printemps.

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Surprise au début de l’été 2013: l’un des fleurdelisés a été remplacé par un unifolié dans ce trio d’effilochés (le gel n’y est pour rien, cette fois).  

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Une bonne âme a-t-elle sonné l’alarme et rappelé la ville à l’ordre?  Pas nécessairement. La ville de Québec, comme plusieurs autres municipalités, collabore déja de bonne grâce pour assurer la visibilité du gouvernement fédéral, sur des immeubles qui n’appartiennent pourtant pas à ce dernier et ne relèvent pas de sa compétence.

Seul le drapeau de la ville est essentiel pour indentifier les immeubles municipaux. Un règlement adopté en vertu de la Loi sur le drapeau et les emblèmes du Québec (L.R.Q., c. D-12.1, a. 2 et 6) exige que le fleurdelisé soit déployé sur l’édifice où siège le conseil d’une municipalité ou un conseil d’arrondissement.  La présence du drapeau du Québec est alors  justifiée juridiquement par le fait que les villes sont des créations « provinciales »; si les minucipalités y ajoutent l’unifolié, c’est uniquement question de goût politique.

Ce qu’on peut observer actuellement sur la promenade Samuel-de Champlain appelle deux autres commentaires:

  • le premier, qu’il vaudrait mieux, là comme à bien d’autres endroits, mettre moins de drapeaux et mieux entretenir ceux qui sont essentiels;
  • le second, plus positif, que la ville a probablement innové sur ses propriétés en utilisant un format d’unifolié qui s’harmonise avec celui du fleurdelisé (et celui de la ville); d’habitude,  c’est le contraire, comme on pouvait le constater par exemple, il y a quelques années, devant le « Taj Mahl » de Sainte-Foy où on arborait un drapeau québécois qui ne respectait pas la norme légale (rapport longueur/ largeur 2:3) et avait plutôt un format canadien (rapport longueur/ largeur 1:2).

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Cette situation a été corrigée mais il reste trop d’institutions, publiques et privées, qui arborent des drapeaux québécois « bâtards », dont l’Hôtel-Dieu (sur cette photo de 2009), au mépris de la Loi sur le drapeau et les emblèmes du Québec qui énonce précisément que « la largeur et la longueur du drapeau sont de proportion de deux sur trois » (L.R.Q., c. D-12.1, 1999, c. 51, a. 1).

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Trop rares sont les entreprises québécoises qui harmonisent les drapeaux dans le respect des règles de pavoisement québécoises, comme ici, aux Halles de Sainte-Foy: le drapeau du Québec est du bon format et celui du Canada s’y adapte.

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R.I.P.

Je jette toujours un œil sur les avis de décès. Il sont rares dans Le Devoir, assez nombreux dans La Presse le mercredi et s’étendent sur plusieurs pages, le jeudi, dans les deux quotidiens de Québec. C’est une habitude familiale. Ma mère entamait toujours L’Action catholique par la nécrologie et, comme le dit la vieille blague, continuait sa lecture si elle n’y trouvait pas sa notice!

Les avis de décès sont des documents historiques très instructifs sur la personne défunte et sa famille. On peut se mettre à jour sur celles qu’on ne connaît pas intimement en lisant entre les lignes (« tiens, il manque des membres de cette famille en deuil mais aussi en chicane… ») ou entre les parenthèses (« un tel a changé de blonde et un autre toujours célibataire… »). Les suggestions de don « au lieu de fleurs » peuvent révéler la cause du décès. Il arrive aussi parfois qu’on découvre enfin l’âge véritable des défunts…

Les avis de décès sont généralement stéréotypés, mais on en trouve de très originaux, de très brefs, qui témoignent souvent de la solitude du défunt, ou de très longs, qui se justifient par sa grande famille ou sa prestigieuse carrière. Celui de Paul Desmarais est probablement seul dans sa catégorie : démesuré.

Avec près de 1000 mots (une demi-page) et un luxe de qualificatifs élogieux, l’avis de décès de « l’honorable » membre du Conseil privé sort de l’ordinaire. Sa « discrétion légendaire »  et « son humilité exceptionnelle » (dixit Roger D. Landry)  ne lui ont visiblement pas survécu.

Le lendemain du décès, la première ministre a fait l’éloge d’un des « grands bâtisseurs » du Québec et mis l’accent sur sa philanthropie et son amour … de Charlevoix, évitant courtoisement de parler des options politiques du défunt; le surlendemain, la notice nécrologique est venu rappeler, comme une voix d’outre-tombe, qu’il a consacré sa vie « au service du Canada », « défenseur passionné de l’unité nationale » et du «  développement du Canada en tant que nation », « fier d’être canadien » et sans crainte « d’envisager le monde dans son ensemble ». Son rôle au Québec? Une lointaine référence à « Québec autobus » et « Transport provincial ». Difficile de parler des investissements des dernières décennies.

La Presse du 10 octobre a consacré plus de 40 pages à son patron, dont 20 dans un cahier spécial abondamment illustré où ne manquaient (discrétion oblige?) qu’une photo explicite de Sagard : la seule image à ce sujet représentait de vagues bâtiments enneigés. Quelques journalistes de la maison ont jugé bon de souligner que le patron ne se mêlait jamais de leurs affaires… Ceux de la page éditoriale, celle qui compte (et qui justifierait même éventuellement le maintien d’un média déficitaire), se sont heureusement gardé « une petite gêne » au sujet de leurs relations avec le propriétaire. Comme ce dernier le confiait au Point en 2008, « notre directeur de la rédaction est fédéraliste. […] Je ne l’appelle pas pour lui dire ce qu’il doit faire ».

Ceux qui conservent un esprit critique envers les riches sont parfois accusés de jalousie ou d’ingratitude. Je n’ai pas de problème avec la richesse mais il faut garder l’œil ouvert. Comme le rappelait une étude rendue publique quelques jours après le décès du patron de Power (et qui semble avoir échappé aux pages financières de ses journaux), « on assiste depuis 30 ans à un vaste mouvement de transfert de la valeur aux actionnaires, accompagné d’une érosion sensible des salaires et d’une élévation du coût du capital éloignant la rentabilité des projets d’investissement ». L’auteur ajoutait : « La finance est ainsi devenue un monde qui permet l’enrichissement d’individus sans qu’il y ait nécessairement création de richesse », commentaire qui s’applique parfaitement ici. Mis à part les fournisseurs du château et les bénéficiaires du mécénat, la communauté n’en profitera que si le fisc peut prendre sa « juste part ». On apprenait à cet égard que les actions du défunt dans Power Corp. (environ 3 milliards de dollars) ont été transférées « à une fiducie testamentaire qui permet à la famille Desmarais de conserver le contrôle du conglomérat » et, bien sûr, de réduire ses impôts pendant plusieurs années « puisque les revenus pourront être imposés à la fiducie plutôt qu’à l’héritier ».

C’est parfaitement légal mais, comme le précise la mise en garde qui accompagne certains messages publicitaires, « Professionnels à l’œuvre! N’essayez pas cela à maison! ».

La cerise au marasquin

Les fidèles de ce blogue jugeront peut-être que je radote, mais il faut revenir sur lesdites « primes de départ » des parlementaires.
Au cours de ma carrière au Parlement, je me suis souvent demandé comment des parlementaires intelligents, instruits et expérimentés pouvaient en venir à échapper les plus belles énormités. L’air ambiant, peut-être? Un certain sentiment de puissance et d’immunité face à des interlocuteurs peu familiers avec les subtilités du Parlement? Ou la simple aptitude à jouer des rôles de composition au « théâtre parlementaire »?
Le dernier exemple est venu cette semaine du député sortant d’Outremont qui s’est justifié d’empocher son « indemnité de départ », en plus de sa pension, en prétendant qu’il s’agissait d’un « salaire différé ». Double diplômé d’Harvard en administration, titulaire de hautes fonctions publiques et privées depuis 40 ans, ancien ministre de Finances, et membre de l’Assemblée nationale pendant huit ans, le député d’Outremont ne peut pas ignorer à quelles fins a été institué ce qui s’appelle dans nos lois une « allocation de transition ».
Peut-être a-t-il été influencé par les chroniqueurs et les éditorialistes qui s’acharnent à qualifier cette allocation d’indemnité ou, pire, de « prime » de départ? Ou par le chef qui l’a recruté en 2005 et lui a peut-être fait miroiter des « considérations futures » pour atténuer la différence entre ses revenus chez Secor Conseil et la « maigre » indemnité parlementaire.
Répétons que cette allocation a été instituée en 1982 lorsque le gouvernement Lévesque a voulu réduire les avantages indécents du régime de pension des députés. Conseillé par un comité de sages, le gouvernement a présenté et fait adopter une loi qui ne permettait plus aux députés de toucher leur pension avant l’âge de 60 ans; pour compenser et aider les députés à se recycler, la loi créait cette bien nommée allocation « de transition », une sorte de mesure intérimaire justifiée par l’idée qu’un ancien député à parfois de la difficulté à se recycler. On connaissait alors, dans le milieu, quelques cas d’ex-députés qui auraient été réduits au « BS ».
Au départ, cette allocation était payable par versements et incompatible avec la pension : n’avait-elle pas été justement créée pour ceux qui n’étaient pas admissibles à cette dernière ou trop jeunes pour la toucher? Il n’est pas passé par l’esprit du législateur, à l’époque, que cette allocation de soutien puisse être considérée comme du « salaire différé », ou une « poussée vers la porte », encore moins une récompense pour services rendus. L’allocation de transition a été conçue comme une sorte d’assurance-chômage.
Quelque part entre 1982 et aujourd’hui, à la faveur d’un amendement qui semble avoir échappé aux observateurs de la scène parlementaire, il est devenu possible de cumuler la pension et l’allocation de transition et c’est ainsi qu’une mesure créée principalement pour aider des quadragénaires et de jeunes quinquagénaires de retour sur le marché du travail en est venue à favoriser scandaleusement des gens qui n’avaient plus besoin de travailler, bénéficiaient d’une généreuse retraite et touchaient même leur pension de vieillesse. Un « système perverti », a écrit un éditorialiste du Soleil.
Pendant une longue carrière d’administrateur s’étendant sur plus de trois décennies, l’ex-député d’Outremont a sûrement bien mérité les confortables rémunérations attachées à ses fonctions. Docteur en administration, et notamment longtemps associé au Fonds de solidarité de la FTQ, il avait certainement pris soin d’assurer ses vieux jours avant de se laisser tenter par la politique en 2005; sa courte carrière parlementaire lui permet maintenant de glacer son gâteau; pourquoi refuser la cerise au marasquin?
Une loi est à l’étude pour revoir la pertinence d’accorder cet avantage à un député qui quitte en cours de mandat, mais l’opposition libérale la bloque (on commence à comprendre pourquoi…) de telle sorte que le député sortant a « droit » à cette allocation, dit-on, c’était dans ses « conditions de travail », etc. Bien sûr. On est quand même passé près d’une rare occasion d’applaudir un vrai geste éthique. Mais, pourquoi renoncer à ce cadeau quand tant d’autres « nécessiteux », dont les deux derniers chefs du PLQ, la chef du PQ, celui de la CAQ et l’ancien chef de l’ADQ en ont aussi profité? Quant aux députés de QS, leur vertu n’a pas encore été mise à l’épreuve et ils ne crachent pas dans la soupe qui pourrait bien leur être servie un jour.
Peut-on espérer que « ça change », avec toutes ces velléités de « politique autrement »? Un comité consultatif est actuellement chargé d’étudier les conditions de travail et le régime de retraite des députés. Mené plusieurs fois depuis les années 1970, ce genre d’exercice a plus souvent qu’autrement servi à bonifier le sort des parlementaires, et non à faire des économies. En 1982, l’allocation de transition proposée par le comité « indépendant » était plus généreuse que celle qui a été adoptée… Cette fois-ci, le comité comprend deux juges, ce qui serait gage de « sagesse », paraît-il, mais y a-t-il plus vernies que les conditions de travail des magistrats de nos hautes cours? Ils pourraient bien juger que nos parlementaires sont maltraités.

« Petit martyr » de la Loi 101

Il paraît que la série des « scandales linguistiques » se poursuit. C’est Lise Ravary qui l’écrit (http://www.journaldemontreal.com/2013/07/26/rejet-des-noms-qui-sonnent-anglais). Heureusement, les journaux de Québecor et leurs chroniqueuses de droite (http://jomarcotte.wordpress.com/2013/07/27/le-francais-et-les-fons-fons-du-registraire/#more-6503) veillent aussi bien que The Gazette et soufflent dans la voile d’un jeune entrepreneur de 17 ans qui se plaint de voir le Registraire des entreprises refuser d’enregistrer « Wellarc » comme nom de son entreprise de design infographique. Pour exprimer sa frustration, il a mis sur YouTube un message que CTV s’est empressée de diffuser (il espère que ce message devienne « viral » alors on ne vous donnera pas lien…).
« Des jeunes qui souhaitent se lancer en affaires se font refuser le nom de leur entreprise sous prétexte qu’il ne respecte pas la Charte de la langue française », peut-on lire dans le Journal de Québec du 27 juillet. On croirait qu’il y a un raz-de-marée d’indignation; le texte cite tout même UN autre jeune qui a connu la même « épreuve »… On jurerait que les fonctionnaires québécois se sont ligués simultanément contre l’entrepreneuriat, les « start ups », la jeunesse et, pourquoi pas, les hommes?
Le côté le plus insidieux du reportage réside toutefois dans le vocabulaire utilisé par la journaliste de QMI : ces jeunes se font refuser un nom « sous prétexte qu’il ne respecte pas la Charte ». La loi ne serait qu’un « prétexte »? Qui cache autre chose? Tout le monde sait que, depuis septembre dernier, les fonctionnaires ne sont là que pour emmerder le peuple, à commencer par les entrepreneurs et les Anglais…
C’est avec la plus grande candeur que le jeune infographiste avoue qu’il connait mal « le dossier de la loi 101 » et avec une naïveté étonnante qu’il « affirme avoir reçu l’appui d’anglophones qui approuvent qu’un francophone diffuse un tel message ». « You bet (Ben quien) »! Du bonbon pour CTV et CJAD qui ne demandaient pas mieux pour charger le gouvernement Marois. Et commentateurs de complimenter le « smart guy ». Dommage qu’il soit « sorti » avec son histoire en cette fin de semaine dominée par la messe de Mégantic et celle de Céline. Et La Presse qui ne paraît pas le dimanche.
Le jeune se demande si les fonctionnaires sont sérieux : il le faut bien car on ne peut pas laisser les entreprises réguler l’affichage, pas plus que l’attribution des contrats de voirie, les transactions bancaires ou la sécurité des transports.
Un autre « Mozart assassiné »? Ma mère aurait dit, comme devant nos « grands » malheurs d’enfants : « Pauvre petit martyr ».

Remerciements à la remise du prix André-Laurendeau 2012

Je veux d’abord remercier le directeur de la revue pour les bons mots qu’il a eus à mon endroit. Je remercie le jury d’avoir porté son attention sur un texte d’histoire régionale, une première pour le prix André-Laurendeau, et je le prends au nom d’une région qui passe bien souvent « sous le radar » (pour utiliser une expression populaire) depuis qu’elle a été écartelée administrativement entre le Bas-Saint-Laurent et Chaudière-Appalaches. Je sens d’ailleurs le besoin de la situer; elle se trouve entre Lévis et Rivière-du Loup, et comprend les MRC de Bellechasse, Montmagny, L’Islet et Kamouraska. Les Montréalais ont tellement entendu les chroniqueurs sportifs assimiler la ville des Nordiques à « l’autre bout de la 20 » qu’il faut vous préciser que l’autoroute se poursuit à l’est de Lévis. C’est le pays de nos grands hommes de lettres d’autrefois – les Casgrain, Taché, Aubert de Gaspé, Marmette et Faucher de Saint-Maurice – et d’hommes politiques illustres comme Augustin-Norbert Morin, Étienne-Paschal Taché, Thomas Chapais, le bleu ayant probablement plus souvent dominé que le rouge.
Je voudrais remercier plus particulièrement Pierre-Paul Sénéchal, un militant infatigable de la région de Québec, membre de la Ligue d’Action nationale et collaborateur fréquent à la revue, de m’avoir un peu forcé la main pour écrire cet article « prématuré ». C’est en quelque sorte le résumé d’un livre qui est encore en plan dans ma tête et en morceaux dans mon classeur. J’ai rédigé l’article pratiquement de mémoire, dans l’irrespect d’une bonne partie des méthodes éprouvées qui m’ont été enseignées, en allant chercher, au besoin, les citations précises dans les textes que j’ai lus et annotés depuis 25 ans dans le but d’écrire un jour sur l’invasion américaine de 1775 et le siège qui s’est terminé au printemps 1776.
Le temps qui passe ne défavorise pas nécessairement le chercheur. Les historiens du XIXe n’avaient pas accès au rapport d’enquête de Baby qui éclaire le comportement des Canadiens de la région de Québec pendant l’invasion. Ceux du XXe n’avaient pas encore mis la main sur certains documents du Congrès et de George Washington qu’on peut même lire de chez soi. Les rapports de deux missions d’espionnage menées pour le compte de Washington par le fameux rebelle Clément Gosselin en 1778 et 1780 donnent de nouveaux éclairages sur l’attitude des Canadiens pendant la guerre d’Indépendance.
Dans la première des 92 résolutions, en 1834, les Patriotes écrivaient ce qui suit :
« […] c’est l’opinion de ce comité, que les loyaux sujets de Sa Majesté, le peuple de cette province du Bas-Canada, ont montré le plus grand attachement pour l’empire britannique dont ils forment partie; qu’ils l’ont défendu avec courage dans la guerre, à deux diverses fois, qu’à l’époque qui a précédé l’indépendance des ci-devant colonies anglaises de ce continent, ils ont résisté à l’appel qu’elles leur faisaient de se joindre à leur confédération. »
Certes, les Patriotes avaient intérêt à exprimer formellement leur loyauté et il s’est bien trouvé des Canadiens qui ont défendu l’empire « avec courage dans la guerre » et qui ont « résisté à l’appel » du Congrès mais, sur la Côte-du-Sud, les loyaux étaient peu nombreux.
À l’été 1775, les Sudcôtois ne répondent pas à l’appel des recruteurs de Carleton; plusieurs repoussent explicitement les appels à la soumission de leur clergé. À l’automne, ils accueillent la troupe d’Arnold avec sympathie et sont nombreux à venir rencontrer les insurgés à Pointe-Lévy. À la suite de cette « assemblée séditieuse », ils montent la garde dans toutes les paroisses proches de Québec « pour s’opposer aux forces du Roy »qui s’aviseraient d’y débarquer. La Côte-du-Sud contribue activement au siège de Québec en bloquant l’accès à la ville et en assurant l’approvisionnement des Américains. Après l’échec de Montgomery sous les murs de Québec, de zélés rebelles comme Gosselin, de La Pocatière, et Ayotte, de Kamouraska, sillonnent librement la Côte, diffusent les messages du Congrès, nomment des officiers de milice, embauchent des recrues. Au printemps, quand des « royalistes » de la Côte-du-Sud montent une expédition pour aller chasser Arnold et ses hommes de Pointe-Lévy, une force combinée d’Américains et de Canadiens les mettent en déroute à Saint-Pierre-du-Sud.
Les pro-rebelles contrôlaient la Côte-du-Sud mais cela ne pouvait pallier le manque de ressources des Américains qui doivent retraiter à l’arrivée des renforts britanniques sur le Saint-Laurent en mai 1776, entrainant avec eux quelques dizaines de partisans sud-côtois.
En juillet, les commissaires-enquêteurs mandatés par Carleton constatent que les Sudcôtois penchaient très majoritairement pour les rebelles dans au moins la moitié des paroisses de la région. Ils démettent tous les capitaines de milice, jugeant qu’ils s’étaient tous compromis, à des degrés divers, en faveur des insurgés; dans certaines paroisses, c’est tout l’état-major qui est remplacé par des hommes plus loyaux. On procédera ensuite au désarmement et des forces mercenaires viendront soutenir l’armée britannique. Comme le dira le curé de Saint-François : « Il ne fallait pas moins que la visite des Allemands pour rendre tout le monde docile ».
Défense courageuse de l’empire? Résistance à l’appel du Congrès? Après l’affaire de Saint-Pierre, le maître général adjoint des Postes confie à son journal : « Même si les Canadiens sont en général des traîtres, on en trouve quelques-uns d’honnêtes ». C’est évidemment le point de vue d’un loyaliste : les « traîtres » seraient probablement devenus des héros si l’invasion avait tourné autrement.
Gaston Deschênes, 10 juin 2013