« Appelez-moi Dewhrist, Gaston Dewhrist ».

Les recensements constituent une mine précieuse de données pour les historiens et les généalogistes. Ces derniers attendent donc toujours avec fébrilité le moment où ils seront rendus publics.

Sacrosainte protection de la vie privée oblige, le gouvernement fédéral les laisse généralement patienter une centaine d’années mais il s’est « ouvert » l’an dernier en rendant public le recensement de 1921. « Public » est un grand mot, car, fidèle à ses politiques de privatisation, il a confié à une firme américaine, Ancestry, le soin d’indexer et de donner accès à ces inestimables données.

Avec le formulaire de recherche du site Ancestry (http://search.ancestry.ca/search/db.aspx?dbid=8991&o_iid=56136&o_lid=56136&o_sch=Web+Property), j’ai donc cherché mon père, prénommé Antonio, né en 1917.

Le premier essai n’a pas donné de résultat. Le nom « Deschênes » peut évidemment poser des difficultés. Essayons donc « Deschesne », « Deschesnes », « Dechene », etc., avec ou sans accent. Niet. Nouvel essai avec son père Albert ou son grand-père Salluste. Non plus. Pour contourner le problème, voyons si on peut trouver son grand-père maternel dont le nom est plus simple : Dubé.

Ça marche. Aubert Dubé et sa famille apparaissent; on peut ensuite fouiller dans le voisinage des Dubé car les Deschênes sont nombreux dans le deuxième rang. Quelques maisons à l’ouest, on devrait trouver Salluste… Il est là mais l’index indique « Ballutre Deschina ». Bon…, le prénom n’est pas courant mais le nom est bien lisible (C’est justement Salluste qui était recenseur!) pour quiconque est le moindrement familier avec les patronymes du Québec. Pas loin de chez Salluste, il y a un « Albert Denkmer », autre Deschênes mal déchiffré, mais célibataire. En revenant vers l’est, passé le pont de la rivière Trois-Saumons, on devrait trouver quelques autres Deschênes, dont le bon Albert. Voyons…, après les Anctil, il y a bien Émile Deschênes, qui  est transcrit « Dumènes », et, plus loin, « Gustave Desshenes ». On y est presque pour l’orthographe mais c’est trop à l’est. Deux maisons avant, on trouve… « Elbert Dewhirst » qui a un fils prénommé « Antonis »!

Pour trouver mon père avec le formulaire de recherche Ancestry, il suffisait de demander « Antonis Dewhrist »! Facile…

UNE regrettable maladresse sur quelques millions de noms? Un abonné de Planète Généalogie et Histoire a noté des erreurs étonnantes : « […] il faudra beaucoup d’imagination aux 1) Laverdière, 2) Lemelin, 3) Courtemanche, 4) Leclerc et 5) Chalifoux pour retracer leurs ancêtres respectifs dans Ancestry, soit respectivement: 1) Hampshire, 2) Kamstra, 3) Construnarodel,4) Earbre et 5) Mélipane. Et il y en a tellement plus… ».

« C’est tout simplement pathétique pour les patronymes francophones, déplore ce généalogiste. Il est bien facile de constater qu’il n’y a eu aucun contrôle de qualité des transcriptions ».

Ancestry a sous-traité l’indexation à des Chinois qui n’ont visiblement même pas pris la peine de travailler en consultant parallèlement le recensement de 1911 où ils auraient trouvé, dans paroisses rurales, une bonne partie des familles vivant dans les mêmes maisons!