Archives pour la catégorie Actualité

Les bessons

Si j’avais eu la prétention de me trouver dans les éphémérides du Journal de Québec un jour, mon chien serait mort samedi : LES jumeaux sont nés à Palm Beach le jour de mon anniversaire.
« Contre mauvaise fortune, bon cœur » : si les heureux parents n’étaient pas pressés par le temps d’enregistrer leurs rejetons, nous pourrions ouvrir un concours, surtout que le couple semble divisé sur ce sujet.
Spontanément, samedi, j’ai lancé « Nic et Pic », fameux duo animé de la TV canadienne. Le thème et la dignité du second « mariage » gréco-romain des parents devrait cependant suggérer plus sérieux comme Castor et Pollux, fils de Zeus, ou Rémus et Romulus, fils du dieu Mars et fondateurs de Rome. Mais il y a fort à parier (…) que ces enfants auront un nom inspiré du show-business, et probablement plus genre Abbott et Costello que Nazaire et Barnabé.
Comme ne se sont pas des jumeaux identiques, il y aurait aussi Laurel et Hardy, Mutt et Jeff, Sol et Gobelet, GrandGalop et Petittrot…
Jack and Jill offrirait des possibilités d’autofinancement, comme Roland et Napoléon, commandités par Rona.

« Profondément attristée »

Diverses activités, dont la préparation de la sortie du livre sur l’affaire Michaud (en librairie mardi), m’ont amené à négliger mon blogue et mon auditoire virtuel. Pendant ce temps, les coupures de presse s’empilent et pourrait bien donner une « salade d’hiver » consistante.
Je retiens des derniers jours, parce qu’elle est liée à mes préoccupations des derniers mois, la motion des Communes sur le Maclean’s. Les gazettes y ont vu un « dénonciation » ou une « condamnation », mais il vaut la peine d’aller lire « dans le texte ». D’après la motion consignée au procès-verbal, la Chambre des communes « est profondément attristée par les préjugés véhiculés et les stéréotypes employés par le magazine Maclean’s pour dénigrer la nation québécoise, son histoire et ses institutions».
Il faudrait voir quelles négociations ont été nécessaires pour arriver à cette formulation unanime. « Profondément attristée », c’est ce qu’on dit après un accident de la route ou un autre événement regrettable ou inévitable.
Cette formulation s’explique peut-être par une réserve, louable et bienvenue, de parlementaires fédéraux. Ce n’est pas le rôle du Parlement de sanctionner les opinions des citoyens et des journalistes. Une fois qu’il a établi les règles du débat public, des lois concernant les menaces et la diffamation, les propos haineux ou séditieux, c’est aux tribunaux de s’occuper des délinquants. S’il n’y a pas matière à poursuite, pourquoi le Parlement s’en mêlerait-il ? Ce n’est pas une « basse-cour », ni un tribunal politique.
On aura remarqué que le premier ministre du Québec, comme dans le cas de Jane Wong en 2006, n’a pas amené la question à l’Assemblée nationale et a exprimé son désaccord au moyen d’une lettre ouverte. Peut-être voulait-il éviter un débat sur la corruption…
On a peut-être aussi appris quelque chose de l’affaire Michaud ; « il est périlleux, écrivait Joseph Facal, dans le Journal de Montréal du 31 mai 2010, d’utiliser un parlement pour statuer sur des opinions individuelles ».

Un autre prétendu successeur de Champlain

Le nouveau gouverneur général a récupéré les vieux discours de sa prédécesseure (prédécessesse?). Il entonne la rengaine de Patrimoine Canada et se prétend lui aussi le successeur de Champlain.
Champlain a eu plusieurs titres mais pas celui de « gouverneur du Canada ». Le Dictionnaire biographique du Canada les énumère ainsi :
« lieutenant du lieutenant général Pierre DU Gua de Monts de 1608 à 1612, du lieutenant général Bourbon de Soissons en 1612, du vice-roi Bourbon de Condé de 1612 à 1620, du vice-roi de Montmorency de 1620 à 1625, du vice-roi de Ventadour de 1625 à 1627 ; commandant à Québec en 1627 et 1628, entre la démission de Ventadour et la création de la Compagnie des Cent-Associés ; « commandant en la Nouvelle-France en l’absence » du cardinal de Richelieu de 1629 à 1635 ».
Le Canada ne fait pas partie du vocabulaire administratif de son époque, ni de celui de Charles Huault de Montmagny qui, selon le même ouvrage, fut le premier gouverneur de la Nouvelle-France (de 1636 à 1648), et non du Canada.
Et même si Champlain avait été « gouverneur du Canada », la théorie soutenue par le gouverneur général aurait une autre faille encore plus grande car il n’y a évidemment aucune continuité entre les gouverneurs du régime français et ceux du régime anglais. Pour que le nouveau gouverneur général du Canada soit le successeur de Champlain, il faudrait que Murray soit le successeur de Vaudreuil, « dernier gouverneur général de la Nouvelle-France ». Or, avec le traité de Paris et la Proclamation royale (1763), la Nouvelle-France n’existe plus et James Murray (gouverneur du district de Québec pendant le régime militaire) ne gouverne que sur une « province of Québec » qui correspond en gros à la vallée du Saint-Laurent. Le Canada n’est toujours pas dans le vocabulaire administratif ; il y reviendra en 1791 quand la « province of Québec », agrandie avec l’Acte de Québec de 1774, sera divisée en deux colonies, le Haut et le Bas-Canada.
James Murray, représentant de la couronne britannique, serait probablement mort de rire s’il apprenait qu’il a succédé à un représentant de la couronne française. Il ne comprendrait surtout pas comment on peut gommer l’événement de sa vie, la Conquête de 1759-1760.
Car c’est de cela qu’il s’agit. Pour Patrimoine-Canada et Rideau Hall, le Canada de Cartier et celui de Harper sont interchangeables. Ils se fondent en un seul que le gouvernement fédéral fait renaître à volonté, selon les anniversaires, avec Cabot en 1497 pour les Canadiens anglais, avec Cartier en 1534 pour les Canadiens français, avec Du Gua de Monts en 1604 pour les Acadiens, avec Champlain en 1608 pour les Québécois, avec Wolfe en 1759 pour les anglophones, avec Durham en 1840 pour les Ontariens, avec Macdonald en 1867 pour les Canadiens et probablement un jour avec Trudeau en 1982.

Salade d’automne

Le téléphone smatte
Avez-vous un téléphone « intelligent »? Est-il plus que simplement « smart », comme on le désigne en anglais (smartphone)? Je suis curieux de savoir ce qu’il a fait de brillant pour vous dernièrement, quelque chose d’original, pour lequel il n’a pas été programmé à l’avance, quelque chose d’inédit, de personnel, témoignant de sa créativité, de son flair ou de son instinct, autre chose que de transmettre bêtement de l’information ou d’exécuter mécaniquement des commandes.
Ceux qui accèdent à cette note au moyen d’un smartphone pourraient-ils me dire si ce dernier est assez intelligent pour la comprendre et formuler de vibrantes protestations?
Le sapin accommodé
Si le projet de la Société de développement commercial du Centre-ville est appuyé par la vile de Québec, la rue Saint-Joseph aura le plus gros «arbre illuminé des Fêtes» au Canada. C’est du moins ce qu’on peut le lire dans un document du conseil exécutif mais le vice-président dudit conseil n’aurait pas saisi la subtilité dans le changement de nom de l’objet qu’on appelait récemment un « sapin de Noël ».
Une super-femme
Le premier ministre est satisfait du travail de son attachée politique Chantal Landry, celle qu’il a décrite comme « une sorte de directrice des ressources humaines au sein de son cabinet ».
Pour une fois, il n’exagère pas. Si on croit ce qu’on a entendu à la commission Bastarache, cette femme doit « trouver du monde » pour combler 800 postes par année dans l’administration publique, en s’assurant qu’il y ait « autant de femmes que d’homme », et « les ci et les ça », comme disait monsieur Rondeau qui voulait probablement parler des Amérindiens ou des communautés culturelles.
Dans les entreprises qui comblent 800 postes par année, il faut toute une direction des ressources humaines pour y arriver. Pas étonnant que monsieur Rondeau ait accouru, mû par un sens aigu du devoir public pour aider madame Landry à s’acquitter de cette immense tâche, les ministres responsables des organismes où il y a des personnes à nommer ayant visiblement déserté.
Ceux qui ne sont pas morts de rire peuvent passer au paragraphe suivant.
Où va-t-on?
Quelques jours seulement après avoir subi les foudres de membres du gouvernement, le Directeur général des élections démissionne en disant qu’il aurait pris sa retraite de toute manière. Il donne en plus un préavis pour permettre à l’Assemblée nationale de lui trouver un remplaçant. C’est définitivement un gentleman qui se retient sûrement de donner le fond de sa pensée aux parlementaires qui ont dénoncé la carte électorale qu’il a proposée en 2008.
Le Parti québécois est revenu à de meilleurs sentiments. Le Parti libéral a procédé aux grands manœuvres en lançant un projet de carte dont il connaissait l’irréalisme, dans le seul but de flatter les « régionaux », pour ensuite le retirer en proférant les anathèmes, contre le Parti québécois, pour avoir abandonné les régions, et contre le DGE qui s’était attaqué « au fondement même de notre démocratie »!
Le DGE n’avait pourtant rien fait d’autre que d’apporter des changements nécessaires à la carte électorale sur le plan juridique et constitutionnel. C’est peut-être finalement ce qui peut paraître inquiétant dans le contexte actuel : si les fonctionnaires se mettent à appliquer les lois, où s’en va-t-on?

Un conseil des ministres majoritairement féminin?

La démission de Claude Béchard a provoqué un événement exceptionnel que sa mort est venue aussitôt occulter, temporairement. C’est un peu bête à dire mais ce drame fait en sorte que le gouvernement du Québec est maintenant majoritairement féminin, un précédent en Amérique et un fait rarissime au niveau mondial.
Avec la répartition des responsabilités de Claude Béchard entre deux collègues, le Conseil des ministres comprend 11 hommes et 12 femmes dont l’histoire retiendra les noms : ce sont les ministres Normandeau, Gagnon-Tremblay, Beauchamp, Courchesne, Boulet, Saint-Pierre, James, Weil, Thériault, Ménard, Blais et Vien. La minorité masculine comprend les ministres Fournier, Bachand, Bolduc, Hamad, Lessard, Gignac, Dutil, Arcand, Corbeil, MacMillan, Simard.
A-t-on oublié quelqu’un? Le premier ministre? Vous êtes en retard. On ne le compte plus dans le Conseil des ministres depuis mai 2007. Le premier ministre avait alors invité neuf hommes et neuf femmes à former son cabinet, ce qui lui permettait de dire qu’il avait un cabinet paritaire… même si le site du Conseil exécutif tout comme celui de l’Assemblée nationale donnaient bien un Conseil des ministres de 19 membres, incluant naturellement le chef du gouvernement. Toute la presse parlementaire a accepté cette nouvelle façon de calculer. Un chroniqueur politique en vue, à qui je demandais comment 9 et 9 faisaient 19, me répondit avec humour : « Vous avez raison, bien sûr. Mais vous qui êtes sûrement un sage et un malin, devriez savoir qu’en politique, 9 et 9 font 19 et non pas 18 »…
La même situation s’est reproduite après le dernier remaniement. « Nous sommes maintenant à 24 et nous resterons à 24 », disait le premier ministre le 11 août dernier, en oubliant encore sa propre personne. L’information diffusée sur son site Internet en donnait 25 mais qu’importe.
Pas facile de faire abstraction du premier ministre au moment où Marc Bellemare le considère comme le pape ou le bon Dieu! Mais ces visions ne sont pas contradictoires. Depuis le temps que les politicologues nous disent que le premier ministre n’est plus le « premier des ministres » (le « primus inter pares ») mais un « monarque élu », qui domine complètement ses collègues, nous en observons finalement les effets concrets : le Conseil des ministres ne rassemblerait plus les conseillers exécutifs du souverain (ou de son représentant) mais ceux du premier ministre.
Pour les analystes qui ont un point de vue « classique » sur nos institutions — point de vue qui se reflète encore sur le site même du Conseil exécutif (http://www.premier-ministre.gouv.qc.ca/equipe/conseil-des-ministres.shtml) —, hommes et femmes sont depuis une semaine, pour la première fois, en nombre égal au Conseil des ministres (12-12). Si on suit la logique établie par le premier ministre depuis trois ans, et entérinée par la classe politique, les femmes y sont en fait majoritaires (12 sur 23). Que la chose soit passée inaperçue nous indique peut-être que, dans un cas comme dans l’autre, elles ne sont pas au pouvoir pour autant.