Pour réaliser jusqu’à quel point les gouvernements des pays industrialisés se sont enlisés dans les déficits budgétaires et les dettes, créant ainsi un gouffre dont ils n’arrivent plus à s’extraire, il faut lire le livre Endgame : the End of the Debt Supercycle and How It Changes Everything (John Wiley & Sons, Hoboken, N.J., 2011) écrit par deux experts financiers, John Mauldin et Jonathan Tepper.
Les gouvernements ont profité d’une période au cours de laquelle le crédit était facile et les taux d’intérêts peu élevés pour s’endetter de façon scandaleuse et s’embourber dans une monstrueuse crise financière. On parle beaucoup de ces temps-ci des problèmes de la Grèce, de l’Italie, de l’Espagne, du Royaume-Uni et des États-Unis, mais le pire exemple mentionné dans Endgame est celui de la Lettonie, pays situé au centre des États baltes. Dès 2006, le gouvernement de ce pays s’est vu forcé d’imposer un programme d’austérité budgétaire sans précédent : réduction de près de 50% du salaire des enseignants, coupure de 20% du salaire des fonctionnaires et baisse de 70% de la valeur des régimes de retraite. Cette politique d’austérité a entrainé une effroyable contraction économique de 24% entre 2007 et 2009.
La situation du Québec n’est certes pas aussi préoccupante que celle de la Lettonie, mais les nuages s’accumulent à l’horizon. Selon une étude publiée en février 2010 par le ministère des Finances du Québec et effectuée en utilisant la méthode de calcul de l’OCDE, la dette publique des Québécois atteint 94% du produit intérieur brut (PIB). Le Québec se situe ainsi au 5e rang des pays les plus endettés dans le monde industrialisé. Il est, entre autres, plus endetté que la France (75,7% du PIB), le Portugal (75,2%) et les États-Unis (70%).
Un tel niveau de dette rend le Québec très vulnérable à une récession économique ou à une hausse des taux d’intérêt. Même en l’absence de ces deux menaces, le vieillissement de la population nous rattrapera tôt ou tard et fera exploser les dépenses en matière de santé et de prestations de retraite. Ce n’est qu’une question de temps avant que nous frappions un mur, tout comme la Lettonie et la Grèce.
La crise financière qui affecte actuellement les pays industrialisés est imputable à de mauvaises décisions des gouvernements. La raison de ces mauvaises décisions n’est pas l’ignorance, car les experts de ces gouvernements connaissent très bien les risques des déficits budgétaires persistants et d’un endettement excessif. L’explication se trouve dans l’incapacité des dirigeants élus d’adopter une vision à long terme et de prendre des décisions difficiles. L’impératif de se faire réélire les amène à opter pour les solutions les moins susceptibles de déplaire. Ce n’est que lorsqu’ils sont acculés à une crise qu’ils acceptent de redresser la situation. Mais toutes les solutions possibles sont alors aussi déchirantes et désastreuses les unes que les autres.
Aucune autre démonstration n’est nécessaire pour conclure que la démocratie élective est un mauvais système de gouvernement et que pour parvenir à une bonne gouvernance il est nécessaire d’opter pour une nouvelle forme de démocratie.
Une réflexion au sujet de « La fin du manège (Endgame) »
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Nous savons tous que les gouvernements élus prennent de mauvaises décisions en toute connaissance de cause. Par exemple, le gouvernement conservateur fédéral à opté en 2006 pour une réduction de la TPS alors qu’une diminution des taxes sur la masse salariale aurait représenté une bien meilleure option du point de vue de la croissance économique. Il ne cherchait pas une mesure optimale mais voulait avant tout plaire à une masse d’électeurs mal informés.