Archives pour la catégorie Doigts de lumière

Le Grand Vide est l’unique dramaturge cosmique

Issu du vide
Tout porte un masque
Haiku

Haiku de Jean-Guy Desrochers

Commentaire de Jean
Toi, moi ou tout être de cet univers sommes les acteurs de la pièce écrite et mise en scène par le Grand Vide. Sur la scène du monde, c’est lui qui mène l’action théâtrale après avoir distribué les rôles. Invisible, il laisse aux personnages qu’il a créés le soin d’occuper l’avant-scène spatiale et temporelle.
Chaque forme, chaque être, chaque personnage n’est finalement qu’un masque théâtral du Grand Vide. Selon la part du texte et de l’action qui lui est confiée, tout protagoniste dévoile quelque aspect du drame cosmique. Depuis son entrée en scène jusqu’à sa sortie de scène, son rôle est de prononcer quelques phrases de l’inépuisable poème dramatique. Il incarne ainsi à sa manière unique l’un des visages possibles qu’emprunte le Vide plénier et créatif pour son jeu dans le monde des apparences.
Cet univers visible est une scène tournante. Les formes, les êtres, les personnages y apparaissent puis disparaissent, étant devenus pour un temps des signes et des porte-parole de la Vacuité silencieuse. Celle-ci est l’Être pur en lequel les êtres surgissent à l’approche du jour qu’ils sont appelés à vivre et en lequel ils se résorbent à l’approche de la nuit qui à nouveau les enveloppera. La Vacuité silencieuse est cette Source invisible de laquelle naissent toutes les formes visibles. Elle est la Présence absente se manifestant à travers ces masques que nous sommes, toi, moi et tout être de l’univers. Elle est le Divin se révélant à visage voilé.

Partout, l’Esprit est en gestation

Sur la terrasse
Une pensée qui marche
L’arbre croît

Haiku de Jean-Guy

Commentaire de Jean
L’Esprit cosmique est à l’origine, au fondement et au terme de toute chose. Il fait de cet univers un seul Grand Vivant. Jusque dans la plus obscure parcelle de matière, son onde souterraine est à l’œuvre. Il n’y a qu’un seul courant profond, qu’une seule vibration souterraine, qu’un seul jeu mystérieux en ce monde: l’action créatrice de l’Esprit. Chaque être est le fruit de cette Pensée cosmique. Dans la fleur qui s’ouvre, chez l’oiseau qui construit son nid et au cœur de l’homme qui réfléchit l’univers existe une même Pensée: parole secrète à déchiffrer, île de lumière à contempler, miroir vivant en lequel se reconnaître.
Comment douter que l’Esprit cosmique renouvelle constamment le monde «par ses gestes de naissance», écrivait Maître Eckhart au xive siècle. Il est en marche depuis la particule la plus élémentaire jusqu’à la conscience réflexive de l’être humain. Sa course est évolutive. Son plaisir est d’enfanter, de faire croître et d’amener les êtres vers leur achèvement.
C’est bien cette Pensée, forme lumineuse intérieure de tout être, qui transmua le minéral en vie et la vie en conscience. Tel un alchimiste, c’est elle qui toujours ouvre en chaque personne des chemins vers un plus-être. Déjà inscrite dans la sève ou le sang de toute forme de vie, c’est elle qui constamment fait grandir du dedans chaque être humain, le conduisant le plus loin possible sur le versant accompli de son être.

J’ai allumé une chandelle: un soleil est né

J’ai éteint les néons
Allumé la chandelle
Mon regard est moins superficiel

Haiku de Jean-Guy

Commentaire de Jean
J’ai accompli un geste de naissance. Avec le feu a surgi en moi un regard neuf, un regard de feu, baignant dans une -nouvelle lumière tellement plus intérieure. Ainsi se vit l’échange entre les objets familiers de la vie et chaque être humain. J’ai permis à une simple chandelle de réaliser son grand œuvre de lumière. Elle est devenue, à son tour, donatrice. Levant pour moi le voile des apparences, elle a éveillé une nouvelle conscience enracinée dans ma nature profonde. Elle a ouvert l’œil de mon âme.
À qui sait le contempler, ce petit feu dira qu’il porte la plus vieille mémoire du monde. En lui sont remis en lumière les premiers feux cosmiques, ceux-là mêmes d’où sont issus les atomes, les étoiles, les fleurs et les myriades de formes qui enchantent nos vies.
En la lumière vacillante et fragile de cette flamme se dévoile aussi le destin fugace de toute chose: la vie, sur cette terre, est semblable à un souffle éphémère; elle est un tout petit trait sans épaisseur discrètement tracé à l’horizontale du temps. En ce temps et en cet espace, l’impermanence fait loi.
Et pourtant, en la lumière dressée et montante de cette flamme se révèle une tout autre vérité: l’essence de chaque être, sur cette terre, est verticale; elle est un reflet de l’Être unique et infini. Ce feu intérieur monte au Divin, ou plutôt le Divin monte en lui… éternellement!

Du Grand Vide est né l’univers

Cosmos infini
Nœuds d’énergie
Plénitude du vide

Haiku de Jean-Guy
Commentaire de Jean
Je sais une histoire commencée il y a des milliards d’années. Dans un acte de dépouillement et d’oubli de soi, et tout à la fois d’épanchement et d’effusion, le Vide empli de vie s’est manifesté pour faire exister en lui l’univers. Et l’univers est né. Depuis, le Vide danse dans la matière, l’espace et le temps avec une énergie infinie. Et il berce le cosmos comme son enfant.
Ce Vide originel est l’immense champ de création de la multitude des êtres, aussi diversifiés que des cristaux de neige. Ce Vide sans formes contient les semences de toutes les formes possibles. Ce Vide absolu est tout et rien, présence et absence, manifestation et mystère, parole et silence. Il est l’Âme du monde en laquelle naissent, grandissent, s’unissent et retournent les âmes de tous les êtres particuliers. Il est l’océan de la puissante Énergie cosmique, la Vibration qui oscille dans toutes les forces connues de ce monde. Il est l’Habitant universel, l’Esprit cosmique, le Dieu immanent, l’Être replié dans les formes ne demandant qu’à s’y déplier.
N’entends-tu point en toi et autour de toi le murmure de ce Silence éternel ? Ne sens-tu point en toi et autour de toi les battements de l’immense Énergie ? Car tu es un nœud enlacé sur cette unique corde vibrante où se croisent et se font entendre tous les êtres. Toi, moi ou chaque être, nous sommes l’une des vagues d’un unique océan, l’un des grains de sable d’une unique plage, l’une des formes d’un unique Vide. Toi, moi ou chaque être, nous sommes un chiffre à déchiffrer dans le langage cosmique, un microcosme, une résonance, un miroir vivant du Tout cosmique, une simple et ultime note du chant divin.