Archives pour la catégorie Lectures récentes

La Bataille de Londres : la constitution canadienne

Le plus récent livre de Frédéric Bastien, La Bataille de Londres (Boréal, 2013), fait couler beaucoup d’encre sur la question constitutionnelle. Les Fondements mêmes de la démocratie moderne au Canada sont remis en cause. Dans son ouvrage, il dévoile aussi le caractère et les manigances de Pierre Elliott Trudeau, un premier ministre prêt à tout pour arriver à ses fins. Nous vous proposons deux lectures complémentaires à ce brillant essai.

Tout d’abord le livre d’Eugénie Brouillet, La Négation de la nation. Le régime fédératif canadien tel qu’il a été conçu à ses origines et tel qu’il a évolué répondait-il et répond-il aujourd’hui au désir de la nation québécoise d’assurer la survie et l’épanouissement de son identité culturelle distincte ? Après avoir dessiné les contours du concept de nation et identifié les caractéristiques juridiques essentielles d’une fédération, elle analyse, dans une perspective historique et politique, le régime fédératif canadien eu égard aux aspirations identitaires de la nation québécoise.

Jusqu’où était capable d’aller le premier ministre Pierre Elliott Trudeau pour faire passer ses idées et ses mesures ? « Just watch me », a-t-il lui-même répondu. Dans Trudeau et ses mesures de guerre, Guy Bouthilier et Édouard Cloutier présentent une rigoureuse anthologie de textes écrits par des Canadiens anglais, pour la plupart présentés pour la première fois en français. Des leaders politiques, des penseurs, des journalistes et des écrivains relatent comment le gouvernement fédéral a trompé le parlement et la population du Canada en invoquant faussement une « insurrection appréhendée », pour pouvoir recourir – une première dans notre histoire – aux mesures de guerre en temps de paix.

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Le mémorial

J’avais remarqué pour la première fois les livres de Christopher Isherwood il y a quelques années alors que je travaillais encore en librairie. Des rééditions en format poche m’avaient donné envie. J’avais retenu le nom sans rien faire d’autre.
À l’automne, dans une bouquinerie près de chez moi, je suis tombé sur Le mémorial que je me suis empressé d’acheter à un prix dérisoire. Il s’est retrouvé dans mes trop nombreux titres à lire.
Il y a à peine un mois, comme premier film de l’année, je suis allé voir au Clap Un homme au singulier de Tom Ford adapté du roman du même nom signé Christopher Isherwood. Film que j’ai tout simplement adoré qui allie habilement esthétisme et profondeur psychologique.
Habité par ce que j’avais vu et ressenti, il me fallait poursuivre l’aventure en me plongeant dans l’univers romanesque de Isherwood. Je n’ai eu qu’à tendre la main pour lire Le mémorial. Dans ce roman, on suit plusieurs membres d’une même famille après la première guerre mondiale sur une période de neuf ans qui nous est présentés en quatre temps dans un ordre qui ne respecte pas le chronologie. Ils subissent tous, chacun à leur façon, la petite onde de choc laissée par la guerre.
L’ambiance générale qui s’en dégage est très forte et les intentions des personnages finement décrites. Deux aspects qu’on retrouvait également dans le film de Tom Ford. Même si ce n’est pas un grand roman, l’expérience a été suffisamment concluante pour avoir envie de découvrir d’autres oeuvres de Isherwood.

Paradis, clef en main

Le 29 août dernier, dans un billet consacré à la rentrée littéraire automnale, je disais ceci de Paradis, clef en main : Plus qu’une curiosité pour moi. J’avais littéralement été happé par l’écriture de Putain et Folle. À ciel ouvert m’avait rendu sceptique. Ce nouveau titre est peut-être un rendez-vous ultime entre elle et moi.
À peine un mois plus tard, Nelly Arcan s’enlevait la vie. Comme des milliers de gens, sa mort m’a beaucoup secoué. Malgré ce tragique événement, j’ai tout de même envie de parler de son dernier roman de la même façon que je l’aurais fait s’il n’était pas survenu.
Le rendez-vous ultime vient d’avoir lieu car je viens tout juste de terminer la lecture de Paradis, clef en main paru chez Coups de tête. Je dois faire un aveu difficile : à part les deux premières pages du roman et une dizaines d’autres vers la fin, le destin d’Antoinette Beauchamp n’est pas parvenu à me toucher. J’ai eu l’impression de tourner en rond autour du bobo sans que je puisse aller dans la plaie. J’étais prêt à y aller, je croyais que j’irais. J’hésitais même à commencer la lecture de ce livre pour cette raison. Finalement, ça s’est fait sans douleur et sans émotion.
Ce n’est pas un mauvais roman pour autant (il est supérieur à À ciel ouvert), mais Nelly Arcan avait mis la barre tellement haute avec Putain qu’il est difficile après de surpasser cette force, cette intensité et cette urgence de dire qu’on y retrouvait.
Si on n’a jamais lu Nelly Arcan, Paradis, clef en main est certes une bonne façon d’entrer dans son univers.

Dolce agonia

Avant de m’exprimer plus en détails sur ce roman de Nancy Huston, je me dois de me situer par rapport à son oeuvre.
Je ne peux pas dire que je suis un inconditionnel de cette auteure même si j’ai toujours apprécié les quelques romans que j’ai pu lire d’elle. Je mets toujours beaucoup de temps à en relire un autre. Elle ne crée pas chez moi le désir de me replonger dans son univers rapidement. Je sais en partie pourquoi. Parce que, chaque fois, je trouve qu’il y a un petit quelque chose de kétaine dans la structure de ses romans ou dans les thèmes abordés. C’est terrible de dire ça et pourtant c’est vrai. Dans Une adoration, entre autres, elle fait parler un cèdre du Liban et dans Dolce agonia, elle fait parler Dieu ! Mais, malgré tout, sous la plume de Nancy Huston, ça fonctionne. Ça fonctionne parce que son propos est intelligent, dense et profond (et je pèse mes mots). Curieux mélange comme si la littérature populaire rencontrait une littérature hautement intellectuelle.
Avec Dolce agonia, je tombe sur le cul et Nancy Huston est en train de m’avoir à l’usure. Elle a un sacré talent cette femme. Ce repas de la Thanksgiving auquel elle nous convie est pour le moins déstabilisant et marquant. À partir des 12 convives, elle nous brosse un portrait réaliste (proche du pessimisme) de ce qu’est l’être humain dans nos sociétés occidentales et de la vie, souvent impitoyable, qui passe (ça m’a d’ailleurs rappelé la teneur des propos du Déclin de l’empire américain). Chaque séquence du repas est entrecoupée par l’intervention de Dieu qui nous explique ce que sera la fin de vie pour chacun d’entre eux… Est-ce nécessaire d’en rajouter ?
Si : Dolce agonia est de la grande grande littérature.

Le livre brisé

Ça faisait vingt ans que je voulais lire Le livre brisé de Serge Doubrovsky. Il traînait pourtant dans ma bibliothèque depuis tout ce temps. Chaque fois que je le prenais dans mes mains, je finissais par le remettre dans les rayons. Faut croire qu’il me faisait peur.
Dernièrement, l’envie de le lire m’a repris et j’ai sauté sur l’occasion. J’avais raison d’avoir peur. C’est costaud ce livre. Après Proust et sa recherche, c’est peut-être l’exercice de lecture le plus difficile que j’ai fait. Car croyez-moi, il s’agit vraiment d’un exercice de lecture. D’ailleurs, j’ai failli en abandonner la lecture après une centaine de pages (il en fait plus de 400). Je me suis dit que je n’avais pas attendu vingt ans pour en arriver là. Chose que je fais rarement, je me suis donc imposé de le terminer. Ça m’aura pris plusieurs semaines.
Le livre brisé (prix Médicis en 1989), c’est d’abord pour Doubrovsky la volonté de se raconter. Rapidement, Isle, sa femme du moment, s’en mêle. Elle le met un peu au défi de la mettre au centre de son projet. Ce qu’il fait. On assiste alors à un jeu dangereux entre eux deux. En cours de route, rongée par l’alcool, Isle meurt. La gageure prend une tournure tragique. C’est ça le livre brisé.
Dans un style unique, syncopé et déstructuré, Serge Doubrosvky dissèque son couple. Pour la petite histoire, c’est lui qui, à la fin des années 70, a créé le terme « autofiction ». Le livre brisé en est éloquent exemple.
Je ne peux pas dire que j’ai aimé cette lecture qui est plus souvent qu’autrement aride. Par contre, ce livre ne laisse pas le lecteur indifférent. Il est marquant en ce sens là. Je comprends pourquoi j’ai mis vingt ans avant de le lire et je ne regrette pas de l’avoir fait.

Dans l’autobus

En décembre, j’ai opté pour le transport en commun pour me rendre au travail. Le grand avantage que ça représente pour moi, c’est le temps de lecture qui augmente grâce au trajet de 40 minutes que je dois effectuer pour l’aller et pour le retour. 80 minutes de bonheur par jour quand le livre est bon. Depuis trois semaines, j’ai été chanceux dans mon choix de lecture car deux des trois livres lus dans l’autobus ont été de véritables coups de coeur.
Les Jumelles de Highgate, Audrey Niffenegger (Oh ! éditions)
Dès les premières pages, à la fois à cause de la traduction et du contenu, je savais que ce nouveau roman d’Audrey Niffenegger n’égalerait pas tout le bonheur que j’ai eu à lire son impressionnant Le Temps n’est rien. Mon intuition ne s’est hélas pas trompée. Avec Les Jumelles de Highgate, elle a trop voulu suivre de pistes et de personnages en exploitant une autre facette du surnaturel. Ici, le voyage dans le temps (Le Temps n’est rien) fait place à la notion de fantômes. Si le thème était extrêmement bien exploité dans le premier, on ne peut pas en dire autant dans ce dernier. Elle évite à peine les clichés des histoires de fantômes et sa trame, trop alambiquée, tombe à plat. On ne s’attache pas aux personnages et on n’est que très peu partie prenante de l’action. Pourtant, elle avait tout pour arriver à ses fins. Selon moi, la dimension fantomatique est l’élément de trop dans ce roman. Rendez-vous raté donc. Dommage car j’attendais ce nouveau Niffenegger depuis longtemps.
Brooklyn Follies, Paul Auster (Actes sud)
J’ai appris à aimer Paul Auster avec le temps. Je trouve que ses livres sont des oeuvres de maturité qu’on ne peut qu’apprécier davantage à mesure que nous avançons en âge. Ils deviennent alors un écho de notre propre vie. Il y a quelques années, à sa sortie, La Nuit de l’oracle m’avait complètement fasciné et impressionné. J’ai encore en mémoire une scène très forte qui n’est pas prête de quitter mon esprit. En me plongeant dans Brooklyn Follies dernièrement, je ne m’attendais pas à ce que ce livre me fasse autant d’effet car on m’avait dit que c’était un Auster léger. Je ne suis pas d’accord. Il n’a peut-être pas la profondeur existentielle et métaphysique de ses oeuvres phares, mais quel roman puissant ! C’est un livre qui célèbre la vie, rien de moins. C’est touchant du début à la fin. C’est beau, c’est bon et encore plus. Un grand roman. Si vous ne connaissez pas l’univers de Paul Auster, ce serait un très bon titre pour le découvrir.
L’Étrangleur de Cater Street, Anne Perry (10/18)
Ça faisait des années que je voulais lire du Anne Perry pour deux raisons. La première : la gérante chez Pantoute où je travaillais m’en parlait souvent (c’était une invétérée). La seconde : savoir que l’auteure de ses romans policiers victoriens n’était nulle autre que le personnage incarnée par Kate Winslet dans Heavenly Creatures augmentait ma curiosité. Par hasard, je suis tombé sur L’Étrangleur de Cater Street qui est le tout premier qu’elle a écrit. Je dois vous dire que j’ai succombé au charme de l’univers très anglais qu’elle a créé. Elle ne révolutionne pas le genre, mais ça se lit avec énormément de plaisir. C’est plus victorien que policier mais il plaira aux deux publics. Je ne tarderai sans doute pas avant d’en lire un autre de cette auteure que je vous recommande fortement.

D’autres vies que la mienne

En ce moment, Emmanuel Carrère est l’écrivain qui m’intéresse le plus. Ça faisait longtemps que je n’avais pas entretenu un tel rapport avec l’univers d’un auteur. C’est la lecture d’Un roman russe qui a tout déclenché ça cet été. Cette lecture m’a tellement fasciné qu’elle est encore très présente à l’intérieur de moi comme une flamme vive qui ne diminue pas. Au risque de me répéter, il y a tout ce que j’aime dans ce livre. À un point tel que j’aurais aimé pouvoir l’écrire.
D’autres vies que la mienne, que je viens de finir de lire, ne fait que raviver cette flamme qui brûle en moi. Moins solide qu’Un roman russe, il n’en demeure pas moins que les thèmes abordés, et surtout la façon qu’ils le sont, donnent à ce roman une force évocatrice peu commune en littérature. En tournant la dernière page, comment ne pas être ému ?
L’écriture d’Emmanuel Carrère a une force de frappe inégalée et presque inégalable. Jamais il ne tombe dans la facilité. Ses mots transpirent la vérité. Ils sont toujours portés par une structure narrative solide qu’il maîtrise extrêmement bien. Quand on le lit, c’est toujours un condensé d’intensité.
En tant qu’auteur, Emmanuel Carrère est en train de devenir un modèle pour moi. Il m’inspire, me stimule et, malgré mes doutes, m’incite à poursuivre ma petite oeuvre littéraire discrète et sincère que j’ai commencée il y a quelques années.

Un temps fou

Pour la quatrième fois, je me suis laissé prendre par l’univers de Laurence Tardieu. Pourtant, d’un livre à l’autre, c’est une variation sur un même thème : les rapports entre les êtres qui, la plupart du temps parlent d’amour. Elle nous surprend chaque fois car l’angle de l’intime est toujours différent. Elle pousse toujours plus loin l’observation du quotidien. Elle le décortique. Souvent au « je », un « je » qui est une autre en même temps le sien. C’est encore plus frappant dans Un temps fou. Elle nous donne l’illusion qu’elle nous raconte sa propre vie. L’illusion est parfaite. Ce titre m’a rappelé Ni toi ni moi de Camille Laurens.
Un temps fou est une histoire d’amour. De celle que l’on fabrique. Peut-être pas non plus. L’illusion, encore. Et ça fonctionne. Laurence Tardieu a l’art de nous ramener à notre propre histoire. C’est peut-être entre les lignes que ça se passe, subrepticement.
C’est ça la force de Laurence Tardieu : l’écriture.
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Un temps fou, Stock 2009
Rêve d’amour, Livre de poche 2009, Stock 2008
Puisque rien ne dure, Livre de poche 2008, Stock 2006
Le Jugement de Léa, Points 2007, Arléa 2004
Comme un père, Points 2008, Arléa 2002

Un roman russe

Un roman russe d’Emmanuel Carrère traînait dans mes livres à lire depuis sa sortie en 2007. Malgré tout le bien qu’on m’en disait, et malgré le fait que j’avais beaucoup aimé La classe de neige et L’adversaire, je ne me décidais pas à le commencer. Il aura fallu la sortie de son nouveau D’autres vies que la mienne (que je n’ai pas lu) pour que je me décide enfin.
Je viens tout juste d’en terminer la lecture et j’en suis tout tourneboulé.
Il y a longtemps que je n’ai pas autant été pris par un livre. C’est une autofiction de haut niveau dans laquelle viennent s’ajouter plusieurs trames narratives efficaces dignes des meilleures fictions. Emmanuel Carrère accroche le lecteur du début à la fin. C’est d’une intensité et d’une vérité rare. Ça vous prend aux tripes. Il faut plus que beaucoup de talent pour utiliser aussi bien le réel au service de la littérature car c’est bien de cela qu’il s’agit. Et c’est de la grande dans ce cas-ci.
Un peu comme pour Emmanuel Carrère et les raisons de son séjour en Russie, je ne me suis pas méfié et les dernières pages m’ont rentré dedans d’aplomb alors que je ne m’y attendais pas du tout.
Un roman russe trônera assurément en haut de mon palmarès 2009.
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Un roman russe, Emmanuel Carrère, P.O.L. (2007)

Désamours

Pour parler du désamour, il faut avant tout que je parle de mon amour pour la plume de Geneviève Robitaille. Mon amour pour elle d’une certaine manière car, livre après livre, j’apprends à connaître qui elle est. Chacune de ses publications a quelque chose d’ impudique. Mais lorsque c’est si bien porté par la littérature, ça ne peut pas l’être (ou presque).
Désamours est probablement son récit le plus intime. C’est un aveu qu’elle nous fait à partir des amours qu’elle n’a pas sues vivre. Par peur, tout simplement. La confession est si honnête et directe qu’on la reçoit en plein coeur.
Mon parcours est différent du sien. Je ne suis pas non plus habité par les mêmes peurs, mais je me suis reconnu dans ce désamour que je commence à comprendre et à éviter pour me rapprocher davantage de l’amour. Reste maintenant à le trouver.
Tout comme moi, plusieurs se reconnaîtront à travers cette émouvante confession. En plus, si ce livre et ce billet peuvent être une porte d’entrée dans l’univers de Geneviève Robitaille, j’en serais ravi. L’oeuvre qu’elle peine à construire à coup de détermination hors du commun mérite qu’on s’y attarde. Pour moi, un nouveau Geneviève Robitaille est toujours un événement que je ne veux pas rater.
Pour vous aiguiller, voici ses autres titres :
Chez moi, Triptyque, 1999
Mes jours sont vos heures, Triptyque, 2001
Éloge des petits riens, Leméac, 2005
Chute, J’ai vu, 2006