Nos livres à juste prix

L’industrie se mobilise pour assurer l’avenir du livre au Québec
Au Québec, nous entretenons un lien privilégié avec nos créateurs, qui incarnent la culture qui nous est propre. Le livre, première industrie culturelle québécoise, emploie 12000 personnes et génère près de 800 M $ annuellement. Cette industrie est aujourd’hui gravement fragilisée par la vente à rabais des best-sellers dans les magasins à grande surface et sur Internet. Dans ce contexte, le milieu du livre se mobilise pour réclamer d’urgence aux pouvoirs publics une réglementation du prix de vente des nouveautés au Québec.
Sans protection, nous craignons une diminution de la diversité de l’offre culturelle, ce qui signifie une offre moins variée pour le lecteur. En fait, les grandes surfaces vendent les best-sellers à perte pour attirer la clientèle dans les autres rayons de leur commerce. Si les libraires ne peuvent concurrencer pour la vente des best-sellers, comment pourront-ils survivre en gardant des inventaires de milliers de livres qui s’écoulent plus lentement ?
La réglementation que nous réclamons permettrait non seulement de défendre la vitalité et la diversité du livre au Québec, mais également de préserver notre réseau de librairies qui est en situation précaire. La solution est pourtant simple : vendre partout les livres à leur juste prix, c’est-à-dire au prix normal, établi par l’éditeur pour les neuf premiers mois suivant leur parution. Au-delà de cette période, le prix du livre obéirait aux lois du libre marché.
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La réglementation sur le prix des livres a fait ses preuves : une majorité des pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) a légiféré, notamment la France, l’Allemagne, le Mexique et Israël, et vu leur industrie se consolider. À l’opposé, des pays comme la Grande-Bretagne et les États-Unis, qui ont refusé de se doter d’une réglementation, ont vu leur industrie se fragiliser, leurs réseaux de librairies s’affaiblir et le prix moyen payé par les consommateurs augmenter plus rapidement que dans les pays où il y a une législation.
Ces décisions ont prouvé leur raison d’être. À titre d’exemple, la Loi sur le prix unique de 1981 fait désormais l’unanimité en France, où le réseau des librairies a été sauvé dans l’ensemble des régions.
Pourquoi ne pas se doter d’une pareille réglementation, ici, au Québec ? Il appert que, sans une législation, c’est la diversité et la richesse culturelles du Québec qui sont compromises. Notre initiative est donc nécessaire dans le domaine du livre puisqu’elle assure, à terme, l’accès à la culture, en plus de permettre la pérennité de l’accès à notre histoire et à notre langue.
Il ne fait aucun doute que nous avons le devoir de prendre urgemment des mesures concrètes pour protéger à la fois nos auteurs et notre industrie du livre. Nos organismes sont appuyés par de nombreuses personnalités du milieu du livre et de la culture dont Michel Tremblay, Marie Laberge, Yann Martel, Dany Laferrière, Tristan Demers, Jacques Godbout, Stéphan Bureau, Mireille Deyglun, Jean-Jacques Pelletier, Robert Lalonde et Patrick Senécal, lesquels soutiennent notre démarche et s’en expliquent sur la plateforme noslivresajusteprix.com. Forts de ces soutiens, nous interpellons les différents partis politiques et les pressons à prendre position en faveur d’une réglementation sur les prix des nouveautés dans le domaine du livre et ce sans délais.
Texte d’opinion cosigné par
Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEEQ)
Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)
Association des distributeurs exclusifs de livres en langue française (ADELF)
Association des libraires du Québec (ALQ)
Fédération québécoise des coopératives en milieu scolaire (Coopsco)
Réseau BIBLIO du Québec
Bibliothèques publiques du Québec (BPQ)

Foglia réconcilie Benhabib et Tremblay

Je suis un inconditionnel de Foglia. À mon grand désespoir, je suis habituellement d’accord avec lui. Quand Djemila Benhabib a innocemment déclaré qu’elle souhaitait que le crucifix soit enlevé de l’Assemblée nationale, j’ai eu les deux jambes sciées. J’imaginais le remous dans Trois-Rivières. Bien sûr, elle ne faisait que confirmer qu’elle n’avait pas changé d’idée à ce sujet. Ce n’était rien de neuf, rien pour fouetter un chat. Elle s’empressait toutefois de préciser qu’elle se ralliait au programme du PQ à ce sujet non sans ajouter qu’elle poursuivrait sa croisade à l’intérieur du caucus. Elle venait de rajouter une pelletée de terre.

Foglia a tout compris ( La Presse, 16 août) et l’explique au maire de Chicoutimi, oui ce Chicoutimi que le PQ a fait disparaître de la carte : « Mme Benhabib dit que ce n’est pas vraiment sa priorité de le décrocher ». C’est vrai, elle a ajouté ça.

« Ce qui la préoccupe, ajoute-t-il en interprétant l’ensemble de sa démarche qui est de notoriété publique, c’est même le contraire : le fait que certains insistent pour retirer les symboles de la majorité, alors qu’on permettrait des symboles des minorités religieuses ».

Pour réconcilier Mme Benhabib et le maire Tremblay, Foglia rappelle à ce dernier qu’elle a déjà dénoncé « avec virulence les concessions religieuses faites par une société molle et naïve […] à des réseaux islamistes minoritaires, à commencer par le voile, les salles de prières dans les établissements scolaires, le refus de la mixité, etc. »

Le maire de Chicoutimi, j’insiste, ne sait sans doute plus à quel saint se vouer?

Et Foglia de terminer avec des propos qui rejoignent ceux de Jean-Pierre Proulx (Le Devoir 16 août) qui craint que la charte de la laïcité soit source de désillusion.

Foglia a décidément dépassé le stade de l’intégration.

Panneton – Benhabib

Quand on m’a parlé de « la lettre de l’abbé Panneton » (Le Nouvelliste, 8 août), j’étais catastrophé. J’ai tellement d’estime et d’admiration pour lui. On vient de me l’envoyer en même temps que la réaction [pas encore en ligne] de Djemila Benhabib (11 août).

Quel échange émouvant de deux grands esprits. L’abbé Panneton est ébranlé, inquiet. Il se veut généreux, nuancé tout au long de sa lettre mais il ne peut retenir à la fin ce qui l’a incité à l’écrire, à la faire publier. Ses questions sont insidieuses. Il les regrette sans doute déjà. Autour de lui, il a créé une certaine gêne. Il est un homme de réflexion. Il porte en lui un héritage dont l’intensité n’échappe pas à Madame Benhabib. En lisant la réponse de cette dernière, je me suis dit que ces deux-là vont devenir des inséparables. Ils ont besoin l’un de l’autre.

L’abbé Panneton est responsable de la formation d’une partie de la relève. Il enseigne à nos futurs leaders l’ouverture et l’échange. Il aura la chance inouïe de côtoyer une députée d’une qualité exceptionnelle et de la citer en modèle. Cette femme sera une bénédiction pour Trois-Rivières. Elle placera Trois-Rivières à l’avant-garde des ajustements inévitables que nécessite l’évolution du monde.

Trois-Rivières ne s’est pas développé en serre chaude, à l’abri du monde extérieur. Trois-Rivières est historiquement un carrefour, un lieu d’échanges. En préparant sa merveilleuse histoire du Séminaire publiée l’an dernier, l’abbé Panneton découvrait, un peu amusé, qu’un Hart comptait parmi les huit fondateurs de l’institution. Bien plus, ce Juif, Ezekiel-Moses Hart, était même celui qui avait sauvé l’entreprise.

Trois-Rivières a été le bassin des premiers voyageurs de l’Ouest et une remarquable terre d’accueil pour des milliers d’immigrants. Ceux-ci ont fait Trois-Rivières. Une petite communauté juive a relancé l’économie de Trois-Rivières et de la Mauricie au lendemain de la Conquête, suivie par des vagues d’Irlandais, de Scandinaves, etc. Quelques dynamiques familles libanaises, les Baraket, Nassif, Aboud, Courey ont pris la relève au début du dernier siècle. Aujourd’hui des Italiens, des Grecs, des Vietnamiens, des Arabes et combien d’autres viennent enrichir et agrémenter notre quotidien.

Trois-Rivières est une ville merveilleuse avec une étonnante vitalité culturelle. Elle a donné plus que sa part d’artistes, de créateurs, d’intellectuels à côté de rudes travailleurs et de scientifiques.

Avec Djemila Benhabib, Trois-Rivières sera présente plus que jamais. Pour avoir été député de Trois-Rivières pendant neuf ans et avoir travaillé toute ma vie à faire rayonner cette ville et cette région qui a accueilli mes ancêtres, je dois dire l’extrême fierté que je ressentirai quand je verrai une énorme majorité de Trifluviennes et de Trifluviens choisir Djemila Benhabib comme députée. Ce sera un grand jour!

Denis Vaugeois
Député de Trois-Rivières de 1976 à 1985

Les Fêtes de la Nouvelle-France

À l’occasion des Fêtes de la Nouvelle-France, qui se dérouleront jusqu’au 5 août, nous vous proposons une belle sélection de titres sur cette période.
- Au temps de la petite vérole de Rénald Lessard (qui vient tout juste de paraître)
- Bacchus en Canada de Catherine Ferland
- Samuel de Champlain traduit en français moderne par Éric Thierry (Au secours de l’Amérique française, À la rencontre des Algonquins et des Hurons et Les Fondations de l’Acadie et de Québec)
- Le premier tome des aventures de Radisson de Martin Fournier (gagnant du Prix du Gouverneur général en littérature jeunesse)
- Jardins et potagers en Nouvelle-France toujours de Martin Fournier
- Exilés au nom du roi et Sans différends point d’harmonie de Josianne Paul
- À table en Nouvelle-France d’Yvon Desloges
- Nouvelle-France : la grande aventure de Louis-Guy Lemieux et André-Philippe Côté
- Nouvelle-France. English Colonies de Robert Lahaise
- La Nouvelle-France au fil des édits de Philippe Fournier
- 1760, les derniers jours de la Nouvelle-France de Réal Fortin (disponible seulement en version numérique)
- Les Armes à feu en Nouvelle-France de Russell Bouchard
- L’Art sacré en Amérique française de Madeleine Landry et Robert Derome
- Récit d’une captive en Nouvelle-France de Susanne Johnson traduit par le regretté Louis Tardivel
- Michel Sarrazin, un médecin du roi en Nouvelle-France de Jean-Richard Gauthier
- L’Enjeu spirituel des enfants non baptisés de Nathalie Poirier
- Onontio le médiateur de Maxime Gohier
- L’Annedda de Jacques Mathieu
- Louis XIV et le Canada de Louis Gagnon
- Catherine de Baillon de Raymond Ouimet

Retour de Cannes 2012

Avec un peu de retard, voici mon évaluation des 25 films vus à Cannes cette année (2012).

Signification : 1 et 2/5 = nul; 3/5, c’est o.k.; 3+ et 4/5, pourquoi pas? ; 4+/5, à ne pas manquer.


Films vus de la Compétition officielle

Moonrise Kingdom, Wes Anderson ( 4/5)

Après la bataille, Yousry Nasrallah (3+/5 pour sa valeur documentaire).

Paradis : amour, Ulrich Seidl (1/5)

Au delà des collines, Cristian Mungiu ( 1/5)

La chasse, Thomas Wintergerg (4/5)

La part des anges, Ken Loach (4.5/5)

Holy Motors, Leos Carax (3/5)

V Tumane ( Dans la brume), Sergei Loznitsa ( 2/5)

L’ivresse de l’argent, Im Sang Soo ( 2/5)

Thérèse Desqueyroux, Claude Miller (3.5/5)


Films vus de la Sélection Un certain regard.

Mystery, Lou Ye (3/5)

Student, Darezhan Omirbayev (3/5)

Les bêtes du sud sauvage, Benh Zeitlin (3+/5)

Laurence Anaways, Xavier Dolan (3+/5)

Les chevaux de Dieu, Nabil Ayouch (3+/5 également pour la valeur documentaire)

Antiviral, Brandon Cronenberg ( 3/5, problèmes avec la famille!)

Enfants de Sarajevo, Aida Bejic (2/5)

Elefante bianco, Pablo Trapero ( 3/5)

Despues de Lucia. Michel Franco ( 3+/5)

Le grand soir, Benoît Delépine, Gustave Kervern ( 2/5)

À perdre la raison, Joachim Lafosse ( 4/5)

La Playa DC, Juan Andrés Arango ( 2+/5)

Renoir, Gilles Bourdos ( 4+/5)

Hors Sélection

Roman Polanski, a film memoir, Laurent Bouzereau (5/5)

Woody Allen, a documentary, Robert Weide ( 4+/5)

Hommage à Claude Bouchard (1928-2012), pionnier de l’édition au Québec

Travailleur de l’ombre d’une efficacité absolue, ce créateur aux multiples talents était avant tout un graphiste plein d’imagination et étonnamment efficace. Il a signé maints numéros du Journal Boréal Express et ce qui fut sans doute son œuvre maîtresse, Canada-Québec, synthèse historique . Plusieurs ouvrages des éditions du Boréal et des éditions du Septentrion portent sa marque.

En souvenir de notre collègue et ami,

Gilles Herman
Les éditions du Septentrion

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Denis Vaugeois, fondateur du Boréal et du Septentrion, avec Claude Bouchard, lors du 15e anniversaire du Boréal en février 1977.(Source : Boréal, une histoire à lire… 1963-2003, p.16)

Schèmes mentaux et mœurs politiques

La démocratie participative appelle à une transformation de la façon de concevoir la politique. Elle exige à la fois une modification des schèmes mentaux et un changement des mœurs politiques.
La démocratie élective s’appuie sur des schèmes mentaux établis depuis plusieurs générations. Modifier des traditions aussi bien ancrées n’est pas chose facile. La première réaction de bien des gens devant des propositions avant-gardistes comme la démocratie participative est d’affirmer qu’elles sont irréalistes.
L’histoire fournit plusieurs exemples de tels schèmes mentaux qui freinent l’application de nouvelles idées ou de nouveaux systèmes. Le cas de la monarchie est particulièrement instructif. Dans son livre Une histoire populaire de l’humanité (Boréal, 2012), Chris Harman rappelle qu’au moment de la Révolution française, la monarchie régnait depuis plus d’un millénaire et jouissait d’un pouvoir incontesté depuis cent cinquante ans. Il affirme que «presque tous étaient convaincus de la pertinence de la monarchie» (page 312) et ne voulaient que restreindre les pouvoirs du roi. Un renversement de la monarchie était tout à fait impensable. Ce n’est que lorsque les révolutionnaires furent emportés par la frénésie de la décapitation que le roi fut exécuté. Il est évident qu’une action réfléchie n’aurait jamais conduit à un tel geste.
Il est facile de comprendre que l’abolition des élections et la disparition du droit de vote sont des idées qui bousculent les schèmes mentaux des gens.
Au-delà des schèmes mentaux, il faut constater que la motivation en politique tourne autour des ambitions personnelles, des intérêts de classe et des idéologies. Suivant les mœurs politiques actuelles, nous acceptons que les décisions soient prises sur la base des intérêts des divers groupes économiques et sociaux et que les idéologies fassent partie de l’équation. L’idéal serait cependant que les politiques publiques soient dictées par le bien général et soient déterminées suite à une analyse objective des faits, sur la base des enseignements historiques et des expériences faites ailleurs, ainsi qu’en tenant compte des données de la science et des valeurs humanistes largement partagées dans notre société.
Pour en arriver à un système dont le moteur est la bonne gouvernance plutôt que les intérêts particuliers et les idéologies, des progrès de civilisation seront nécessaire. Il faudra des avancées du même ordre que celles qui ont permis de remplacer la violence par les urnes dans la conquête du pouvoir. Les mœurs politiques changent lentement. On ne peut qu’espérer que l’évolution ne prenne pas des siècles…
Ce blogue fait maintenant relâche. Je remercie tous ceux qui m’ont offert leurs commentaires et j’invite les personnes qui veulent poursuivre la discussion à me rejoindre à l’adresse jeanlaliberte@ymail.com.

Les détenteurs du pouvoir

Au-delà des partis politiques, le pouvoir est détenu par une classe dominante composée de gens d’affaires, de membres des corporations professionnelles et de dirigeants syndicaux. Ces individus maintiennent des liens étroits avec les gouvernants, de même qu’avec tous les partis susceptibles de prendre le pouvoir et s’assurent d’avoir un accès constant aux décideurs politiques en les courtisant assidûment, en contribuant aux caisses électorales, en fournissant des travailleurs d’élection et en exerçant leur influence sur l’opinion publique. Ils peuvent ainsi défendre leurs intérêts, faire valoir leurs revendications et s’assurer que les décisions gouvernementales ne remettent pas en question leurs privilèges. Le fait que les médias soient contrôlés par de puissants groupes d’affaires fournit une assurance supplémentaire que la position dominante de cette élite ne soit pas contestée.
La démocratie participative propose une véritable révolution, c’est-à-dire un «mouvement politique amenant…un changement brusque et en profondeur dans la structure politique et sociale d’un État» (Wikipédia): le pouvoir serait placé entre les mains des contribuables, des consommateurs, des usagers des services publics, des salariés, des travailleurs autonomes et des pères et mères de famille. Ce sont ceux qu’on désigne actuellement comme la majorité silencieuse qui dorénavant exerceraient le pouvoir, choisiraient les dirigeants et maintiendraient avec ces derniers des relations privilégiées. De cette façon, non seulement les intérêts de l’ensemble de la population seraient-ils bien défendus, mais les intérêts des générations futures pourraient l’être aussi.
Il ne fait pas de doute que l’actuelle classe dominante se battra bec et ongles pour préserver le système actuel qui la sert si efficacement. Aucune personne et aucun groupe n’accepte d’être dépouillé de son pouvoir sans livrer une chaude lutte. D’autant plus que cette élite s’estime responsable d’assurer l’efficacité et la stabilité des systèmes économique et politique. Avec la démocratie participative, c’est d’un bouleversement du système établi dont on parle.
Jamais dans l’histoire une classe sociale n’en a remplacé une autre au pouvoir de façon pacifique. Il n’est jamais arrivé non plus qu’une majorité exerce le pouvoir, car c’est toujours une minorité qui a dirigé la majorité. Sous ces deux aspects, ce serait donc une première.
Grâce à la démocratie participative, on pourrait clamer comme Hervé Kempf, journaliste et écrivain français : «L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie» ! (Titre d’un livre publié chez Seuil en 2011)