Je reviens au livre de philosophie de Bruno Giuliani, L’amour de la sagesse (dans lequel il était question de l’eudémonologie dans une note précédente). Outre le fait qu’il s’agit d’un livre qui résume admirablement bien la démarche philosophique, j’ai trouvé particulièrement intéressante la partie sur la méthode philosophique, où il me semble avoir découvert des liens de parenté avec le travail de révision linguistique (dans lequel j’inclus une partie de réécriture) et la pratique de la philosophie. À vous d’en juger par ces quelques extraits :
- Une méthode ne consiste pas à appliquer mécaniquement une série de recettes, mais à intérioriser les moyens de la réussir. (p. 160)
- C’est pourquoi l’acquisition de la méthode est infiniment plus importante que l’accumulation des connaissances. (p. 160)
- Mais l’activité philosophique proprement dite est une réflexion intellectuelle qui procède par un retour de la conscience sur elle-même au moyen du langage. (p. 160)
- (Cela) nous amène directement au premier principe (…) le principe du doute (ou la règle du vrai). (Mon soulignement) (p. 163)
- La première règle de la méthode consiste donc à être raisonnablement critique. Elle conseille au philosophe de se méfier de toutes les connaissances qui peuvent être fausses tant qu’il n’a aucun moyen d’en vérifier absolument la valeur. (p. 173)
- Un philosophe consulte souvent les dictionnaires pour connaître le sens usuel des mots (…). (p. 174)
- Pour appliquer la première règle, Socrate obligeait son interlocuteur à expliciter sa pensée, à définir le sens des mots employés, à bien comprendre de quoi il parlait. (…) C’est pourquoi la deuxième règle est celle du concept. (Mon soulignement) (p. 175)
- Philosopher, c’est chercher à propos d’une chose donnée la bonne définition de son concept. (p. 178)
- En philosophie, on utilise non seulement le langage scientifique mais aussi le langage courant et toute sa richesse sémantique (…). (p. 180)
- Une fois qu’on a défini le concept en compréhension et en extension, l’étape suivante est de le distinguer de tous les autres concepts voisins, de ses opposés, de le comparer aux concepts correspondants (…), à leur étymologie (…) (p. 181)
- Le concept, c’est ce qui empêche la pensée d’être une simple opinion, un avis, une discussion, un bavardage. (p. 187)
- C’est dans le champ de la linguistique et de la sémantique que le philosophe doit apprendre à se déplacer avec le plus de clarté, de précision et de souplesse possible. (p. 188)
- Devant une réalité problématique (…), que faire? D’abord, une analyse. (p. 190) (On en arrive donc à la troisième règle : l’analyse.)
- (Dans l’) analyse, je dois à tout moment me demander (…) si mon idée m’apparaît comme indubitable. Sinon, je dois l’analyser, la mettre en question, l’expliciter. C’est là que commence le travail du concept : définir, délimiter, distinguer, opposer. Mais l’analyse n’a d’intérêt que si celui qui l’effectue refait ensuite le chemin inverse. Cette remontée du multiple vers l’unité, des parties vers la totalité, est opérée par la synthèse (la quatrième règle) (p. 193)
- Cette opération consiste à reconstituer le tout à partir de ses éléments simples. Après avoir décomposé une chose, il est nécessaire de saisir les rapports qui commandent ses parties, pour retrouver son sens d’ensemble. Il faut réunir les parties sans en oublier et trouver les bonnes relations entre chacune d’elles. Cela nécessite de distinguer les liens possibles, les liens nécessaires et les liens impossibles entre les différentes parties de l’objet analysé. (p. 193)
Eh bien, qu’en pensez-vous? Est-ce chez moi le fruit d’une déformation professionnelle ou voyez-vous des liens vous aussi entre l’exercice de notre métier et celui de la philosophie? Et si la première démarche prépare à la seconde, pouvons-nous espérer devenir un jour des sages (ou du moins des philosophes, le sens du mot philosophie étant l’amour de la sagesse)?
2 réflexions au sujet de « La révision : un travail de linguiste ou de philosophe? »
Les commentaires sont fermés.
Bonjour,
J’aimerais avoir votre avis sur mon nouveau site Internet (www.catherinebolduc.com). Je me suis lancée dans le monde de la révision linguistique il y a quelque temps. D’ailleurs, votre livre m’a motivée à faire le saut. Actuellement, mon travail à temps plein à l’Université Laval ne me permet pas de faire autant de révision linguistique que je voudrais. Mon but ultime est d’être travailleur autonome dans ce domaine.
Je visite régulièrement votre carnet. J’espère avoir de vos nouvelles.
Biens à vous,
Catherine S. Bolduc
C’est très complet et bien présenté. Des plans pour être assaillie de contrats! Faites-nous connaître les résultats dans quelque temps; cela pourrait en inspirer d’autres.