Travail garanti ou argent remis?

Est-ce une politique que les travailleurs autonomes, notamment en correction et révision linguistique, doivent adopter, à votre avis? Est-ce la vôtre?
Pour ma part, j’en ai subi les contrecoups une fois; il m’en a alors coûté 423 $, soit ce qu’aurait dû me rapporter le contrat de révision d’un texte qui n’était pas parfait. Plutôt dispendieux quand on commence dans le métier, n’est-ce pas? Comme c’était pour le compte d’un «gros client», j’ai accepté d’être «punie» de la sorte, dans l’espoir de le conserver. Je n’avais pas vraiment le choix, puisque je débutais et qu’il me fallait avant tout «sauver ma peau». Mais aujourd’hui, je me permets de considérer la situation sous un autre angle :
D’abord, y a-t-il quelqu’un qui puisse garantir la perfection de son travail, peu importe son métier? (Sûrement pas mon nettoyeur, en tout cas) Y en a-t-il qui peuvent assurer qu’ils ne feront jamais d’erreurs de toute leur carrière? Et en connaissez-vous qui sont convaincus de n’en avoir jamais fait? Ou qui sont certains de tout connaître, ce qui pourrait les empêcher de fauter (mais pas nécessairement non plus)? Si vous n’êtes pas la personne qui m’a gratifiée, il y a plusieurs années, du salaire dont j’ai fait état, vous avez sans doute répondu non à toutes ces questions, ou du moins à plusieurs.
Ensuite, bien que ce ne fût pas mon cas, essayez d’imaginer qu’une faute ait été laissée dans un ouvrage qui vous aurait demandé plusieurs mois de travail à temps plein… Le seul ouvrage, donc, sur lequel vous eussiez compter pour vivre durant cette période… Avec quoi paieriez-vous votre loyer (ou votre hypothèque) si, conformément à cette politique, vous ne deviez pas être rémunéré?
Imaginez maintenant ce qu’il pourrait vous en coûter si l’on vous demandait d’assumer une nouvelle édition d’un ouvrage à très grand tirage (ex. : un dictionnaire, le Code civil).
C’est le genre d’arguments que j’ai servis à un autre client il y a quelque temps. Parce que j’ai encore fait une faute, me direz-vous? Eh bien oui, ça peut encore m’arriver. Malgré tout, je me considère parmi les bons réviseurs. J’ai d’ailleurs suggéré à ce dernier client de «me laisser tomber» et de confier ses prochains contrats à quelqu’un d’autre. Mais je pouvais dès lors lui assurer que cet autre, un jour, ferait une erreur à son tour. Je me permis d’ajouter que s’il décidait de poursuivre avec moi, je ne pouvais même pas lui garantir de ne plus jamais faire d’erreurs. Certes, j’accroîtrais ma vigilance et je ne souhaitais pas que cette situation se reproduise. Mais, malgré cela, je ne pouvais savoir si une telle calamité ne m’arriverait pas de nouveau dans une semaine, un mois, un an ou trois. Ce pourrait alors tomber sur un autre client ou, malheureusement, encore sur lui (une calamité, vous dis-je). Car, avec les années, s’il y a une chose dont je suis assurée, c’est que je ne peux être parfaite tout le temps. C’est du moins ce qu’il m’a fallu accepter après bien des insomnies et des brûlures d’estomac.
Je travaille toujours pour ces deux clients. Le dernier m’a dit avoir apprécié le fait que je lui dise la vérité; d’abord, que j’étais bien fautive et que j’en étais sincèrement désolée. Je crois aussi qu’il a compris que je fais tout ce que je peux pour que mon travail soit le plus parfait possible, et cela, le plus souvent possible. Avec, comme résultat, une performance plus qu’acceptable, dans l’ensemble. Pour le reste – qui constitue plutôt l’exception que la règle –, il vaut mieux accepter que je ne suis qu’un être humain. Et vous?

3 réflexions au sujet de « Travail garanti ou argent remis? »

  1. J’imagine que ça dépend fortement du travail. Une faute laissée dans une annonce de 20 mots ou une faute dans un ouvrage de 500 pages ?
    Au Septentrion, cela fait longtemps que nous nous sommes fait une raison : l’ouvrage parfait n’existe pas. À vrai dire, dès la réception d’une nouvelle publication c’est à qui trouvera la première faute.
    C’est évidemment plus dur à avaler pour l’auteur qui voit souvent son bébé souillé par l’incompétence de l’éditeur – le réviseur – l’imprimeur (biffer les mentions inutiles).
    Entendons-nous sur une chose : si Proust ou Hugo sont cités dans le Grand Robert, ils n’en sont pas à leur première édition !

  2. Lors de mon premier cours de révision à l’Université Laval, j’ai été estomaquée (de prime abord) d’apprendre qu’un réviseur fait parfois des erreurs. Après un instant de réflexion, j’ai pris conscience que comme n’importe quel travailleur sur cette terre, les réviseurs sont des êtres humains (je crois!) et donc, imparfaits.
    Je fais de la révision depuis bientôt deux ans. Je commence! Et déjà, j’ai eu à m’excuser d’avoir laissé UNE erreur. Je ne peux pas nier que je ne me sentais pas bien à cet instant. Mais il est rassurant de savoir que même après plusieurs années d’expérience dans le métier, il nous arrive parfois de faire une erreur. Après tout, nous sommes d’abord humains, ensuite réviseurs!

  3. J’ai trouvé le lien menant à votre blogue dans le no 94 du magazine Circuit de l’OTTIAQ, auquel je suis abonné. La révision en langue française fait d’habitude partie de mon travail de traduction, que ce soit la mienne ou celle d’un autre traducteur. Il m’est arrivé cependant de faire de la révision d’un texte anglais, langue que je manie relativement bien. Il s’agissait d’un bulletin électronique destiné à un site web et l’auteur, professionnel accompli mais non en langue anglaise, avait tout simplement négligé la rédaction du texte.
    Votre texte parle de contrats et d’erreurs. Avez-vous envisagé de devenir membre d’une association telle que l’Association Canadienne des Réviseurs
    http://www.editors.ca/branches/qac/index.html
    lorsque j’ai effectué la révision en anglais mentionnée ci-dessus, je m’étais servi de leurs définitions de révision qui sont fort utiles.
    Un outil de correction qui me sert depuis de nombreuses années est le logiciel Prolexis de
    http://www.diagonal.com , qui est beaucoup plus performant que les correcteurs offerts par Microsoft.
    En ce qui concerne les contrats, j’ai adapté le contrat proposé par l’ATIO qui explicite les conditions de paiement, les erreurs et leur correction, et autres points utiles dans ce genre de contrat. Je suis persuadé que l’ACR propose aussi ce genre de chose.
    Une assurance erreurs et omissions serait également utile (l’OTTIAQ en propose une, si je me souviens bien).

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