Comme plusieurs centaines de personnes, j’attendais avec impatience le tout nouvel album de Daniel Bélanger, l’un des meilleurs auteurs-compositeurs interprètes de la francophonie. Avec lui, l’attente en vaut toujours la peine. Comme devrait l’être le travail de l’artiste, il prend toujours le temps de bien faire les choses et il pousse sa démarche toujours plus loin, vers un ailleurs né de la continuité de ce qui a déjà été.
L’échec du matériel, peut-être le plus homogène de ses albums, est un excellent disque. La preuve ultime: je n’écoute que ça depuis le 3 avril et plusieurs chansons flottent déjà allègrement dans ma tête à toutes heures du jour. Évidemment, la production est riche est impeccable. Dans plusieurs chansons, on sent de petits clins d’œil aux albums précédents. En parallèle, se développent des ambiances nouvelles à travers desquelles surgit toujours la magnifique voix de Bélanger à laquelle il est difficile de résister.
Le plus gros changement de cet album se situe au niveau des thèmes abordés par le chanteur. Le flou poétique auquel il nous avait habitués fait place au concret. Ses préoccupations sont maintenant à caractère sociale et très ancrées dans le présent. Ça ne fait pas pour autant des textes plats. Bélanger le fait de façon très personnelle. Il est le filtre de ce qu’il voit, de ce qu’il ressent sans jamais se mettre à l’égard des maux de notre société. Sports et loisirs (ma préférée du moment) en est un très bel exemple lorsqu’il chante « je n’ai jamais plongé qu’au fond que de moi-même, je n’ai jamais volé personne que moi-même, je n ‘ai jamais tué personne que moi-même, je n’ai jamais roulé personne que moi-même ». On reconnaît la signature du parolier. C’est humble, c’est fort, c’est poétique.
Outre Sports et loisirs, j’aime déjà beaucoup Le fin de l’homme, Manière de parler, Drôle de personne, Plus, Demain peut-être (instrumental), L’échec du matériel et Je suis mort. Huit chansons sur quatorze (et j’aurais pu facilement en ajouter quelques unes). Aussi bien dire que j’adore cet album qui cristallisera une partie de mon année 2007.
L’échec du matériel, Daniel Bélanger (Audiogram)
Archives mensuelles : avril 2007
Le Mystère de Québec pour les nuls
Les médias montréalais, parfois très doués pour fabriquer des raccourcis, ont décrété que la population de la région de Québec avait un comportement politique inexplicable. Vous vous rendez compte ? Les habitants de la veille capitale qui seraient les premiers à bénéficier de l’indépendance du Québec n’ont pas eu jadis le « réflexe » d’appuyer cette option lors de deux référendums sur la question.
Puis, en 2003, ils mettent à la porte leurs députés péquistes, à l’exception d’Agnès Maltais ; en 2006, c’est au tour des bloquistes de se faire montrer la sortie, sauf cette fois Christiane Gagnon. Ils descendent dans la rue pour appuyer Jeff Fillion ; ils élisent un indépendant, André Arthur. Ils portent à la mairie de Québec une candidate qui a combattu la nouvelle ville, s’est présentée seule, à la dernière minute, sans programme, sans argent, sans équipe, sans publicité, sans pancartes. Au lieu de conclure que les gens de Québec sont des « malades », condescendants, les commentateurs prennent acte du « mystère de Québec ».
Le mystère démystifié
Québec est un petit milieu où les injustices sont faciles à observer. Les écarts de salaires et de conditions de travail se vivent au quotidien. Les fonctionnaires provinciaux savent qu’ils gagnent beaucoup moins que leurs homologues municipaux. Les travailleurs du privé n’osent se comparer ni aux uns ni aux autres. Un bon jour, ils constatent tout simplement que leur voisin vient de prendre sa retraite à l’âge de 50 ans et qu’il pourra dorénavant jouer au golf à plein-temps.
À la suite des coupures dans les transferts fédéraux du secteur de la santé, le PQ a cru pouvoir s’en sortir par de nouvelles planifications. On a créé des régies régionales qui ont bouffé une partie de l’argent qui restait. On a fermé des lits ; on a fermé des hôpitaux. Exemple : l’hôpital Saint-Sacrement avait une réputation exceptionnelle dans le traitement des grands brûlés, en hématologie, etc. On a démantelé les équipes. Partout, on a réduit les heures de chirurgie.
En réponse aux incessantes grèves dans le transport en commun, le PQ est resté de marbre. Un gouvernement péquiste en a même enduré une pendant neuf mois. Je n’oublierai jamais le désarroi de la population, depuis les employés des petits commerces, les personnes démunies jusqu’aux étudiants de l’université. J’admirais la résignation de ces derniers, qui devaient bien se douter que la plupart d’entre eux avaient peu de chances d’obtenir un jour des conditions de travail comparables à celles des employés du transport en commun, capables de rester indéfiniment en grève, grâce au… maintien des services essentiels.
À Québec, la cerise sur le gâteau, ce furent les fusions municipales. Pour un parti dont la démarche devrait être essentiellement identitaire, le mépris pour l’attachement des gens à leur ville dépasse l’entendement. Le PQ avait-il vraiment besoin de rayer de la carte autant de villes chargées d’histoire ? La population ne s’est pas résignée. Elle attendait son tour. Agnès Maltais et Christiane Gagnon ont sauvé leurs sièges parce que leurs circonscriptions étaient situées au cœur de la vieille ville de Québec. Elles n’ont pas été affectées par les fusions ou les défusions. Non satisfaits d’avoir éliminé Beauport, Charlesbourg, Sainte-Foy, Sillery, etc., les triomphalistes de l’hôtel de ville ont débaptisé plus de 600 rues. Ils ont allégué une exigence de Postes Canada visant à éviter les doublons, ce qui a été démenti par la suite.
Aujourd’hui, les économies d’échelle se traduisent par des hausses de taxes. Or, le déclenchement des dernières élections coïncidait avec l’arrivée des nouveaux comptes de taxes et, forcément, avec les avis d’augmentation de loyer. Où est le mystère ?
Les péquistes ont payé pour des fusions improvisées et imposées ; les libéraux, pour avoir piégé les gens avec leur mauvais scénario de défusions.
Les uns et les autres ont l’air fou et les gens en ont ras le bol.
Le mystère du Québec ou celui de Montréal ?
Ce qui paraissait être le mystère de Québec a pris les allures d’un feu de brousse. En quelques heures, il est devenu, le 26 mars, le mystère du Québec. Il s’est arrêté aux portes de Montréal. Pourquoi ?
Personne n’ose donner l’heure juste. Montréal est au bout de ses ressources. Elle a l’indice de pauvreté le plus élevé au Canada pour une ville de sa taille ; elle paie ses fonctionnaires plus de 25 % au-dessus de ce que touchent, pour des fonctions équivalentes, les autres employés des divers secteurs publics au Canada. Et il semble bien qu’il y ait en outre passablement trop de fonctionnaires. Que dire de ce mystère de Montréal ?
Le PQ est conscient de la situation. Jadis, M. Lévesque en était fort préoccupé. En 1980, il a provoqué une réforme de la fiscalité municipale qui avait dégagé une importante marge de manœuvre financière pour l’ensemble des municipalités. Celle-ci a fondu le temps de le dire. En effet, le PQ avait oublié de donner aux municipalités de vrais pouvoirs de négociation. Les conventions collectives ont tout avalé. Au départ, il y avait du rattrapage à faire, mais une fois l’élan donné, plus moyen de l’arrêter.
À l’heure actuelle, la grande question est la suivante : que pourront bien inventer les cols bleus, les pompiers, les policiers pour bonifier leurs prochaines conventions collectives, tant à Montréal qu’à Québec ? Pauvres chefs syndicaux ! Que de problèmes !
Cette même réforme de 1980 avait limité le pouvoir de taxation des commissions scolaires à 6 %. Il est aujourd’hui à 35 %, sans compter la hausse vertigineuse de la valeur foncière. Apparemment, il n’y a que l’ADQ qui a vu le ridicule de cette situation.
Exit la souveraineté ?
Faut-il encore parler de souveraineté ? À mon avis, plus que jamais. Les gouvernements successifs se sont installés dans la dépendance. Ils ont perdu l’esprit d’initiative, le sens de l’innovation. Les gens les imitent. Ils revendiquent. Ils protestent. Ils sont devenus passifs. Nos leaders ressortent le bonhomme sept heures et mettent au rancart le discours nationaliste fondé non sur une ethnie, mais sur un passé, une histoire commune.
Le PQ gagnera la prochaine élection si son chef, quel qu’il soit, sait écouter les gens, s’il sait leur parler, leur rappeler le sens des responsabilités et les inciter au partage. S’il leur parle non de référendum, mais de souveraineté. Surtout, s’il renoue avec une approche identitaire.
Le Québec est entré dans une forme de torpeur, de résignation, de paresse. Le moindre effort est devenu la règle. On s’invente des épouvantails à moineaux comme la médecine à deux vitesses ou le paradigme d’Hérouxville.
C’est un mauvais moment à passer. Dans l’immédiat, la balle est dans le camp syndical. Si on ne se bat pas pour une vraie solidarité, une meilleure productivité, si on n’accepte pas de petits sacrifices dans l’intérêt commun, on peut faire une croix sur l’avenir du Québec, faire une croix dans la mesure, bien sûr, où les musulmans et les juifs l’autorisent.
Bonheurs d’occasion #2
Pobby et Dingan, Ben Rice (Pocket) : C’est la comédienne Véronique Côté qui m’a chaudement recommandé cette lecture. Habituellement, c’est plutôt moi qui la conseille mais pour une fois, les rôles ont été inversés. Sans partager totalement son enthousiasme débordant, je dois dire que j’ai aimé me retrouver dans ce bled perdu de l’Australie alors que tout le village tente de retrouver Pobby et Dingan. Lorsqu’on sait que Pobby et Dingan sont les amis imaginaires d’une fillette, le roman prend un tout autre sens. Tout tourne autour de cet événement. D’ailleurs, c’est ce qui fait la force de ce livre. L’auteur a su rester fidèle à son idée de base et ne s’égare jamais dans cette histoire bizarre qui finit par nous émouvoir.
Vues sur la mer, Hélène Gaudy (Les impressions nouvelles) : À l’automne, ce premier roman a réussi à se faufiler jusqu’à la deuxième sélection du Prix Médicis. Je comprends pourquoi. Il y a du talent à l’horizon. Au départ, on suit une femme (Jeanne) qui quitte son amoureux pour se réfugier dans un hôtel au bord de la mer. Rupture définitive ou solitude momentanée ? L’auteure nous présente sept variations de la même histoire et ça fonctionne. Cette répétition finit par envoûter et déstabiliser le lecteur. L’écriture très minimaliste et pleine de non-dits rappelle, à certains moments, celle de Duras. Je sais que la comparaison est énorme, mais disons qu’elle puise à la même source. J’attendrai avant de crier au génie, mais je répondrai présent à la prochaine publication d’Hélène Gaudy.
Épidermes, Diane Vincent (Triptyque) : J’ai été charmé par ce premier roman policier de Diane Vincent. D’abord, la prémisse est délicieuse : Reiko Thompson, une photographe underground eurasienne qui ne laisse personne indifférent, est retrouvée presque sans vie dans une ruelle montréalaise. Ne voilà-t-il pas qu’on découvre un pénis coupé dans la poche de son manteau. C’est là que tout commence (pas banal quand même!). C’est Josette Marchand, une massothérapeute spécialiste de la peau qui donne un coup de main à son vieux pote d’inspecteur pour le faire avancer dans son enquête, qui nous relate les faits de manière plutôt savoureuse. Ça se lit d’une traite avec le sourire aux lèvres.
Invitation au Salon du livre de Québec
Vous le savez sans doute, le Salon du livre de Québec se déroule cette année du 11 au 15 avril au Centre des congrès. Les éditions du Septentrion y seront bien sûr présentes, et elles m’ont fait une petite place, comme à 25 autres auteurs. J’y serai donc le mercredi 11 avril entre 13 et 14 h; oui, je sais, en principe je devrais être au travail à cette heure, mais en pratique, je serai au Salon et, s’il vous est possible de faire de même, ce sera pour moi un grand plaisir de vous y rencontrer. À bientôt, peut-être!
Quelques photos du salon du livre de Trois-Rivières
Dans le désordre : Andréa Richard, Jacques Lacoursière, Caroline Allard, Sophie Bienvenu, Josée Morissette, Sophie Imbeault, Denis Vaugeois et bien d’autres… à voir ici.
Histoires sans fin
Ça ne m’arrive pas souvent de ne pas terminer la lecture d’un livre, mais je m’en donne toujours le droit. En ce qui concerne ces deux titres, j’ai eu beau faire des efforts, ça n’a rien donné.
Sexe et dépendances de Stephen McCaulay (Flammarion)
Après avoir lu Le vide de Patrick Senécal et nombre de livres un peu lourds, j’avais envie de quelque chose de plus léger. Sexe et dépendance me semblait être la lecture idéale pour me permettre de respirer un autre air, surtout que j’en retardais la lecture depuis sa parution et tout le monde n’en disait que du bien. J’ai même eu la chance de discuter (en français) avec l’auteur au dernier Salon du livre de Montréal. J’avais donc plusieurs raisons de plonger dans ce roman.
Le plaisir aura été de courte durée. Après cent pages, j’ai abdiqué. À aucun moment, je n’ai eu de sympathie pour cet agent immobilier de Boston qui tente de se convaincre d’être moins dépendant au sexe. Le problème de ce roman est simple : cet agent immobilier n’est pas un personnage intéressant. Sa vie est d’une pauvreté à faire frémir plus qu’à faire rire. Je n’avais aucune envie de savoir ce qui allait lui arriver. En plus, ce n’est pas vraiment une histoire qu’on nous raconte. On nous présente des pans de vie décousus qui empêchent constamment l’action d’évoluer. Tout pour me déplaire et m’ennuyer.
Mes vies d’Edmund White (Plon)
Moi qui avais tant aimé La symphonie des adieux, ce livre dans lequel Edmund White s’inspirait de son parcours pour brosser un portrait impressionnant des quarante dernières années du milieu homosexuel newyorkais, je me faisais une joie de découvrir son autobiographie.
Dans Palimpseste, Gore Vidal a relaté sa vie de manière fort orignal, efficace et intelligente. C’était en plus porté par une écriture incisive et nettement maîtrisé. Dans Mes vies, Edmund White fait tout le contraire. La qualité de son écriture que l’on retrouve dans ses romans n’y est pas, ce qu’il raconte frôle plus souvent qu’autrement la vulgarité en plus d’être d’un narcissisme désolant. C’est un peu épars et ça va dans toutes les directions, malheureusement pas toujours édifiantes. Il finit par nous perdre complètement. J’ignore quel était le but de sa démarche, mais une chose est certaine elle n’atteint pas sa cible. Après 160 pages, j’en avais assez lu.