Tous les articles par Eric Simard

Lectures : mon palmarès 2012

Voici les dix lectures que j’ai le plus appréciées cette année.
1- Si tu passes la rivière de Geneviève Damas (Luce Wilquin)
Note : fin janvier, il sortira au Québec chez Hamac
2- Dans la vallée des larmes de Patrick Autréaux (Gallimard)
3- L’Inédit de Marie Cardinal (Annika Parance)
4- Train de nuit pour Lisbonne de Pascal Mercier (10/18)
5- Rosa candida de Audur Ava Olafsdottir (Zulma)
6- Martine à la plage de Simon Boulerice (La Mèche)
7- Voyage au Maghreb en l’an mil quatre cent de l’hégire de Louis Gauthier (Fides)
8- Où on va, papa? de Jean-Louis Fournier (Livre de poche)
9- La Maison du sommeil de Jonathan Coe (Folio)
10- Le Rouge idéal de Jacques Côté (Alire)
En rappel, mon palmarès 2011
1- Un week-end dans le Michigan de Richard Ford (Points)
2- La Synthèse du camphre d’Arthur Dreyfus (Gallimard)
3- Paris est une fête d’Ernest Hemingway (Livre de poche)
4- Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles de Gyles Brandreth (10/18)
5- Seul le silence de R.J. Ellory (Livre de poche)
6- Les Visages de Jesse Kellerman (Sonatine)
7- Take it like a man de Boy George et Spencer Bright (Pan books)
8- Un jeune américain d’Edmund White (10/18)
9- Les Bruits du coeur de Jens Christian Grondahl (Gallimard)
10- L’Étreinte fugitive de Daniel Mendelsohn (Flammarion)

Palmarès lecture 2006-2010

Je vous offre maintenant mon palmarès lecture des cinq dernières années. Ce sont tous des livres qui sont venus me chercher profondément, du manque de souffle à l’accélération cardiaque en passant par des arrêts ponctués de « je capote comme c’est bon ».
1. Un roman russe, Emmanuel Carrère (P.O.L.)
2. Il faut qu’on parle de Kévin, Lionel Shriver (Belfond)
3. Paul à Québec, Michel Rabagliati (La Pastèque)
4. Brooklyn follies, Paul Auster (Babel/Actes sud)
5. Parades, Bernard Souviraa (de l’Olivier)
6. Les Années, Annie Ernaux (Gallimard)
7. Le Temps n’est rien, Audrey Niffenegger (Michel Lafon)
8. On n’est pas là pour disparaître, Olivia Rosenthal (Verticale)
9. Replay, Ken Grimwood (Seuil)
10. La cité des jarres, Arnaldur Indridason (Points/Seuil)

Mon palmarès lecture 2010

Voici le palmarès des dix meilleures livres que j’ai lus cette année. Il y a de tout pour tous les goûts, du récent comme du vieux. N’hésitez pas à me faire part de vos choix !
1. Paul à Québec de Michel Rabagliati (La Pastèque)
2. Les Morts de la St-Jean et La Cinquième femme d’Henning Mankell (Points)
3. Dolce Agonia de Nancy Huston (Actes sud)
4. Une relation dangereuse de Douglas Kennedy (Pocket)
5. Le Maître des illusions de Donna Tartt (Pocket)
6. Invisible de Paul Auster (Leméac/Actes sud)
7. 33, chemin de la baleine de Myriam Beaudoin (Leméac)
8. La Blonde en béton de Michael Connelly (Points)
9. Le Château des Pyrénées de Jostein Gaarder (Seuil)
10. La Belle image de Marcel Aymé (Livre de poche)

Chacun son métier #10

Le milieu du livre au Québec s’est déjà mieux porté. Est-il en crise réelle ou simplement en mutation ? L’un force l’autre d’après moi et il faudra s’ajuster en conséquence. Il y aura des perdants et des gagnants, c’est la loi du marché. Actuellement, ma grande crainte est de voir disparaître les bons éditeurs au profit de l’édition commerciale. Ce serait dommage pour les vrais amateurs de livres.
Si l’édition commerciale a tant pris de place au cours des dernières années, c’est parce qu’on a voulu démocratiser le livre en le rendant accessible au plus grand nombre. On l’a d’abord sorti des librairies et on en a disséminé un peu partout pour être bien certain que Monsieur et Madame Toutlemonde ne puissent avoir aucune raison de ne pas en acheter en faisant leur épicerie, en magasinant leurs vêtements et en allant chercher leur prescription à la pharmacie. Non seulement on a mis le livre sur leur route sans leur montrer la bonne, celle qui mène aux librairies, on les a appâtés en leur offrant « des bas prix de tous les jours » auxquels ils n’ont pu résister. Comme la stratégie a bien fonctionné, on a commencé à façonner de l’édition grand public en publiant n’importe quoi en autant que ça vende.
On a aussitôt vu le marché inondé de sous produits ressemblant pourtant à des livres. Ils en ont la forme et l’apparence, mais n’en ont pas la qualité, du moins celle digne des bons éditeurs soucieux d’offrir un contenu de qualité aux lecteurs. La recette est fort simple : on surfe sur les idées à la mode autant dans le roman que dans le livre pratique, on imprime en Chine et on les destine aux grandes surfaces. Le but n’est que de vendre pour vendre. Comme ce sont, en apparence, des livres, ces sous produits se retrouvent également dans les libraires aussi indépendantes soient-elles, ce qui laisse de moins en moins de place sur les tablettes pour l’édition de qualité.
C’est dommage qu’au Québec le livre soit devenu une course à l’argent dans un domaine où il n’y en a pas tant que ça à faire. On a saturé le marché et on est en train de dénaturer la fonction première du livre en publiant de la cochonnerie à tour de bras. À long terme, ça me fait peur. J’ai peur que les vrais lecteurs qui cherchent à lire des livres intelligents et bien édités n’aient plus rien pour satisfaire leur esprit avide de connaissances et de belles rencontres littéraires. J’ai peur que ces mêmes lecteurs désertent de plus en plus les librairies à force d’avoir l’impression de ne plus y trouver leur compte.
Démocratiser le livre est peut-être une bonne chose en soi, mais le prix à payer est probablement trop élevé. J’aimerais qu’on le ramène à sa place, dans les librairies et qu’il retrouve ses qualités et surtout le lectorat qu’il mérite.
Mon discours est élitiste et je l’assume entièrement.
Prochain billet : la « glamourisation » du livre

Dans mon salon #2

Je ne sais pas si c’est moi, mais on dirait que les salons du livre sont en perte de vitesse. Pire, le livre ne semble plus le principal attrait. On remplit des autobus scolaires pour faire gonfler les chiffres d’affluence. Les enfants, pour la plupart, ne sont pas préparés à cette visite. Ils courent partout ayant l’air de se demander ce qu’ils font là. Ils s’en foutent, ils ne sont pas en classe. Sinon, on y vient pour flâner seul ou en famille comme on va à une attraction quelconque pour passer le temps en espérant être content de sa visite. On fait le tour des allées sans vraiment prendre le temps d’entrer dans les stands. On cherche les choses gratuites ou les livres pas trop chers sans égards au contenu. Avant, cette pratique était réservés aux enfants. Elle s’étend maintenant aux adultes.
En région, c’est pire. Les principaux éditeurs ne prennent plus la peine de se déplacer. Ils savent que c’est perdu d’avance. Je leur donne maintenant raison. Les frais engendrés et l’énergie qu’on y met pour peu de résultat ne valent pas la peine. Je ne parle pas que de résultats de ventes. Je pense au peu d’intérêt que l’ensemble des visiteurs semblent manifester pour les trop nombreux livres que nous leur présentons. C’est décourageant.
Il y a un effet pervers au fait que les bons éditeurs ne participent plus à la plupart des salons du livre du Québec. On a ouvert la porte aux petites maisons d’éditions non reconnues, aux comptes d’auteur et aux vendeux de gogosses. Ils ont alors accès à des tribunes qu’ils ne méritent pas et le public ne fait pas la différence. Ça me navre.
Alors, je questionne de plus en plus la pertinence des salons du livre. En période de crise, le milieu du livre a-t-il besoin de maintenir ce genre d’événement ? Est-ce vraiment un véhicule promotionnel efficace ? Quels sont les objectifs visés par les organisateurs et ceux qui les financent ?
Si on prenait le temps d’analyser les choses froidement en toute honnêteté, je crois qu’on se rendrait vite compte que le but visé n’est malheureusement pas atteint. Il serait préférable pour tous d’investir ces sommes ailleurs. À mon avis, les salons du livre sont appelés à disparaître. Ce ne serait pas une si mauvaise chose.

Chacun son métier #9

C’est l’excellent article de Pierre Foglia intitulé Costco qui me fait sortir de mon mutisme car c’est la première personne influente au niveau médiatique qui ose un peu sonner l’alarme de la crise qui sévit actuellement dans le monde du livre québécois. De l’auteur au client, la chaîne s’est considérablement fragilisée depuis quelques années. Tout le monde a l’air de s’en foutre. Pas moi. Ça me préoccupe depuis quelques années et ce que j’observe actuellement est loin de me réjouir. Ce que je craignais semble vouloir se produire.
La lecture de l’article de Foglia m’a fait me rendre compte que c’est une sorte de rage que je ressens au fond de moi. Une rage que je ne peux plus contenir. J’ai besoin de faire partie de ceux qui sonnent l’alarme et je crois qu’elle doit venir des artisans du milieu du livre. Ça commence peut-être par démystifier notre univers en donnant l’heure juste aux lecteurs.
Pour mettre la table, voici en vrac quelques données. Les succès d’éditions ne courent pas les rues et les éditeurs ne roulent pas sur l’or. Est-ce que le grand public sait que les ventes moyennes, pour la plupart des titres publiés ici, dépassent à peine les 500 exemplaires ? Ce même public sait-il que l’éditeur ne rentre pas dans ses frais tant qu’il n’a pas vendu le premier tirage d’un livre ? Sait-il aussi que les librairies ne font que 40% de profits sur la plupart des titres vendus, 30% sur les livres spécialisés, 10% sur le scolaire et 20% sur les revues ? Si on enlève tous les frais pour faire fonctionner une librairie, il reste à peu près 35% de remise. En comparaison, les boutiques de vêtements font du 2, 3 ou 400% de profits sur la marchandise (vous devinez bien que c’est le Chinois ou le Pakistanais qui payent la note au bout du compte !).
Commence-t-on à comprendre pourquoi la plupart des librairies ne peuvent pas rivaliser avec la coupe de prix qu’on retrouve chez Costco, Amazon, Archambault et certains autres joueurs ?
Quand j’ai commencé à travailler en librairie en 1989, le livre n’était pas encore devenu un objet commercial. Les coupes de prix comme on les connaît aujourd’hui n’existait pas et on n’entendait jamais un client dire que le livre au prix régulier était cher. Tous les libraires bénéficiaient de la part du gâteau généré par les « best seller ». Si vous ne le saviez pas, ce sont ces « best seller » qui ont toujours permis aux librairies de survivre et surtout d’offrir un fonds digne de ce nom. Tenir un bon fonds dans une librairie est ce qui coûte le plus cher. Moins de ventes = moins de fonds. Moins de fonds = moins de choix. Équation simple.
La commercialisation capitaliste du livre est la pire chose qui pouvait lui arriver et, 20 ans plus tard, on en paye le prix. Les premiers à tomber au combat, ce sont les librairies indépendantes. On en parle depuis longtemps, mais l’hécatombe commence. Boule de neige et Librairie Blais viennent de tomber au combat. Les éditeurs ensuite. Fides est en train d’agoniser, vous le saviez ça aussi ? Ça fait plus que m’attrister, ça me serre le cœur. J’ai peur de ce qui s’en vient. S’il n’y a que de gros points de vente commerciaux, quel choix restera-t-il aux consommateurs ? De la littérature dite populaire uniquement qu’on achètera à l’épicerie ?!
Je vous dis ça aussi comme ça, mais le monde du livre ça fait travailler pas mal de monde. Je suis un de ceux-là.
Je veux être alarmiste : c’est ce qui nous attend si on continue d’acheter des livres au « bas prix de tous les jours ». En même temps, je me dis que si c’est ce que les gens veulent…
Je vous dis ça aussi comme ça, mais le monde du livre ça fait travailler pas mal de monde. Je suis un de ceux-là.
Savez-vous que dans certaines grandes surfaces, comme on le fait pour la nourriture dans les supermarchés, il est possible de payer pour que nos livres soient bien en évidence sur les tablettes ? Qui paye ? L’éditeur. Pensez-vous que tous les éditeurs ont les moyens de le faire ? Savez-vous aussi que ce sont les éditeurs qui payent pour avoir un ou plusieurs titres dans les catalogues de Noël des librairies qu’elles soient indépendantes ou pas ? En moyenne, il en coûte plus de 500 dollars pour avoir un titre gros comme un timbre de poste sur une circulaire. Pensez-vous que tous les éditeurs en ont les moyens ?
Pensez-vous, grand public, que vous économisez vraiment 10 dollars sur le dernier Michel David quand vous l’acheter au Costco ? Combien vous coûte votre panier à la sortie ? En moyenne, probablement près de 300 dollars. Je le sais, j’y suis déjà allé quelques fois au tout début. Tout comme vous, les prix m’excitaient. Je n’avais besoin d’à peu près rien et je ressortais avec une facture frôlant les 200 dollars, budget que je n’avais même pas. On appelle ça du capitalisme à l’américaine. On nous donne l’impression d’économiser pour mieux nous faire dépenser. Le pire, c’est que ça marche avec la plupart des gens. Ça me pue au nez cette façon d’acheter très petit-bourgeois. Après, les gens se plaignent que c’est trop cher. Moi je dis que ce n’est pas encore trop cher. J’ai hâte qu’on paye les choses à leur juste valeur.
Avant de vous laisser, je vous recommande la lecture du livre de Laure Waridel Acheter, c’est voter. Nos choix de consommation sont politiques. Il faut en être conscient. Si on continue de s’en foutre, tant pis. Par contre, après, il sera trop tard pour chialer et revenir en arrière.

Chacun son métier #8

De nos jours, beaucoup de gens écrivent et rêvent d’être publiés. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi (il y a pire motivation dans la vie), mais très peu y arriveront. Je ne crois pas que ce soit dramatique. Combien ont rêvé d’être astronautes et combien y sont parvenus ?
Depuis deux ans, depuis que je travaille chez Septentrion, j’ai vu beaucoup de manuscrits défilés sous mes yeux. Plus que mes collègues car je suis la porte d’entrée et de sortie des manuscrits. C’est également à moi qu’on remet les rapports de lecture. Sur le lot, j’en ai également lus plusieurs.
Je vous dirais que, dans l’ensemble, les manuscrits que nous recevons sont d’assez bonne qualité. C’est bien écrit. L’orthographe et la syntaxe se tiennent. Souvent, si on prend le volet essentiellement littéraire, l’histoire n’est pas si mal et c’est raconté correctement. Pourtant, la plupart de ces créations sont refusées.
Il est où le problème vous me direz ? Le problème principal c’est que nous n’évaluons pas des travaux scolaires. Pour qu’une oeuvre littéraire soit publiée, ça prend plus qu’une structure correcte. Ça presque tout le monde peut le faire.
Qu’est-ce que ça prend alors me demanderez-vous ? Ça, c’est plus subtil. Pour mieux y répondre, je prendrai deux exemples concrets en dehors de la littérature qui illustrent bien, je crois, le propos : Silence de Fred Pellerin et J’ai tué ma mère de Xavier Dolan.
Ces deux oeuvres ne sont pas parfaites, mais elles sont vraies. Fred Pellerin n’est pas un grand chanteur. Pourtant, toutes les interprétations qu’il fait sur son album sont justes, poignantes et personnelles. Il a su se les approprier en y mettant ses tripes. On ne peut pas faire autrement que de ressentir quelque chose en les écoutant. Xavier Dolan a fait la même chose avec son scénario et ensuite son film. La base de son scénario n’est pas nécessairement originale, mais par contre la voix l’est. Il y a des défauts dans ce film, mais le cri du coeur est fort et on le reçoit en pleine face. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, J’ai tué ma mère demeure une oeuvre personnelle et authentique.
Il y a de l’âme dans l’une et l’autre. Elle peut prendre diverses formes, mais il en faut pour transcender le côté technique d’un texte. Il n’y a pas vraiment de cours pour apprendre ça.

Le mémorial

J’avais remarqué pour la première fois les livres de Christopher Isherwood il y a quelques années alors que je travaillais encore en librairie. Des rééditions en format poche m’avaient donné envie. J’avais retenu le nom sans rien faire d’autre.
À l’automne, dans une bouquinerie près de chez moi, je suis tombé sur Le mémorial que je me suis empressé d’acheter à un prix dérisoire. Il s’est retrouvé dans mes trop nombreux titres à lire.
Il y a à peine un mois, comme premier film de l’année, je suis allé voir au Clap Un homme au singulier de Tom Ford adapté du roman du même nom signé Christopher Isherwood. Film que j’ai tout simplement adoré qui allie habilement esthétisme et profondeur psychologique.
Habité par ce que j’avais vu et ressenti, il me fallait poursuivre l’aventure en me plongeant dans l’univers romanesque de Isherwood. Je n’ai eu qu’à tendre la main pour lire Le mémorial. Dans ce roman, on suit plusieurs membres d’une même famille après la première guerre mondiale sur une période de neuf ans qui nous est présentés en quatre temps dans un ordre qui ne respecte pas le chronologie. Ils subissent tous, chacun à leur façon, la petite onde de choc laissée par la guerre.
L’ambiance générale qui s’en dégage est très forte et les intentions des personnages finement décrites. Deux aspects qu’on retrouvait également dans le film de Tom Ford. Même si ce n’est pas un grand roman, l’expérience a été suffisamment concluante pour avoir envie de découvrir d’autres oeuvres de Isherwood.

Paradis, clef en main

Le 29 août dernier, dans un billet consacré à la rentrée littéraire automnale, je disais ceci de Paradis, clef en main : Plus qu’une curiosité pour moi. J’avais littéralement été happé par l’écriture de Putain et Folle. À ciel ouvert m’avait rendu sceptique. Ce nouveau titre est peut-être un rendez-vous ultime entre elle et moi.
À peine un mois plus tard, Nelly Arcan s’enlevait la vie. Comme des milliers de gens, sa mort m’a beaucoup secoué. Malgré ce tragique événement, j’ai tout de même envie de parler de son dernier roman de la même façon que je l’aurais fait s’il n’était pas survenu.
Le rendez-vous ultime vient d’avoir lieu car je viens tout juste de terminer la lecture de Paradis, clef en main paru chez Coups de tête. Je dois faire un aveu difficile : à part les deux premières pages du roman et une dizaines d’autres vers la fin, le destin d’Antoinette Beauchamp n’est pas parvenu à me toucher. J’ai eu l’impression de tourner en rond autour du bobo sans que je puisse aller dans la plaie. J’étais prêt à y aller, je croyais que j’irais. J’hésitais même à commencer la lecture de ce livre pour cette raison. Finalement, ça s’est fait sans douleur et sans émotion.
Ce n’est pas un mauvais roman pour autant (il est supérieur à À ciel ouvert), mais Nelly Arcan avait mis la barre tellement haute avec Putain qu’il est difficile après de surpasser cette force, cette intensité et cette urgence de dire qu’on y retrouvait.
Si on n’a jamais lu Nelly Arcan, Paradis, clef en main est certes une bonne façon d’entrer dans son univers.

Dolce agonia

Avant de m’exprimer plus en détails sur ce roman de Nancy Huston, je me dois de me situer par rapport à son oeuvre.
Je ne peux pas dire que je suis un inconditionnel de cette auteure même si j’ai toujours apprécié les quelques romans que j’ai pu lire d’elle. Je mets toujours beaucoup de temps à en relire un autre. Elle ne crée pas chez moi le désir de me replonger dans son univers rapidement. Je sais en partie pourquoi. Parce que, chaque fois, je trouve qu’il y a un petit quelque chose de kétaine dans la structure de ses romans ou dans les thèmes abordés. C’est terrible de dire ça et pourtant c’est vrai. Dans Une adoration, entre autres, elle fait parler un cèdre du Liban et dans Dolce agonia, elle fait parler Dieu ! Mais, malgré tout, sous la plume de Nancy Huston, ça fonctionne. Ça fonctionne parce que son propos est intelligent, dense et profond (et je pèse mes mots). Curieux mélange comme si la littérature populaire rencontrait une littérature hautement intellectuelle.
Avec Dolce agonia, je tombe sur le cul et Nancy Huston est en train de m’avoir à l’usure. Elle a un sacré talent cette femme. Ce repas de la Thanksgiving auquel elle nous convie est pour le moins déstabilisant et marquant. À partir des 12 convives, elle nous brosse un portrait réaliste (proche du pessimisme) de ce qu’est l’être humain dans nos sociétés occidentales et de la vie, souvent impitoyable, qui passe (ça m’a d’ailleurs rappelé la teneur des propos du Déclin de l’empire américain). Chaque séquence du repas est entrecoupée par l’intervention de Dieu qui nous explique ce que sera la fin de vie pour chacun d’entre eux… Est-ce nécessaire d’en rajouter ?
Si : Dolce agonia est de la grande grande littérature.