Deux frères (deux fois), trois soeurs et encore deux frères

À la sortie du film du réalisateur américain, James Gray, j’ai croisé Odile Tremblay du Devoir. Une esthète dont j’apprécie beaucoup les papiers. Je lui ai lancé comme ça : « Tu diras ce que tu voudras… ». Elle a rétorqué : « Ce n’est pas un bon film ! ». On s’était tout dit. La salle a légèrement hué le film à la fin de la projection. Admettons que la toute dernière scène faisait un peu fleur bleue. Ce n’est pas seule d’ailleurs de We own the night (La nuit nous appartient). Mais personne n’est sorti pendant la projection ! C’est un excellent thriller.
New York à la fin des années 1980. La mafia russe fait des siennes. Un policier célèbre prend les choses en main avec un de ses fils, l’autre qui a changé son nom tient l’une des boîtes de nuit bien branchées où le trafic de drogue est florissant. Les deux frères ont tout de différent, mais il reste des frères.
Mon frère est fils unique de Daniele Luchetti.
Le film de Gray nous renvoie à celui de Luchetti, vu quelques jours plus tôt. Je suis un inconditionnel du cinéma italien. J’ai forcément adoré cette histoire de deux frères si différents et si près dans les grands moments. Tout est jeu, fugues, grandes et petites passions. Les deux frères sont d’incorrigibles bagarreurs, engagés dans toutes sortes de combats, même en faveur de la démocratie. Accio, le plus jeune qui fait le désespoir de sa mère qui l’appelle La Teigne, renonce bien vite à la prêtrise et se laisse plutôt initier au fascisme. Son frère, irrésistible séducteur, séduit autant les filles que les ouvriers. Ce sera le choc des idées et des poings jusqu’au jour où Manrico, le beau, en veut davantage. Accio s’est assagi. Il lui reste une mission : faire ouvrir les résidences promises par la bureaucratie. La morale de l’histoire : l’Italie est spéciale, mais sa bureaucratie est normale.
Blind Mountains (Mang Shan traduit aussi par Sourdes Vallées !!!)
du Chinois Li Yang

La Chine est un pays immense. En fait, elle regroupe plusieurs pays d’époques différentes. Li Yang nous entraîne dans une vallée splendide où l’homme a façonné de grandioses paysages, loin de la ville, loin du monde. Pour sacrifier les filles au moment de la naissance, on en vient à manquer de filles au moment du mariage. Restent les grands moyens : le commerce de jeunes filles. L’actrice Lu Hunag interprète magnifiquement le rôle de Bai Xuemei, victime d’un enlèvement. Elle est présente à Cannes et monte bravement sur scène. Elle me paraissait plus jolie à l’écran. C’est presque toujours le cas. Elle porte une robe bizarre en forme de tulipe tournée vers le bas et totalement ouverte à l’avant. Lu Hunag est sans doute fière de ses jambes bien droites.
Otage de sa belle famille au milieu de villageois indifférents, elle ne se résigne pas, contrairement à d’autres. Un jour, c’est le drame total. La salle éclate. De partout, jaillissent spontanément des applaudissements nourris qui me rappellent nos réactions de jeunes quand le méchant se faisait enfin donner une raclée. Le réalisateur n’hésite pas: FIN. Un bien beau film.

La Soledad de l’Espagnol, Jaime Rosales

Film tellement lent que je me suis endormi à plusieurs reprises. En fait le réalisateur a sans doute réussi son but. Ne soyons pas injuste. Le film n’est pas sans mérites. Le réalisateur s’amuse avec un procédé appelé la polyvision. L’écran est régulièrement coupé en deux. Parfois ce procédé donne deux points de vue différents d’une même scène ou tout simplement permet de suivre les déplacements d’un personnage d’une pièce à l’autre, encore que l’on cherche à gauche alors qu’il apparaît à droite. Restons-en là, ce film ne viendra sans doute pas au Québec. Après tout, les distributeurs n’ont-ils pas l’embarras du choix.
No Country for Old Men des frères Joel et Ethan Coen
Non seulement ce film viendra au Québec, mais il fera un malheur. Il est d’ailleurs sur ma liste pour la Palme d’or ou tout au moins un prix de la Compétition. Un autre qui se démarque, c’est le film du roumain Cristian Mungiu (4 mois, 3 semaines et 2 jours).
Comme d’habitude, les frères Coen se mettent à deux pour nous offrir un film remarquable, sans genre bien défini, dont l’action se déroule à la frontière mexicaine. Bush et son père adoreront : il y a plein d’armes à feu et des puissantes. Le tueur a vraiment l’air d’un tueur et les trafiquants de drogue, de tristes paumés. Le hasard place sur leur route un type, venu de nulle part, qui résiste. Et vraiment bien. Il étonne jusqu’à ce qu’on apprenne qu’il s’agit d’un vétéran du Vietnam. Même le douanier s’incline. Il y a du pour et du contre. Le shérif ( Tommy Lee Jones) juge qu’il a fait son temps et se retire pendant qu’il est encore en vie. Pour tenter d’en finir avec le tueur (Javier Bardem), les frères Coen tentent le banal accident de voiture. Vous m’en reparlerez.