« De quoi parlez-vous », lance Denys Arcand en réaction à une première question de la salle. Maxence Bilodeau, correspondant de Radio-Canada en Europe, se reprend : « Je fais référence aux critiques, à l’accueil assez mièvre que reçoit votre film. D’ailleurs votre conférence de presse n’a pas attiré beaucoup de monde ». « Je ne sais toujours pas de quoi vous parlez », fait Arcand. « Très bien, changeons de sujet, propose Bilodeau, Où situez-vous ce film dans votre démarche ? Y en aura-t-il d’autres ? » « C’est le dernier que j’ai fait et un autre suivra ». Bilodeau posera aussi la dernière question, cette fois à la productrice, Denise Robert, à propos du budget et des ventes de droits. « Les ventes vont très bien, répond-elle. L’Italie a déjà acheté ».
Le coproducteur, Dominique Besnehard, profite d’une question pour dire : « Hallucinant qu’une telle question provienne d’un journaliste canadien ! » Un autre journaliste de Radio-Canada, Hugues Poulain, demande poliment : « Êtes-vous satisfait d’être hors compétition et de clôturer ? ». « Ce n’est pas la première fois et l’expérience antérieure a été positive » et il ajoute qu’une seule raison l’aurait amené à souhaiter être en Compétition, permettre à Marc Labrèche de remporter le prix d’interprétation. « Il l’aurait bien mérité ! » Labrèche est dégagé et souriant. Bilodeau l’attrape à la sortie et l’acteur lui donne un long entretien. Arcand et Robert restent à distance.
L’équipe défile : Diane Kruger, froide, hautaine, Sylvie Léonard, charmante, Caroline Néron, beauté classique autant en personne qu’en photo, Emma de Caunes, mignonne, qui aura bien du mal avec une question posée en anglais à laquelle elle répond, de toute façon, en français.
En fait, peu de questions de la salle : 4 ou 5 tout au plus. L’une porte sur la langue. « Dans le temps, j’avais vu La Maudite Galette avec des sous-titres français. Cette fois, rien de semblable. La langue québécoise a-t-elle changé ? » « L’accent varie selon les classes sociales, explique Arcand. Dans L’âge des ténèbres , l’un est fonctionnaire, l’autre agente immobilière, ce sont des gens d’un certain niveau social qui parle une langue que les Français peuvent comprendre.
« Ce film, est-ce une métaphore sur le Québec ? Voulez-vous montrer une société bloquée ? » L’animateur, Henri Behar, ajoute : « Ou un regard sur le monde occidental ? » « Je parle de la ville et de gens que je connais. Si je le fais bien, sans doute que d’autres peuvent se reconnaître », répond le cinéaste.
Béhar avait ouvert le jeu avec une question sur les références médiévales du film. Celles-ci soulèvent beaucoup de commentaires en effet. Arcand a des réponses toutes prêtes. Il a souvent l’occasion de constater que bien des gens aiment s’imaginer à l’époque médiévale, d’autres à celles des Vikings. Il ne sait pas pourquoi, mais c’est ainsi.
La presse québécoise a été réservée face au film. Nos critiques sont-ils injustes ? Je ne trancherai pas, mais je vais de ce pas me faire une idée.
Comme il arrive souvent, le hasard m’a amené à l’auditorium Debussy, question de tuer le temps avant le film d’Arcand. California Dreamin (Nesfarsit) du cinéaste roumain, Cristian Nemescu, tué dans accident d’auto il y a quelques semaines. Voilà indéniablement, une perte pour le cinéma. Ce film de 2h35 est un délice. On a du mal à croire qu’il est aussi long. Bien joué et bien construit, l’action nous ramène en Roumanie, pendant la guerre du Kosovo. Un train de l’Otan est immobilisé dans un petit village par le chef de gare qui exige des papiers de douane. Quelles sont ses vraies raisons ? Des flashbacks nous fournissent des éléments d’explications mais le personnage reste énigmatique. Il déteste les Américains, sa fille s’en accommode très bien.