Les éditeurs québécois se rebellent face à Google

Communiqué – Pour diffusion immédiate

Le livre numérique d’ici

L’ANEL recommande à ses membres de se retirer du Règlement Google

Montréal, le 22 avril 2009 — Après un examen approfondi du projet de Règlement Google du point de vue des avantages économiques immédiats et à long terme consentis par Google, des exploitations rémunérées ou non du livre électronique qu’entend en faire Google, mais aussi et surtout de l’ensemble des contreparties que Google exige en échange de ces avantages, l’ANEL est d’avis qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’industrie de l’édition d’ici d’accepter ce règlement et recommande donc à ses membres de s’en retirer.

Pourquoi s’en retirer, puisque nous n’en sommes pas signataires ? C’est que le droit américain est ainsi fait que tous les auteurs et les éditeurs dont les œuvres ont été numérisées sans permission par Google depuis 2004 sont considérés comme partie prenante du recours contre Google, donc du projet de Règlement, s’ils ne manifestent pas par écrit leur volonté de se retirer. C’est ainsi que des millions d’auteurs et d’éditeurs, de centaines de pays et en dizaines de langues, consacrent depuis cinq mois des énergies importantes à étudier ce projet de Règlement, à mesurer ses effets sur le marché du livre numérique et à débattre de ses mérites.

Une entente complexe aux nombreuses répercussions

Le problème, c’est que l’entente complexe intervenue entre les ayants droit américains et Google ne tranche pas le fond du litige tel qu’il s’est posé dans le recours collectif : la numérisation de livres entiers sans permission répond-elle aux règles de l’utilisation équitable (fair use) ? Le projet d’entente repousse le problème en créant un état de fait qu’il sera difficile de corriger. En lieu et place, le projet cède à Google, entre autres, la propriété des livres électroniques obtenus sans permission, le droit de les exploiter sur le Web avec ou sans présentation, y compris aux côtés d’annonces publicitaires, leur archivage gratuit dans les bibliothèques participantes, le droit de décider ce qui est ou non un livre, le droit de décider si une œuvre est épuisée ou non (donc de s’en approprier une version électronique sans redevances), les règles s’appliquant aux œuvres orphelines, le droit de fixer le prix de vente selon un algorithme, le droit de les exploiter aux côtés de produits et services Google sans revenus pour les auteurs et éditeurs, le droit d’appliquer aux corpus ainsi obtenus toutes les recherches non consommatrices non destructrices imaginables, toujours sans compensation pour les auteurs et les éditeurs, etc.

Une vision unilatérale du droit d’auteur

Ce projet de Règlement d’un litige privé devant une cour de justice régionale (circonscription sud de l’état de New York) aura pour effet, s’il est adopté, d’outrepasser toutes les législations nationales en matière de propriété intellectuelle et d’organisation de marché, imposant les règles du fair use américain aux exploitations du livre électronique de tous les auteurs et éditeurs qui ne se retireront pas avant le 5 mai 2009. De plus, tous les litiges seront tranchés selon la loi américaine, par le Registre mis sur pied en vertu du Règlement. L’enjeu n’est donc pas notre capacité à plonger dans l’ère du numérique, mais notre volonté que le monde numérique soit régi par le respect d’un droit d’auteur déterminé par les processus législatifs qui nous sont propres. Bref, ce qui est une interprétation de l’usage équitable pour Google est, pour nous, l’appropriation d’une suite de droits.

Une stratégie numérique concertée

La position de l’ANEL est fort simple : depuis trois ans, les éditeurs de livres sont à pied d’œuvre pour développer le marché du numérique selon les règles de l’art en matière de droit d’auteur. L’ANEL combat toute réforme de la loi canadienne qui permettrait une exception pédagogique « numérique » excluant les ayants droit de la juste rémunération de leur labeur, perfectionne les éditeurs sur les questions juridiques, éthiques et technologiques liées au livre numérique, crée et met sur pied un agrégateur où tous les éditeurs peuvent entreposer leurs livres numériques et en assurer les déclinaisons sous tous formats utiles pour leur commercialisation. Pourquoi ne pas poursuivre cette stratégie où nos livres numériques seront de qualité, où leur affichage ne sera pas défiguré par la mention « scanned by Google », où les ventes aux grandes librairies en ligne ou aux producteurs de livrels (Kindle, SonyReader, etc.) pourront bénéficier directement aux ayants droit, où les utilisations publicitaires respecteront le droit moral dont les auteurs nous ont confié la sauvegarde ?

En soi, l’avance insurmontable que donne le projet de Règlement à Google sur ses concurrents serait une raison suffisante pour s’en retirer, afin que d’autres joueurs viennent équilibrer l’offre et diversifier les manières de faire. Mais pour la sauvegarde de notre droit d’auteur et sur la base de tous les efforts déployés ici pour développer une approche collective originale, l’ANEL ne peut que conclure à l’importance d’assurer la survie de notre diversité culturelle à l’ère numérique.

Créée en 1992 et regroupant une centaine de maisons d’édition de langue française, l’Association nationale des éditeurs de livres prône principalement la liberté d’expression, le respect du droit d’auteur et l’accès universel au livre comme outil d’apprentissage.

- 30 -

Source ANEL:

Sylvie Bellemare,

Chargée de communication

514 273-8130, poste 231, sbellemare@anel.qc.ca