Faire de la politique autrement

Certains politiciens ont avancé l’idée de «faire de la politique autrement». Dans le cadre du système actuel de démocratie élective, il s’agit cependant d’une impossibilité. Les objectifs poursuivis, le contexte du jeu politique et les contraintes inhérentes aux luttes électorales font que cette idée est une chimère. Il est tout aussi impossible de faire de la politique autrement que de jouer au hockey autrement.
En démocratie élective, la politique est d’abord et avant tout une bagarre permanente. Ceux qui s’y lancent doivent être ambitieux et ne pas avoir peur de la compétition. À un député récemment élu qui lui disait à la Chambre des Communes : «C’est excitant d’avoir ses ennemis en face de soi», Winston Churchill avait répondu : «Non, ce n’est pas exact : ceux qui sont en face de toi sont tes adversaires; tes ennemis sont autour de toi !». Les rivalités sont aussi bien au sein des partis politiques qu’entre les partis. Le but du jeu n’est pas de faire des accommodements et des compromis, mais de gagner. Celui qui l’emporte n’est habituellement pas celui qui joue fair play, mais le plus souvent celui qui porte les coups les plus vicieux. Le public se délecte de ces affrontements et les médias s’empressent de leur faire écho parce que le spectacle attire les lecteurs et les téléspectateurs.
Étant donné qu’il est essentiel pour les partis de démontrer qu’ils forment une équipe efficace et solidaire, la discipline de parti est très importante. On déplore que les députés n’aient pas la liberté de parole, mais paradoxalement, les gens s’attendent à ce qu’un parti fasse preuve de discipline et de cohésion. Un parti désuni n’inspire pas confiance.
Le but visé est de gagner l’appui des électeurs. Il s’agit de la préoccupation première des politiciens. Cependant, ces derniers n’ont pas souvent l’occasion de s’adresser directement à leur public : ils doivent rejoindre les gens par le biais des médias. Faire parler d’eux à la TV et dans les journaux est donc un impératif pour les politiciens. Ceux qui réussissent le mieux sont ceux qui arrivent à simplifier leur message et à inventer des formules choc. La politique n’est pas le lieu des exposés élaborés et des discussions approfondies, mais plutôt celui des simplifications extrêmes, des phrases incisives et des énoncés percutants.
Un autre impératif est de ramasser des fonds, car beaucoup d’argent est nécessaire pour mener une campagne électorale. Il s’agit là d’une priorité que les politiciens doivent garder constamment en tête. Par exemple, pour s’assurer que ses ministres n’oublient pas cette importante tâche, M. Charest leur a fixé des cibles à atteindre. Évidemment, les politiciens accumulent ainsi des dettes envers leurs contributeurs et n’ont pas le choix de se rappeler de ces derniers lorsqu’ils sont au pouvoir.
Les politiques, programmes et services publics ne sont pas pour les politiciens des objectifs à réaliser, mais des faveurs conçues pour obtenir l’appui des électeurs. Chaque parti tente d’élaborer la plateforme électorale la plus susceptible de plaire à ses supporteurs et d’attirer les indécis. Les politiciens ne se demandent pas d’abord ce qui serait le mieux pour le pays, mais uniquement ce qui leur permettra de gagner leurs élections. Ils ne sont pas le moins du monde intéressés à s’attaquer aux problèmes majeurs qui confrontent la société, par exemple la dette publique, les effets du vieillissement de la population, les régimes de retraite, l’environnement, etc. Les électeurs, en effet, n’aiment pas les mauvaises nouvelles ni les mesures exigeantes et préfèrent les politiciens qui portent des lunettes roses.
On ne peut pas blâmer les politiciens de jouer le jeu politique comme ils le font présentement : s’ils veulent gagner leurs élections, ils n’ont pas le loisir de «faire de la politique autrement». Avec la démocratie participative cependant, il serait vraiment possible de transformer la politique.

2 réflexions au sujet de « Faire de la politique autrement »

  1. Le système politique actuel est tout à fait dysfonctionnel. Ce système ne nous permet pas de solutionner les problèmes qui se posent actuellement et il est certain que ceux-ci prendront une acuité nouvelle durant les prochaines années. Ce ne sont pas de petits changements à la marge qui parviendront à réparer ce système complètement archaïque. Il faudra bien se résoudre à le changer du tout au tout.

  2. J’ai lu « Réinventer la démocratie»
    J’ai beaucoup apprécié.
    J’aimerais en vérifier la possiblité de mise en application en m’impliquant dans un regroupement s’il y en a, ou dans tout autre groupe qui a comme objectif de vérifier la mise en application de la démocrative participative tel que vous le proposer.
    J’aimerais que vous ou quelqu’un d’autre me contacte.
    Guy Blanchet

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