Le tirage au sort est il «politically correct» ?

À la fin des années ’60, alors que je travaillais à la Commission de la fonction publique du Canada (CFP), l’équipe dont je faisais partie avait fait une étude sur les concours de recrutement universitaire. À l’époque, des centaines de comités de sélection faisaient des entrevues dans les universités canadiennes pour sélectionner des administrateurs stagiaires. Plusieurs doutaient de la qualité de la sélection effectuée par ces comités. Un cas célèbre était celui de Maurice Strong qui était devenu président de l’ACDI après être entré au service du gouvernement fédéral par une autre porte que celle des administrateurs stagiaires, car il avait été jugé non qualifié ! Comme les étudiants n’ont pas d’expérience professionnelle, il est difficile de baser la sélection sur des critères pertinents. Étant donné que l’obtention d’un diplôme universitaire constitue une qualification adéquate pour devenir administrateur stagiaire, les membres des comités de sélection risquent d’introduire leurs biais personnels plutôt que d’apporter une valeur ajoutée au recrutement.
Les auteurs de l’étude croyaient qu’il aurait été possible de convaincre les gestionnaires de la fonction publique de remplacer les entrevues par un tirage au sort, procédé qu’ils considéraient plus efficace et plus juste, mais les autorités de la CFP étaient convaincues que ni les candidats, ni le public canadien (sans parler des politiciens fédéraux) n’accepteraient cette façon de faire. Pour utiliser une expression contemporaine, la formule n’était pas considérée comme «politically correct».
Le tirage au sort est bien accepté pour la sélection des jurés aux procès criminels, mais n’est pas utilisé dans le domaine politique. Pourtant ce moyen n’est ni fantaisiste, ni déraisonnable.
Les élections donnent aux gens l’impression de choisir leurs représentants, mais cette perception est illusoire : ce sont les partis qui choisissent, les électeurs ne faisant que ratifier les choix. Le pouvoir de décision de ces derniers est minime, surtout dans les comtés déjà acquis à un parti politique.
Dans le système de démocratie participative que je propose, le tirage au sort serait utilisé à deux moments différents pour la sélection des membres de l’Assemblée nationale : afin de réduire le nombre de candidats à un niveau acceptable en vue d’un examen des compétences et pour la sélection finale parmi les candidats jugés qualifiés.
Les partis politiques n’ont pas une feuille de route bien convaincante lorsqu’il s’agit de choisir des candidats qualifiés. L’exemple du NPD lors des dernières élections fédérales au Québec en est une illustration frappante. Un examen des compétences suivi d’un tirage au sort est une méthode plus prometteuse. Un autre avantage de cette approche serait de permettre une représentation équitable des hommes et des femmes, des francophones, des anglophones et des autochtones, des divers groupes d’âge et des régions au sein de l’Assemblée nationale.