Les gouvernements sont portés à élaborer des politiques à courte vue : ils ne voient habituellement pas plus loin que la prochaine élection. Pour les politiciens, tout ce qui importe est de se maintenir au pouvoir. Il faut donc que les gestes qu’ils posent aient rapidement des effets visibles pour les électeurs afin de gagner leur appui le jour des élections. Leur attitude est caractérisée par la devise de nos compatriotes anglophones : The future will take care of itself, l’avenir s’occupera de lui tout seul.
Le gouvernement conservateur de M. Harper semble déroger à cette règle. Il planifie des changements pour 2017 dans les transferts aux provinces pour les soins de santé, ainsi que des modifications au régime de sécurité de la vieillesse à plus long terme encore. Serait-il plus vertueux que les gouvernements précédents ? Pas nécessairement, car un élément fondamental du paysage politique a changé : les Conservateurs se sont donnés pour objectif de devenir «le parti naturel de gouvernement» au Canada, tout comme l’ont été les Libéraux durant la majeure partie du XXe siècle.
Les Libéraux s’étaient positionnés au centre de l’échiquier politique. La division du vote entre le NPD à gauche et les Conservateurs à droite leur permettait de s’imposer. À la fin du siècle dernier, malgré la création du Bloc québécois, c’est la rivalité entre les Conservateurs et le Reform Party qui a permis au parti de Jean Chrétien de former trois gouvernements majoritaires successifs.
Les Conservateurs de Stephen Harper peuvent maintenant compter sur la division du vote entre les Libéraux et les Néo-démocrates pour s’imposer aux élections. Tant que les Conservateurs conserveront l’appui de leur base politique, ils pourront se maintenir au pouvoir, même si cette base politique ne représente qu’une minorité d’électeurs. L’antagonisme entre le parti Libéral et le NPD est en effet si bien ancré dans l’histoire et les idéologies qu’il permettra la prédominance des Conservateurs durant longtemps, car un regroupement comme l’ont réalisé le Parti Conservateur et l’Alliance Canadienne (ancien Reform Party) en 2003 paraît peu probable.
Étant donné que les Conservateurs se voient maintenant au pouvoir pour une période indéfinie, il leur est loisible d’élaborer des politiques leur permettant de se mettre à l’abri de crises futures prévisibles et, en évitant ces crises, d’assurer leur hégémonie.
On constate ainsi un paradoxe : c’est un système de partis dysfonctionnel, puisqu’il empêche l’alternance des partis politiques au pouvoir, qui permet de corriger une déficience fondamentale de la démocratie élective, les politiques à courte vue !
Une réflexion au sujet de « Les stratégies politiques »
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Peut-on encore parler de démocratie au Canada dans un contexte où un parti qui a été élu avec moins de 40% du vote populaire peut imposer son idéologie de droite parce qu’il est majoritaire au Parlement ? Le présent régime de partis permet en effet un détournement de la volonté populaire au profit d’une minorité.