Tous les articles par Denis Vaugeois

Kanesatake, c’est rien!

Les nouvelles en provenance de Kanesatake vous désolent. D’ici peu, vous aurez une énorme consolation. Le film de Matteo Garrone intitulé Gomorra vous fera plonger dans un monde qu’on ne peut imaginer. Pourtant Garrone peut en parler puisqu’un tel univers existe. Dans un docu-roman publié en 2006, le journaliste italien Roberto Saviano fait indirectement la lumière sur la mafia napolitaine dite La Camorra.

Aujourd’hui Saviano est millionnaire grâce au succès de son livre (Gomorra), mais il est menacé de mort et vit sous la protection de la police. Les chiffres qui sont donnés à la fin du film sont terrifiants, mais les ramifications de cette mafia le sont encore davantage. Ce film est d’une troublante actualité. À moins de 200 kilomètres de Rome, règne une véritable « dynamique de guerre ». Le nouveau président italien Berlusconi a convoqué son conseil des ministres à Naples aujourd’hui, mercredi 20 mai. Le journal Libération fait la une avec des montagnes de déchets au coeur de la ville. Comme à peu près tout le reste, la gestion des ordures est sous le contrôle de la mafia (La Camorra).

Pour donner une idée de l’ampleur, le réalisateur nous propose cinq histoires entrecroisées : le sympathique Toto, 13 ans, qui rêve d’appartenir à la mafia. Il fait très tôt ses preuves en ramenant aux truands un sac de cocaïne et un fusil dont l’un d’entre eux s’est débarrassé à l’arrivée de la police. Don Ciro, comptable de son clan, qui distribue de l’argent aux familles dont l’un des membres est tombé au champ d’honneur ou est en prison. Marco et Ciro qui agissent comme indépendants avant ‘être abattus. Roberto a fini ses études et trouve un premier emploi auprès de l’un des responsables de la section des déchets toxiques.Enfin, Pasquale, grand couturier, qui cède à l’invitation des Chinois d’enseigner son savoir-faire à leur personnel.

Toutes ces histoires se terminent mal, parfois sous nos yeux, parfois par sous-entendus. Ainsi qu’arrive-t-il à Roberto qui renonce à se faire complice des tristes combines qu’on lui propose.

Franchement, la réalité que propose Matteo Garrone dépasse l’entendement. Il a compté 3 600 morts depuis sa propre naissance. il faut voir d’où provient l’argent et à quoi il sert. Trafic de drogue et d’armes à feu, contrebande de tout genre, trafic de cigarettes. Plus subtilement, extorsion de fonds auprès des entreprises et commerces de la région sous forme d’un impôt appelé Pizzo, également contrôle de commerce tout à fait légal comme celui de la viande ( on y a déjà goûté) ou des fleurs, contrôle d’offres publiques de chantiers. Tiens! Tiens!

Le film est une fiction construite à partir de l’enquête menée par Roberto Saviano. Il faut voir le film et lire le livre. Kanesatake ai-je écrit? Oui pour provoquer.

Si je me regarde, je me désole, si je me compare, je me console.

Le plus court

Un jeune garçon de neuf ans, fils unique d’une mère monoparentale (Angelina Jolie), disparaît soudainement. Cette journée-là, la mère lui avait promis une séance de cinéma. Au dernier moment, son employeur la réclame. Elle est responsable d’une équipe de téléphonistes. Nous sommes à Los Angeles en 1928. La reconstitution historique, à elle seule, vaut le détour, pour les décors bien sûr, mais aussi pour cette forme de procès que Clint Eatswood dresse du Los Angeles de l’époque. Au début, le spectateur se dit que l’enfant a pu fuguer en guise de protestation. Un patron bienveillant lui a même fait rater son tramway et elle est rentrée plus tard que d’habitude.

Pour la mère, l’hypothèse d’une fugue est écartée. Après des mois de molle recherche, la police lui remet un garçon qui se dit son fils. Elle proteste, reçoit des appuis du dentiste, de l’enseignante qui témoigne que le garçon n’est pas son fils et d’un pasteur qui dénonce publiquement la corruption de la police.

Comme le film est essentiellement l’histoire du combat que mènera cette femme, il me faut bien vous laisser sur cette entrée en matière. Trop acharnée au goût des policiers, elle sera internée. Autre épisode désolant pour ne pas dire terrifiant. Le policier qui suit l’affaire et qui ne veut rien comprendre décide de se débarrasser de la mère. »Quelque chose ne va pas avec vous. Vous êtes une femme indépendante. » Il n’a pas dit « trop indépendante ». Nous sommes décidément en 1928.

Selon Clint Eastwood, cette affaire aura un important retentissement à l’époque à la fois à cause de la ténacité de la mère mais aussi parce que cette disparition est liée à toute une série de meurtres d’enfants. Cette double histoire vraie avait été peu à peu oubliée; un employé du Los Angeles Times s’y est arrêté au moment de travaux de numérisation des archives du journal. Eastwood a pu récupérer les dossiers papiers et reconstituer cette affaire criminelle qui a plusieurs facettes.

Clint Eastwood a été président du jury du Festival de Cannes en 1994. L’échange, c’est le titre du présent film, est son 5e présenté en compétition officielle. L’un d’eux a valu à Forest Whitaker (Bird) le prix d’interprétation masculine. C’est tout! Eastwood ne s’en fait pas. Il a tout compris. Ces films visent un trop large public. Et il a le goût de continuer dans cette voie. « Je ne vois aucune raison d’arrêter. Pas question non plus de faire des remakes comme Alfred Hitchcock ou Howard Hawks. Je préfère affronter une nouvelle vague au lieu de surfer sur la même ».
Je ne m’en plaindrai pas. Son « Échange » d’une durée de 2 heures 21 minutes a été pour moi le plus court du Festival. Ah si j’étais membre du jury!

Gros oubli

Comme je n’ai pas pu participer à la conférence de presse de Spielberg, je n’ai pas pu lui demander ce qu’il pensait de « L’Or des Amériques » que vient de publier le Septentrion en collaboration avec le Musée de la civilisation.

Le film est une bonne introduction au livre et inversement.

Un petit regret: Indiana Jones

Un petit regret : Indiana Jones.

Apparemment, c’est-à-dire selon Gilles, il est facile d’insérer des photos sur un blogue. J’ai donc jonglé avec la possibilité de me munir d’un appareil photo, mais la seule idée d’avoir à le traîner m’a découragé. En vérité, je ne l’ai pas regretté sauf à la conférence de presse de Spielberg.

À la sortie du film de deux heures, je me suis dirigé vers la salle de conférence de presse sans trop y croire. Je ne fus pas refoulé, je n’ai même pas pu m’approcher de l’entrée. Sans but précis, j’ai exploré les environs pour finalement planter ma tente devant une grande fenêtre à proximité de la passerelle par laquelle arrive les invités. Derrière moi, j’entendais les appels des gardiens pour essayer de contrôler la meute. Soudain un petit Asiatique s’est faufilé jusqu’à moi pour prendre position devant mon voisin et moi. J’avais le nez dans ma documentation et je n’avais pas eu le réflexe de le bloquer. Il tripotait son appareil photo et bougeait constamment. Finalement, il ne nous dérangeait pas beaucoup. J’observais le va-et-vient de quelques officiels: la maman des journalistes, Christine Aimé, le grand bonze des conférences de presse, Henri Behar, le nouveau délégué général, Thierry Frémaux toujours extrêmement nerveux sur scène lorsqu’il présente ses films à la section parallèle d’Un certain regard, le président du Festival, Gilles Jacob, et quelques autres officiels.

De toute évidence, il y avait eu une séance de photos puisqu’une armée de photographes et de cameramen défila longuement avant que ne surgissent des gardes du corps marchant lentement devant Steven Spielberg et son producteur, George Lucas, et les vedettes du film, d’abord Cate Blanchett habillée en bleu et tenant un large parapluie bleu pour se protéger du soleil et justifier son nom, Harrison Ford, désinvolte, sympathique, grisonnant, un jeune comédien Shia Labeouf que je n’ai évidemment pas reconnu et qui joue le rôle de Mutt Williams le fils de je ne sais plus quel Williams mais qui s’avérera être le fils de Marion Ravenwood ( Karen Allen), une ancienne flamme de Indiana Jones à qui elle apprendra qu’il est le père de Mutt auquel elle a donné le nom de son mari. Car elle et Indiana n’avaient pas été mariés. La morale sera tout de même à peu près sauve et je ne vous prive pas d’une grande surprise en disant que tout ça s »arrangera à la fin du film.

Gilles Jacob s’avança dignement vers un Spielberg, très décontracté. Pognée de mains, quelques mots et tout le monde entre à l’intérieur. Bon, il me reste à me trouver un écran qui diffusera la conférence de presse et je me dirige vers le large corridor qui conduit à la salle de conférence. C’est là où j’ai eu mon choc et que j’ai vraiment regretté de ne pas avoir d’appareil. J’ai failli rattraper mon petit Chinois pour lui demander de prendre pour moi une photo du spectacle que nous avions sous les yeux. Une haie de photographes juchés les uns sur les autres, munis de perches non seulement de son mais portant aux extrémités des caméras. Il m’est impossible avec des mots de vous donner une juste idée. Ça ne se décrit pas. Lorsque l’attroupement s’est dispersé, j’ai remarqué que plusieurs repliaient des escabeaux personnels.

À la sortie de la conférence, les invités s’engouffrent dans un large ascenseur, mais ils doivent franchir une courte distance. Les habitués se postent donc le long des cordes pour prendre des photos mais surtout pour tenter d’obtenir des autographes. Spielberg s’est livré au jeu mais encore davantage Harrison Ford. Des personnes très sérieuses, munies de leur badge de journaliste, sortaient de leur sac des photos et les brandissaient au bout de leurs bras. Patiemment et souriant, Ford fit bien des heureux.

Quelques minutes auparavant, on lui avait demandé comment on se sent quand on est l’objet de tant d’attention et de popularité? « Être une star, ça se vit comment? » Ford avait éludé la question. « Je suis tout simplement un acteur de cinéma qui prend son travail au sérieux ».

Spielberg est fier de son film, mais laisse le dernier mot au public.Il n’y aura pas de surprise si ce n’est de s’étonner que ce nouveau Indiana Jones ait mis plus de vingt ans voir le jour. Le réalisateur explique qu’il voulu faire des films sérieux comme La Liste de Schindlet ou Amistad. Il a mis tout de même dix ans à péparer ce nouvel Indiana Jones. Faut-il prévoir une suite? « Nos oreilles sont ouvertes aux attentes du public qui me demande aussi une suite d’E.T.

Et l’histoire du film, me direz-vous? Elle est toute simple: La mère de Mutt a été enlevée en même temps qu’un ami d’Indiana Jones. Ils étaient sur les traces d’importantes découvertes de crânes de cristal. Tout ça nous conduit en Amérique latine avec les Russes sur les talons. Nous sommes en effet à l’époque de la guerre froide avec des escapades dans un univers sud-américain vieux de plus de 5 000 ans et sans doute visité par des extra-terrestres. Tout ça est bien connu, me direz-vous. C’est vrai, vous avez raison. Une petite révision ne peut pas nuire. Vous verrez: elle n’est surtout pas ennuyante.

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Refoulé

Refoulé.

Cela arrive au moins une fois par Festival et il y a tellement de bons films à venir, si on en juge par leurs réalisateurs ou leurs sujets, que je risque un autre « rejet ».

J’avais l’intention d’assister à la conférence de presse de Woody Allen pour le voir de près et ne pas manquer de contempler Penelope Cruz. Le temps de le dire, la salle était bondée. Une demi-heure avant l’heure, on ne laissait passer que les cartes blanches et les roses avec pastille. Votre serviteur, malgré ses années de service, est bloquée au niveau de la carte rose.

Je me suis posté à l’entrée de la salle de presse; Jean-Pierre Tadros rédacteur d’un bulletin destiné au milieu du cinéma (CTVM), est arrivé encore plus tard que moi. Il m’a confié son gros sac et, brandissant son appareil photo, a cherché une issue dans la foule qui se massait le long du parcours prévu pour l’arrivée des invités. J’ai vu un Woody Allen, frêle, voûté. hisurte, trottinant derrière les autres. Il a regardé autour, l’air étonné de voir tout ce monde. Une grande noire le suivait. Rebecca Hall ou Penelope Cruz? Sur le coup, je ne savais pas.

Je me suis donc consolé en ma rapprochant d’un des écrans qui permet de suivre la conférence de presse. J’ai manqué les premières questions. J ‘étais trop loin. Mais j’ai bien entendu un journaliste américain : « Est-ce que le trio amoureux ( un homme et deux femmes) que vous présentez est un de vos fantasmes? »- Réponse : « Il me semble qu’il est déjà difficile de s’occuper d’une… » Et il a brodé là dessus. « Pourquoi le choix de Barcelone ? » Toujours un peu provocant, il répond : « Les autorités de Barcelone m’ont proposé de tourner un film chez eux et on a mis à ma disposition un budget ». Il a quand même dit qu’il aimait bien Barcelone, que c’était une ville remarquable, blablabla. Imperturbable, il a ajouté qu’il était prêt à tourner dans plein d’autres villes aux mêmes conditions. Et il en a énuméré quelques unes.

Son film est réussi. Deux jeunes américaines arrivent à Barcelone pour plusieurs semaines de séjour. Très typiques toutes les deux. Elles se font draguer ou plutôt harponner par un artiste irrésistible. Il propose d’emblée la formule trio. L’une, fiancée à un type parfait, recule. Mais il y a l’omniprésente et incontournable femme du charmeur catalan qui n’a pas dit son dernier mot. Woody Allen s’en donne à cœur joie avec une jolie satire du monde moderne, les Américains en tête.

J’ai profité de cette accalmie pour rentrer à ma chambre et mettre un peu d’ordre dans la vaste documentation déjà accumulée.

La femme de chambre s’en était déjà mêlée! Sans commentaire. J’ai donc recréé un nouveau désordre, fait un peu de lessive et quelques courses. Tout est à proximité comme dans toute vraie ville européenne.

Bilan jusqu’à maintenant : excellent.

Correction importante:Michael Fassbinder n’est pas éligible au prix d’interprétation masculine. Son film n’est pas en Sélection officielle mais à un Certain regard.

Prédictions en date du 16 mai

J’aime bien des prédictions, mais généralement j’attends vers la fin du Festival. C’est bien normal.

Cette fois, les six premiers films que j’ai vus m’ont tellement impressionné que je me lance dès aujourd’hui.

Je vois mal qui pourrait ravir le prix d’interprétation à Michael Fassbender l’intreprète principal de Hunger (pour A hunger for freedom).

Pour incarner le rôle de Bobby Sands, un leader de lRA mort après 66 jours de grève de la faim, il a dû maigrir à l’extrême. Son poids normal est d’environ 73 kilos et il a baissé jusqu’à 59 kilos. Dans les dernières scènes, on voit un cadavre qui n’a vraiment que la peau et les os. Il est tellement sensible qu’on installe au-dessus de son corps une armature sur laquelle on place une couverture. Une telle maigreur, volontaire, est-elle possible ? À défaut de trucage, il y a certes de subtils jeux de caméra.

On ne pouvait cacher aux familles, donc au public la grève de certains militants. Les parents avaient un droit d’ultimes visites. La mère de Bobby viendra poser ses lèvres sur le front de son fils rendu à la dernière extrémité; il ne peut faire plus que de remuer les paupières. Résignée, infiniment triste mais non révoltée par le sacrifice de son fils dont la mémoire reste très vive en Irlande du Nord. Ce n’est pas le premier film sur ce sujet et ils font tous réfléchir. Et ils font peur!

Dans Leonera, film argentin signé par Pablo Traperon, une comédienne, cette fois, s’implique physiquement au-delà des exigences les plus grandes.

Soupçonnée de meurtre, elle est incarcérée. Au moment de la fouille à nue, la surveillante lui demande: « Vous êtes enceinte ?- Ou i- Depuis quand ?- Je ne sais pas ». On la reverra à la fin de sa grossesse sortant de la douche. Pas de trucage possible. Elle accouchera en prison et sait qu’elle pourra garder son enfant jusqu’à l’âge de 4 ans au maximum. Quelle peine l’attend ? J’y reviendrai sans doute. Pour l’instant, je veux souligner la performance de Martina Gusman qui incarne Julia dite Leonera ou, selon ce que j’ai compris, la lionne, celle qui protège et défend sa progéniture de toute son énergie. Ce film est étonnant aussi par cet univers carcéral féminin qui accueille les femmes avec des enfants.

Michael Fassbendder et Martina Gusman ont de fortes chances de décrocher un prix d’interprétation.

Hunger devrait en outre se mériter une place au palmarès.

Prédictions en date du 16.

J’aime bien des prédictions, mais généralement j’attends vers la fin du Festival. C’est bien normal.

Cette fois, les six premiers films que j’ai vus m’ont tellement impressionné que je me lance dès aujourd’hui.

Je vois mal qui pourrait ravir le prix d’interprétation à Michael Fassbender l’intreprète principal de Hunger (pour A hunger for freedom).

Pour incarner le rôle de Bobby Sands, un leader de lRA mort après 66 jours de grève de la faim, il a du maigrir à l’extrême. Son poids normal est d’environ 73 kilos et il a baissé jusqu’à 59 kilos. Dans les dernières scènes, on voit un cadavre qui n’a vraiment que la peau et les os. Il est tellement sensible qu’on installe au dessus de son corps une armature sur laquelle on place une couverture. Une telle maigreur, volontaire, est-elle possible? À défaut de trucage, il y a certes de subtils jeux de caméra.

On ne pouvait cacher aux familles, donc au public la grève de certains militants. Les parents avaient un droit d’ultimes visites. La mère de Bobby viendra poser ses lèvres sur le front de son fils rendu à la dernière extrémité; il ne peut faire plus que de remuer les paupières. Résignée, infiniment triste mais non révoltée par le sacrifice de son fils dont la mémoire reste très vive en Irlande du Nord. Ce n’est pas le premier film sur ce sujet et ils font tous réfléchir. Et ils font peur!

Dans Leonera, film argentin signé par Pablo Traperon, une comédienne, cette fois, s’implique physiquement au delà des exigences les plus grandes.

Soupçonnée de meurtre, elle est incarcérée. Au moment de la fouille à nue, la surveillante lui demande: « Vous êtes enceinte?- Oui- Depuis quand?- Je ne sais pas ». On la reverra à la fin de sa grossesse sortant de la douche. Pas de trucage possible. Elle accouchera en prison et sait qu’elle pourra garder son enfant jusqu’à l’âge de 4 ans au maximum. Quelle peine l’attend? J’y reviendrai sans doute. Pour l’instant, je veux souligner la performance de Martina Gusman qui incarne Julia dite Leonera ou, selon ce que j’ai compris, la lionne, celle qui protège et défend sa progéniture de toute son énergie. Ce film est étonnant aussi par cet univers carcéral féminin qui accueille les femmes avec des enfants.

Michael Fassbendder et Martina Gusman ont de fortes chances de décrocher un prix d’interprétation.

Hunger devrait en outre se mériter une place au palmarès.

Tout un départ!

Vendredi 16 mai 2008.

Malgré le manque de sommeil et l’inévitable fatigue du voyage, les premiers films de ce Festival m’ont comblé. Bien sûr, vous lirez des points de vue différents et même opposés dans les divers quotidiens. Les attentes varient beaucoup d’un cinéphile à l’autre. Il y a les spécialistes et les amateurs. Vous pouvez me classer dans la seconde catégorie.

Premier film: je croyais voir Blindness de Fernando Meirelles dans lequel le Canada ou le Québec ont investi quelques millions, j’avais mal lu le programme, il s’agissait plutôt de Valse avec Bachir.. Les premières images m’ont rappelé Persepolis. Pas mal direz-vous! Il faut dire que le film s’ouvrait sur une meute de chiens enragés qui renversaient tout sur leur passage. Ils étaient d’ailleurs effrayants. Ces chiens sortis des rêves d’un ancien soldat israélien nous ramène à la « première » invasion du Liban par Israël en septembre 1982. À ce propos confesse le réalisateur Ari Folman, lui-même ancien combattant israélien: « je n’apprends rien aux Israéliens. Cette invasion de Beyrouth ouest était inutile et ne rapportait rien. Une énorme tache noire sur notre Histoire ». Il ajoute avec calme:  » Je suis prêt à parier qu’Ariel Sharon, en ce moment dans le coma, aurait donné n’importe quoi pour réécrire l’histoire et éviter cette expédition insensée dont il fut l’initiateur ». En conférence de presse, il rappellera, devant les questions d’une journaliste libanaise, que ce sont des phalangistes chrétiens qui ont procédé à un massacre qui a duré du 16 au 18 septembre 1982 dans les camps de Sabra et Chatila, sauf que l’armée israélienne, complice, a laissé faire.

Pour préparer son film, il n’a pas puisé dans ses propres souvenirs. Il n’en avait plus. C’est cet ami qui multipliait les cauchemars avec ses chiens qui lui a fait réaliser que sa propre mémoire était totalement en panne. Les enquêtes menées auprès d’anciens combattants l’ont mis en face d’horreurs bien pires que celles qu’il a montrées, mais c’était quand même trop pour en faire des reconstitutions. Par pudeur en somme, il a opté pour un film d’animation, ce qui constituait en soi une forme d’audace. On ne le sait que trop maintenant, le projet de Folman est d’une terrible actualité.

Il en va autrement pour une histoire de conflit interne, en Irlande du Nord cette fois. Signé Steve McQueen dont c’est je crois le premier long métrage. Il est surtout connu pour ses tableaux présentant des scènes de guerre où figurent des hommes et femmes tués en Irak. Sur chacun, figure le profil de la reine d’Angleterre au nom de laquelle ces victimes ont perdu leur vie. Ces tableaux seraient destinés à devenir de vrais timbres!

En conférence de presse, le réalisateur a rappelé qu’il commençait à peine à travailler sur son projet de film qu’est survenue l’épisode de la prison de d’Abou Ghraib et l’horreur de Guatanamo. La prison qu’il choisit de montrer est peut-être toute neuve, mais elle reste hantée par une haine effroyable. On sort de ce film, longuement applaudi, totalement abasourdi, presque incrédule. Admettons que le film est un peu à sens unique et insiste sur la barbarie invraisemblable des autorités et de leurs mandataires. Pour la comprendre ou essayer de la comprendre, la contrepartie est essentielle. Il faut la deviner à partir de l’ardeur et de la détermination des militants de lIRA. Il n’en reste pas moins que rien ne justifie une telle répression. Tout a fini là par où on aurait pu commencer.

Le drame de Bobby Sands ( Michael Fassbender), est au coeur de ce film intitulé Hanger. Celui-ci est mort après 66 jours de jeune, le jour même où il était élu député. Depuis, un prisonnier ne peut plus être candidat. Huit autres prisonniers succomberont à une grève semblable avant que les autorités cèdent ( fin 1981-début 1982). On apprendra à la toute fin que, pendant la même période, 18 gardiens de la prison seront assassinés dont l’un, froidement abattu d’une balle, sous les yeux des spectateurs qui ont bien failli applaudir à tout rompre. Fassbender est très émouvant et convaincant. On dit qu’il a beaucoup maigri pour jouer ce rôle, mais certes pas assez pour soutenir les dernières images.

La prison irlandaise nous conduit à une autre prison, en Argentine cette fois. Cette fois, une comédienne paie de sa personne dans Leonora, film également très réussie. (À suivre)..

Nouveau départ

Nouveau départ : Cannes

Après quelques hésitations, j’ai cédé. Je serai au Festival de Cannes encore cette année. Ce sera la 24e fois.

Tout a commencé en 1985, grâce à notre ancien professeur de cinéma, l’abbé Léo Cloutier. Dans les années 1940-50, pendant cette supposée grande noirceur, ce prêtre extraordinaire nous initiait à l’histoire de l’Europe, à la belle musique et surtout au cinéma. Il a fondé un ciné-club qui a compté jusqu’à un millier de membres. C’était un habitué de Cannes et un chroniqueur apprécié du quotidien Le Nouvelliste.

Redevenu un homme libre en janvier 1985, je l’avais croisé à Trois-Rivières. Je n’avais pas de projet précis. J’explorais une façon de revenir à l’édition. « Allez-vous toujours à Cannes, monsieur l’abbé? »-« Bien sûr! »-« Vous devriez m’amener avec vous cette année! » Pendant mes études au Séminaire de Trois-Rivières, j’avais collaboré aux activités qu’organisait l’abbé Cloutier, en particulier en préparant les fiches et les « cotes morales » des films projetés à Trois-Rivières. Il proposa mes services à un distributeur de Montréal. Cette année-là, j’ai du voir près une cinquantaine de films en moins de deux semaines. J’y suis allé sans interruption à divers titres depuis cette époque.

L’an dernier, j’avais présenté mon palmarès sur mon blogue. Puis je me fis silencieux. Gilles, notre directeur des éditions, me dispute souvent. Pour me convaincre, il vient de me proposer un logiciel qui devrait m’inspirer. Je vous en reparlerai quand je serai plus certain de la bonne affaire.

Donc, chaque jour, à partir du 14 mai, je vous ferai part de mes commentaires. Auparavant, je dois régler une question qui découle de l’émission de Michel Lacombe à laquelle j’ai participé samedi le 10. Donc je conclus ce message, je vérifie si tout a fonctionné et je vous reviens.

Denis Vaugeois

Christophe Plantin

L’Amour du livre a été composé en Plantin, caractère qui tient son nom de Christophe Plantin. Ce dernier l’a indirectement inspiré au créateur Frank H. Pierpont en 1913. Relieur à l’origine et installé à Anvers à partir de 1551, Plantin y devient imprimeur à la suite d’une blessure grave à l’épaule. Il n’a pas créé de caractères mais était constamment à la recherche des plus beaux. À sa mort, son atelier disposait de quatre-vingt-dix types de caractères qui avaient servi à quelque 2450 ouvrages (1555- 1589). Prenons le temps d’imaginer le travail d’un typographe qui plaçait les caractères un par un et à l’endroit comme à l’envers selon le format d’imposition des pages. Le tirage moyen chez Plantin se situait entre 1000 et 1250 exemplaires. On raconte que c’est sa Bible en hébreu qui, en 1566, connut le plus fort tirage, soit 7800 pour le Pentateuque et entre 5200 et 6700 pour les autres volumes.
Christophe Plantin est né en France vers 1520. Il rencontrera sa future femme Jeanne Rivière à Caen où il travaille comme apprenti chez le relieur et imprimeur Robert Macé. Homo plebeius comme il aime se désigner, il sait pourtant s’exprimer dans la langue de l’élite, le latin. Il meurt en 1589. Déjà son gendre, Jean Moerentorf, Anversois de naissance et qui latinise son nom en Moretus, est à ses côtés à la tête de l’atelier.
Les Moretus sont riches et Plantin lui-même laisse une grande fortune à sa mort. Vers 1576, Plantin s’était installé dans une superbe demeure, plusieurs fois agrandie, où loge sa famille et son atelier appelé le Compas d’Or représenté, comme il se doit, par un compas autour duquel se glisse sa devise Labore et Constantia.
Le Musée Plantin-Moretus d’Anvers compte 154 incunables, des centaines de manuscrits allant du IXe au XVIIe siècle, quelque 25000 reliures anciennes, d’extraordinaires collections typographiques, du matériel de fonte, des plaques de cuivre, des blocs de bois, etc., sans compter les pièces de cuir, les tapisseries et une vingtaine de tableaux de Pierre Paul Rubens (1577-1640) qui travailla régulièrement pour le Compas d’Or. À lui seul, ce musée justifie le détour par Anvers.