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L’art du kidnapping. Christian Rioux.

CET ARTICLE S’EST MÉRITÉ LE PRIX JUDITH JASMIN DANS LA CATÉGORIE OPINION, DÉCERNÉ PAR LA FÉDÉRATION PROFESSIONNELLE DES JOURNALISTES DU QUÉBEC (FPJQ)

L’art du kidnapping
Voilà en effet la sornette qu’est venue raconter cette semaine aux Français la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean
Christian RIOUX
Le Devoir
vendredi 9 mai 2008



« Dans la catégorie Opinion, le prix Judith-Jasmin est attribué à Christian Rioux du Devoir pour « L’art du kidnapping »

« Pour le jury, ce texte est un véritable bijou tant au point de vue de la forme que du fond. L’auteur a su démontrer avec brio, érudition et conviction, et dans un français absolument impeccable, l’habile manoeuvre du gouvernement fédéral visant à détourner à son profit le 400e anniversaire de Québec. Les juges ont accordé une note parfaite à ce texte qui démonte le stratagème politique en utilisant superbement l’analogie du kidnapping. Ce texte d’opinion, exemplaire en son genre, constitue un régal pour l’intelligence ! » Texte du jury de la FPJQ, 2008


Ce n’est pas tous les jours qu’on assiste à un kidnapping. J’utilise volontairement le mot anglais, car le français n’a pas le même éclat. « Enlèvement » fait tout de suite penser à l’enlèvement de la neige ou des ordures. Mais le kidnapping recèle pour ainsi dire un parfum de mystère. Des kidnappings, il y en a eu des grands, des sordides et des célèbres. Pensons au rapt des Sabines, qui provoqua une guerre à Rome et dont Picasso fit un tableau magnifique. Pensons à Malraux qui rêvait de kidnapper Trotski pour le libérer de sa prison stalinienne. Le mot anglais évoque l’enlèvement des esclaves pour les faire travailler dans les plantations du Sud. Il souligne le vol des enfants (kids), qu’il fallait attirer par mille et un subterfuges. Car le kidnapping est un art complexe. Pour kidnapper quelqu’un, il faut d’abord s’en approcher subrepticement, l’appâter et parfois même le séduire. Chacun sait que la victime développe souvent par la suite une relation ambiguë avec son ravisseur, une sorte de soumission mêlée de sympathie morbide. Le kidnapping est affaire d’experts. Ne devient pas kidnappeur qui veut.

Le kidnapping dont il est question ici n’a ni le charme ni la volupté des précédents, mais il ne manque pas d’intérêt non plus. On peut kidnapper des personnalités, mais on peut aussi kidnapper des idées. On peut même kidnapper des pans entiers d’histoire.

Il y a 400 ans, des aventuriers un peu fous sont partis de Honfleur pour fonder une ville de l’autre côté de l’Atlantique. Parmi cette bande de fêlés se trouvait un certain Samuel de Champlain qui, avec l’aide de quelques autres, fonda Québec en 1608. De ce geste mémorable a découlé l’histoire de tout un peuple. Celui-ci n’existerait pas sans l’intelligence de ces précurseurs qui avaient eu l’intuition sublime qu’en s’établissant là où le fleuve se rétrécit, ils pourraient contrôler l’accès à tout un continent. Et, comme de fait, jusque vers 1800, ce sont ces habitants, plus tard appelés Canadiens, Canadiens français et Québécois, qui ont contrôlé l’accès aux Grands Lacs et aux fleuves qui menaient jusqu’en Louisiane et aux Rocheuses.

Mais voilà que quelques kidnappeurs habiles ont récemment entrepris de ravir aux descendants de cette bande d’aventuriers cette belle histoire qu’ils avaient toujours été les seuls à se raconter de génération en génération. Ceux-ci ont même entrepris d’en faire le moment fondateur d’un pays nommé Canada, pourtant apparu 250 ans plus tard et devenu véritablement indépendant au cours de la première moitié du XXe siècle.

Voilà en effet la sornette qu’est venue raconter cette semaine aux Français la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean. Son excellence semble d’ailleurs elle-même tellement en manque de racines historiques qu’elle pousse la farce jusqu’à faire remonter l’origine de sa propre fonction… à Champlain. Comme si l’aventurier de Brouage s’était subitement métamorphosé en lectrice de nouvelles de Radio-Canada.

L’affaire est d’autant plus cocasse qu’il y a quelques années à peine, les Français avaient vu débarquer chez eux un premier ministre canadien nommé Jean Chrétien qui leur avait raconté une tout autre histoire. Celui-ci avait expliqué avec moult exemples que l’Amérique française n’était pas née en 1608 à Québec mais bien en 1604 à Port-Royal, cette colonie mort-née de la Nouvelle-Écosse. La fondation de Québec était donc une peccadille, un détail de l’histoire, pourrait-on dire. Cependant, comme les grandes festivités nord-américaines qui avaient été spécialement conçues pour faire de l’ombre à celles de Québec firent long feu, il fallut bien récrire de nouveau le manuel d’histoire.

If you can’t beat them, join them. Il aura fallu l’intelligence de Stephen Harper pour que le révisionnisme historique atteigne un nouveau sommet. Le kidnapping exige une préparation minutieuse. Celui dont nous parlons a été conçu dès le sommet de la Francophonie tenu à Bucarest en septembre 2006. C’est là, devant votre humble serviteur, que le nouveau premier ministre avait affirmé pour la première fois que le français a été « la langue fondatrice du Canada » et que « la fondation de Québec marque aussi la fondation de l’État canadien ». En 1608, il n’y avait pas l’ombre d’un État français en Nouvelle-France puisque Champlain et son commanditaire, Pierre Dugua de Monts, étaient en quelque sorte des entrepreneurs privés (le régiment de Carignan n’est arrivé qu’en 1665). Mais qu’on se le dise, il y aurait eu un « État canadien », probablement caché quelque part dans les bois.

Le projet allait prendre corps lors du voyage qu’a fait Stephen Harper en Australie l’an dernier. Ironie du sort, c’est dans cette ancienne colonie pénitentiaire où furent déportés 58 Patriotes de 1837-38 que le premier ministre avait tenu à répéter que « le Canada est né en français, à Québec, il y aura 400 ans ». Ce n’était pourtant pas l’opinion des Thibert, Longtin, Morin, Paré, Laberge et Dumouchelle, exilés en 1840 sur la péninsule de Longbottom, près de Sydney.

La gouverneure générale Michaëlle Jean, qui achève ces jours-ci une mission en France, a décidé de pousser la supercherie encore plus loin. Il s’agit cette fois-ci de convaincre non plus les Québécois mais les Français eux-mêmes qu’ils n’ont pas fondé la Nouvelle-France en 1608 mais bien l’unique monarchie de toutes les Amériques, un beau et grand pays multiculturel appelé Canada.

La boucle est maintenant bouclée ; le piège peut se refermer.

***

Tout l’art du ravisseur tient évidemment dans la manière de séduire sa proie. Quoi de plus flatteur pour les Québécois que de se faire dire qu’ils ont fondé le Canada tout seuls comme des grands ? Et en français en plus ! Pour peu, ils en oublieraient toutes les leçons qu’ils ont apprises à la petite école.

Si le kidnapping réussit, les Québécois pourront se flatter la bedaine en racontant partout qu’ils ont fondé le Canada. Certains Québécois semblent d’ailleurs déjà atteints du syndrome de Stockholm. En pratique, l’opération permettra de passer à la trappe 250 ans d’histoire. Une histoire qui a non seulement façonné un peuple distinct mais qui est la seule à permettre de comprendre que ce peuple a existé avant le Canada et qu’il pourrait bien un jour exister sans lui.

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crioux@ledevoir.com

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Claude Morin réagit et recommande…

Bonjour Denis,

Quelques lignes de ton blogue du 1 décembre rejoignent une de mes préoccupations. Parlant des fusions municipales dans la région de Québec, tu écris : «Personnellement, c’est la perte d’un patrimoine toponymique qui m’a fait le plus mal. Beauport, Sillery, Cap Rouge, Charlevoix, Ste-Foy, etc. sont des noms chargés d’histoire. Il y avait une façon de les conserver. Des modèles existent ailleurs.»

Là-dessus, je suis du même avis que toi. J’ajouterais cependant que cette nonchalance toponymique, si je peux m’exprimer ainsi, vient certes en partie de réflexes technocratiques, mais, en grande partie aussi, d’une méconnaissance généralisée des faits historiques et de leur influence sur des situations que le Québec vit tous les jours, ce dont, me semble-t-il, trop de gens sont peu conscients. C’est comme si une mode actuelle post-historique (chez quelques intellectuels, cette mode frise parfois le snobisme) stipulait que les événements courants n’avaient pas d’antécédents et qu’on peut d’autant mieux édifier l’avenir qu’on néglige ce qui a construit le présent. J’ai noté cette attitude dans un domaine que je connais particulièrement : les relations Québec-Canada. On en est au point où il faut maintenant expliquer des faits qui devraient pourtant être installés, tels des points de repère, dans la mémoire collective d’un peuple comme le nôtre. Il est vrai que ce vide, cet oubli, convient à certains politiciens…

L’ignorance de l’histoire n’est pas seule à masquer des enjeux de société. On peut en dire autant de celle de la philosophie. Bien des gens, la majorité en fait, tiennent pour acquis que les notions tirées de la philosophie et l’apport des grands penseurs à notre civilisation n’ont que peu de portée, sinon aucune, sur les choix qui incombent à ceux qu’on appelle les «décideurs», politiques et autres.

À cet égard, je me permets de te signaler, ainsi qu’aux lecteurs de ton blogue, le livre En quête de sens de Jean Laberge (Les Éditions Logiques) qui m’a plu à tous égards. Il n’est pas très long. Je l’ai lu presque d’une traite. Dans Le Devoir du 22 novembre dernier, Louis Cornellier en a fait une recension qu’il vaut la peine de consulter.

Vers la fin de mon cours classique (1942-1950, ce n’est pas hier…), j’aurais souhaité disposer d’un ouvrage comme celui-là. Qui aurait montré comment les notions de philosophie qu’on nous enseignait au Séminaire de Québec pouvaient s’appliquer à des situations courantes en faisant mieux saisir les enjeux en cause, en clarifiant des problèmes et en expliquant que des situations, à première vue simples, présentent en fait des aspects complémentaires ou contradictoires qu’il convient d’évaluer avant de juger ou d’agir. Un ouvrage qui aurait dévoilé le côté «pratique» de la philosophie. Sauf erreur ou défaut de mémoire, un tel outil intelligent n’existait pas.

Cet ouvrage, Jean Laberge l’a écrit.

Salutations amicales,

Claude Morin

Cassure ou Perte de repères toponymiques

Mes opinions ne plaisent pas beaucoup aux responsables du Soleil. Sans doute, cherche-t-on à protéger madame Marois!

Il me reste le refuge de mon blogue. Voici le texte soumis au Soleil dès vendredi le 28. J’avais cessé toute activité pour le préparer sur le champ.

« Il y a eu une cassure lors des fusions » avoue enfin madame Marois. C’était bien évident, mais il en a fallu du temps pour l’admettre! Seules Agnès Maltais et Christiane Gagnon avaient sauvé leur siège. Elles étaient toutes deux dans des comtés non touchés. Madame Boucher en avait profité pour se faire élire sans équipe, sans budget, sans programme, sans pancartes. À mon avis, même la victoire de M. Labeaume n’est pas étrangère à une rancœur dirigée contre Madame Bourget et son parti. Les changements ridicules de noms de rues avaient ajouté à l’irritation découlant des fusions.

Faute avouée, faute à demi pardonnée. Que doit faire le PQ pour regagner une confiance bêtement perdue. Il n’est évidemment pas question de revenir en arrière. Les chicanes étaient devenues insupportables et tout à fait nuisibles.

Non seulement il n’y a pas eu d’économies d’échelle, mais certains salaires ont explosé. Là non plus on ne reviendra pas en arrière, mais il me semble qu’ils doivent pris en considération dans les négociations actuelles. Secundo, les problèmes de la caisse de retraite sont ceux de l’ancienne ville. Tertio, déjà cette caisse faisait problème, Avec des prises de retraite plus hâtive et une espérance de vie plus longue, la solution n’est pas dans les négociations. Un gouvernement du PQ devrait s’engager à examiner ce problème.

Personnellement, c’est la perte d’un patrimoine toponymique qui m’a fait le plus mal. Beauport, Sillery, Cap Rouge, Charlevoix, Ste-Foy, etc. sont des noms chargés d’histoire. Il y avait une façon de les conserver. Des modèles existent ailleurs. À Québec, on a tout fait pour que même une chatte ne retrouve pas ses petits. Ces jours derniers, je remarquais une note sur un dépliant de la Ville de Québec : « Si vous ne savez pas dans quel arrondissement vous habitez…!!! » Eh oui. Les anciennes villes ont été charcutées et leur population répartie comme du bétail dans des arrondissements aseptisés. Exemple : on fait des fouilles archéologiques à coups de millions dans Cap Rouge, ville qui a été rayée de la carte et dont le nom n’a même pas pu être retenu pour un arrondissement. On a préféré « laurentien »!

Maintenant que le premier pas est fait, que madame Marois s’engage à revenir sur les questions d’aménagement. Après tout, pour faire un pays, il faut une population et aussi un territoire.

L’élection d’un président à la Chambre des Communes

À plusieurs égards, le Parlement fédéral fonctionne mieux que celui du Québec.L’existence de deux Chambres est un gros avantage, malgré les améliorations souhaitables au Sénat; le rôle des comités parlementaires est aussi mieux établi et le choix d’un président pour la Chambre des Communes se fait selon des règles qui devraient inspirer les députés québécois.

Les députés fédéraux ont le choix de soumettre leur candidature à leurs collègues et le vote est secret.

Dans un commentaire précédent sur la séparation des pouvoirs, j’en étonnais plusieurs. Ça prendra encore du temps sans doute, mais il ne faut pas désespérer.

Avant de proposer un mode proportionnel, n’est-il pas prioritaire de redonner un peu de pouvoir aux députés ? On se méprend sur l’impact que pourraient avoir deux, trois ou quatre députés d’un tiers parti.

L’Amérique et l’Afrique

Est-il vrai que Sarah Palin, au cours d’une entrevue, a hésité pour nommer les pays membres de l’Alena? Est-il vrai qu’elle ne savait pas que l’Afrique est un continent plutôt qu’un pays ou un regroupement de pays? Dans les deux cas, avec galanterie, je lui accorde le bénéfice du doute.

Mais les Français qui disent L’Amérique pour désigner les États-Unis savent-ils qu’ils confondent un pays et un continent ? Quand le président Bush dit America, comment faut-il l’interpréter ? Évoque-t-il l’évolution inéluctable de l’Alena ?

En 1776, les Treize Colonies deviennent les United Colonies puis, en 1783, les United States of America. À l’époque, leurs dirigeants ont cherché à donner un nom à ce nouveau pays, sans réussir. C’est resté United States of America jusqu’au jour où ils se sont rendus maîtres de toute l’Amérique ou ont cru l’être devenus. C’était il y a plus d’un siècle, Manifest Destiny aidant.

P.S. : Jusqu’à présent, le Mexique et le Canada, deux pays qui sont également des « états unis », ont au moins réussi à sauver leur nom.

La séparation des pouvoirs

La choix du président par les parlementaires de l’opposition a soulevé la colère du premier ministre.Et pourtant. J’ai adressé au Devoir la lettre suivante qui n’a pas trouvé sa place parmi les opinions des lecteurs. Sans doute la résignation du responsable est-elle totale.

Le premier ministre et le président.

Monsieur Charest a été offusqué par la manière avec laquelle M. François Gendron a accédé à la présidence. Le leader du gouvernement, M. Fournier, a clamé son indignation. Comme ils sont tous deux tout à fait sincères, j’en déduis que le rôle fondamental dévolu à l’Assemblée nationale a été, depuis belle lurette, relégué aux oubliettes.

Avec les années, l’Assemblée nationale est tombée sous le contrôle de l’exécutif. Il est peut-être temps de rétablir les responsabilités du législatif et de l’exécutif et de profiter de la présence d’un gouvernement minoritaire pour renouer avec la séparation des pouvoirs.

L’assemblée des députés a la responsabilité de voter les lois et le budget. Les ministres sont responsables devant l’Assemblée nationale. Logiquement, l’assemblée devrait pouvoir examiner sérieusement les projets de loi soumis par le gouvernement, passer au crible le budget proposé et, le cas échéant, blâmer un ministre.

L’idéal est que le choix du président de l’Assemblée nationale et des membres du bureau soit celui des parlementaires sans intervention de l’exécutif. Ceux-ci ne sont pas consultés dans le choix des ministres et inversement le pouvoir législatif doit retrouver son autonomie pour jouer son rôle et regagner la confiance de la population.

Concrètement, l’élection du président et des membres du Bureau devrait toujours se faire à l’initiative du secrétaire général et par vote secret.

Dans notre régime politique, les pouvoirs d’un Premier ministre sont excessifs. Et ce, quel qu’il soit! C’est peut-être pour cette raison que, plus ou moins consciemment, l’électorat opte pour des gouvernements minoritaires. On appelle ça la sagesse populaire.

1er novembre 2008.

Dans le beurre

Voici une opinion du lecteur que Le Soleil a décidé de ne pas publier.

Dans le beurre

S’il faut en juger par l’article de Daphnée Dion-Viens (Le Soleil, 18 octobre 2008, intitulé « Le premier dictionnaire québécois en ligne »), les responsables de ce futur dictionnaire appelé le Franqus(!) n’ont pas consulté de dictionnaires « conçus à Paris » depuis belle lurette. Hélas, tous les exemples qu’ils donnent sont faux, sauf « fumer comme une cheminée » qui a été sacrifié au nom des campagnes antitabac.

Quiconque consultera un Petit Larousse illustré des années 2000 y trouvera cégep, traversier, brunante, solliciteuse et même l’expression « se mettre les pieds dans les plats ». La féminisation des noms de métiers ou de professions a été réalisée progressivement au fil des ans. Non seulement des mots québécois ont été introduits, mais également d’innombrables sens propres aux Québécois. À ce propos, je préfère la définition du mot bleuet dans le Petit Larousse que celle qui est annoncée pour le Franqus (!) : « une baie comestible produite par des espèces indigènes de l’est de l’Amérique du Nord ». Combien d’espèces indigènes produisent des bleuets ?

Aucun dictionnaire n’est parfait et le français est une langue bien vivante. Les auteurs de dictionnaires ne se reposent jamais. Pour leur part, les Québécois sont de grands consommateurs de dictionnaires et sans doute qu’ils se délecteront dans le Franqus(!). Pour en faire la promotion, ses responsables devront toutefois corriger leur tir. Leur meilleur argument sera certes le recours au corpus littéraire québécois. Larousse a choisi le champ encyclopédique, c’est là qu’il est imbattable.

Sur le terrain littéraire, Franqus (!) fera face au Petit Robert. Bonne chance !

À titre d’éditeur, je cherche à réduire la distance entre « le français standard d’ici » et le français international et je préconise des outils communs. Au lendemain du Sommet de la francophonie, le mot d’ordre n’est-il pas de défendre LA langue française ?

Denis Vaugeois, éditeur

1er novembre 2008.

Liberté… où es-tu quatre ans plus tard ?

Liberté ! Voici un slogan que l’on peut apercevoir tous les jours sur de « rutilantes » voitures sillonnant les routes de Québec. Rappelez-vous, le 22 juillet 2004, des dizaines de milliers de manifestants descendaient dans les rues de la capitale nationale pour crier leur soutien à la station de radio CHOI-FM, menacée de fermeture par le CRTC suite aux élucubrations grossières de leur animateur vedette, Jeff Fillion. La liberté d’expression était alors en jeu et l’on entendrait bientôt les bottes cirées battre la cadence sur le pavé de la Grande Allée si la population ne réagissait pas. La station sera sauvée in extremis tandis que le messie d’une génération était porté en croix.

Quatre ans plus tard, la maison d’édition indépendante Ecosociété publie un livre dénonçant les pratiques de la première entreprise aurifère au monde, la toute puissante Barrick Gold. L’ouvrage dérange tellement que la compagnie menace de poursuivre l’éditeur si le livre se retrouve sur les tablettes. Et quelques jours après la parution de Noir Canada, Barrick Gold intente une poursuite de 6 millions de dollars (canadiens ou états-uniens ? À ce niveau, peu importe) contre Ecosociété et ses auteurs, Alain Deneault, Delphine Abadie et William Sacher. Étonnamment, personne ne brandit de pancartes dans les rues alors que, pourtant, la menace est cette fois bien réelle.

Cette pratique est dénoncée comme une SLAPP (Strategic Lawsuit Against Public Participation), c’est-à-dire une tentative d’entraver la participation au débat public de citoyens informés. La poursuite au montant démesuré mobilise de fait toutes les ressources des accusés à qui appartient le fardeau de la preuve et vise au final à bâillonner un élément clé de nos démocraties, les éditeurs. La liberté de presse est en effet une liberté fondamentale qui garantit aux citoyens, individuel ou corporatif, de pouvoir s’exprimer hors de toutes contraintes.

Évidemment, si la compagnie Barrick Gold s’estime lésée, il est de son plein droit de vouloir récuser les accusations qui pèsent sur elle. Nul besoin n’était cependant de se tourner vers les tribunaux déjà fort occupés, elle pouvait très certainement utiliser ses ressources pour faire connaître sa défense dans tous les médias, voir même de trouver un éditeur et de publier une contre-analyse. Le recours à la Justice, de surcroît avec une poursuite au montant disproportionné, ne viserait donc qu’à intimider et, dans le pire des cas, qu’à vouloir faire taire les empêcheurs de tourner en rond.

Il est urgent que le gouvernement du Québec se penche sur ces pratiques et légifère sur la question afin de soutenir la liberté d’expression sur des enjeux de société et afin de donner aux victimes de SLAPP les moyens de se défendre.

Le couteau sous la gorge, Ecosociété lance un appel à l’aide et à la mobilisation sur cette question cruciale qui touche à nos libertés fondamentales. Non-seulement pouvez-vous aller signer une pétition ou envoyer une lettre au ministre de la Justice, mais vous pourriez aussi assister au spectacle de soutien organisé le 12 juin à 20h30 au Kola Note, à Montréal, où vous aurez la chance d’entendre les Zapartistes, Tomás Jensen, Ève Cournoyer, Jérôme Minière, Ivy, Jean-François Lessard, Kumpania et Adama Zon. Les bénéfices iront évidemment renflouer la caisse d’urgence d’Écosociété.

Le Septentrion offre à ses lecteurs cinq billets de soutien pour assister au spectacle. Ils iront aux cinq premières personnes qui manifesteront leur intérêt. En outre, le Septentrion offre gracieusement ses services d’édition à la compagnie Barrick Gold si, sait-on jamais, cette dernière préférait la plume de l’écrivain à l’épée de la justice.

Nouveau départ

Nouveau départ : Cannes

Après quelques hésitations, j’ai cédé. Je serai au Festival de Cannes encore cette année. Ce sera la 24e fois.

Tout a commencé en 1985, grâce à notre ancien professeur de cinéma, l’abbé Léo Cloutier. Dans les années 1940-50, pendant cette supposée grande noirceur, ce prêtre extraordinaire nous initiait à l’histoire de l’Europe, à la belle musique et surtout au cinéma. Il a fondé un ciné-club qui a compté jusqu’à un millier de membres. C’était un habitué de Cannes et un chroniqueur apprécié du quotidien Le Nouvelliste.

Redevenu un homme libre en janvier 1985, je l’avais croisé à Trois-Rivières. Je n’avais pas de projet précis. J’explorais une façon de revenir à l’édition. « Allez-vous toujours à Cannes, monsieur l’abbé? »-« Bien sûr! »-« Vous devriez m’amener avec vous cette année! » Pendant mes études au Séminaire de Trois-Rivières, j’avais collaboré aux activités qu’organisait l’abbé Cloutier, en particulier en préparant les fiches et les « cotes morales » des films projetés à Trois-Rivières. Il proposa mes services à un distributeur de Montréal. Cette année-là, j’ai du voir près une cinquantaine de films en moins de deux semaines. J’y suis allé sans interruption à divers titres depuis cette époque.

L’an dernier, j’avais présenté mon palmarès sur mon blogue. Puis je me fis silencieux. Gilles, notre directeur des éditions, me dispute souvent. Pour me convaincre, il vient de me proposer un logiciel qui devrait m’inspirer. Je vous en reparlerai quand je serai plus certain de la bonne affaire.

Donc, chaque jour, à partir du 14 mai, je vous ferai part de mes commentaires. Auparavant, je dois régler une question qui découle de l’émission de Michel Lacombe à laquelle j’ai participé samedi le 10. Donc je conclus ce message, je vérifie si tout a fonctionné et je vous reviens.

Denis Vaugeois

La laine des moutons…

Pour faire suite au billet sur le livre numérique, je dois vous faire part de la plus récente demande de reproduction qui a atterri sur mon bureau.
Elle est émise par la Genealogical Society of Utah, association éducative à but non lucratif dont l’objet est de mettre des renseignements généalogiques enregistrés à la disposition des particuliers faisant des recherches familiales.
Que veulent-ils ? La permission d’utiliser le livre de Daniel Gay sur Les Noirs du Québec. À quelle condition ? Pour résumer, disons qu’ils veulent la laine du mouton, les côtes levées et, tant qu’à faire, le berger et sa bergerie.

La GSU demande la permission d’utiliser et d’autoriser d’autres à utiliser vos documents pour une période illimitée de toutes les manières qu’elle choisira, entre autres, mais pas uniquement, la permission de:

a) reproduire vos documents sur tout support connu ou qui sera développé plus tard, entre autres la permission d’en faire des copies numériques ;

b) élaborer et posséder des ouvrages dérivés à partir de votre documentation, entre autres la permission de reformater, extraire des données, de créer des index, des aides à la recherche, de modifier, compiler, adapter, regrouper, changer et/ou traduire votre documentation ;

OUF ! Rien que ça. Et à combien estiment-ils cette permission ? Un beau zéro. Comme d’habitude, aurais-je presque envie d’ajouter.
Oui mais, pauvres eux autres, ils sont sans le sous et c’est pour le bien de la science. Sauf que…

c) distribuer des copies de votre documentation au public, entre autres la permission de publier, transférer, vendre, louer ou prêter des copies de votre documentation, et de présenter ou exposer votre documentation publiquement, y compris par moyens de diffusion audiovisuelle ou numérique sur un nombre illimité d’ordinateurs ou de postes de travail informatiques.

La GSU pourra échanger voire documentation avec des entreprises commerciales de généalogie afin de pouvoir, en retour, recevoir de nouvelles données qui viendront augmenter le volume total de renseignements qu’elle met gratuitement à la disposition du public.

Donc au bout de la ligne quelqu’un fera bien ses choux gras de l’information cédée gratuitement par d’altruistes éditeurs.
Allez, une petite dernière :

Notez bien que la permission que vous accordez à la GSU ne limite ni n’altère aucunement vos droits quant à votre documentation. Vous pouvez par conséquent utiliser votre documentation comme bon vous semble.

Merci bien ! Faut-il préciser que la demande a été refusée ?
Gilles Herman
Éditeur