Les médias montréalais, parfois très doués pour fabriquer des raccourcis, ont décrété que la population de la région de Québec avait un comportement politique inexplicable. Vous vous rendez compte ? Les habitants de la veille capitale qui seraient les premiers à bénéficier de l’indépendance du Québec n’ont pas eu jadis le « réflexe » d’appuyer cette option lors de deux référendums sur la question.
Puis, en 2003, ils mettent à la porte leurs députés péquistes, à l’exception d’Agnès Maltais ; en 2006, c’est au tour des bloquistes de se faire montrer la sortie, sauf cette fois Christiane Gagnon. Ils descendent dans la rue pour appuyer Jeff Fillion ; ils élisent un indépendant, André Arthur. Ils portent à la mairie de Québec une candidate qui a combattu la nouvelle ville, s’est présentée seule, à la dernière minute, sans programme, sans argent, sans équipe, sans publicité, sans pancartes. Au lieu de conclure que les gens de Québec sont des « malades », condescendants, les commentateurs prennent acte du « mystère de Québec ».
Le mystère démystifié
Québec est un petit milieu où les injustices sont faciles à observer. Les écarts de salaires et de conditions de travail se vivent au quotidien. Les fonctionnaires provinciaux savent qu’ils gagnent beaucoup moins que leurs homologues municipaux. Les travailleurs du privé n’osent se comparer ni aux uns ni aux autres. Un bon jour, ils constatent tout simplement que leur voisin vient de prendre sa retraite à l’âge de 50 ans et qu’il pourra dorénavant jouer au golf à plein-temps.
À la suite des coupures dans les transferts fédéraux du secteur de la santé, le PQ a cru pouvoir s’en sortir par de nouvelles planifications. On a créé des régies régionales qui ont bouffé une partie de l’argent qui restait. On a fermé des lits ; on a fermé des hôpitaux. Exemple : l’hôpital Saint-Sacrement avait une réputation exceptionnelle dans le traitement des grands brûlés, en hématologie, etc. On a démantelé les équipes. Partout, on a réduit les heures de chirurgie.
En réponse aux incessantes grèves dans le transport en commun, le PQ est resté de marbre. Un gouvernement péquiste en a même enduré une pendant neuf mois. Je n’oublierai jamais le désarroi de la population, depuis les employés des petits commerces, les personnes démunies jusqu’aux étudiants de l’université. J’admirais la résignation de ces derniers, qui devaient bien se douter que la plupart d’entre eux avaient peu de chances d’obtenir un jour des conditions de travail comparables à celles des employés du transport en commun, capables de rester indéfiniment en grève, grâce au… maintien des services essentiels.
À Québec, la cerise sur le gâteau, ce furent les fusions municipales. Pour un parti dont la démarche devrait être essentiellement identitaire, le mépris pour l’attachement des gens à leur ville dépasse l’entendement. Le PQ avait-il vraiment besoin de rayer de la carte autant de villes chargées d’histoire ? La population ne s’est pas résignée. Elle attendait son tour. Agnès Maltais et Christiane Gagnon ont sauvé leurs sièges parce que leurs circonscriptions étaient situées au cœur de la vieille ville de Québec. Elles n’ont pas été affectées par les fusions ou les défusions. Non satisfaits d’avoir éliminé Beauport, Charlesbourg, Sainte-Foy, Sillery, etc., les triomphalistes de l’hôtel de ville ont débaptisé plus de 600 rues. Ils ont allégué une exigence de Postes Canada visant à éviter les doublons, ce qui a été démenti par la suite.
Aujourd’hui, les économies d’échelle se traduisent par des hausses de taxes. Or, le déclenchement des dernières élections coïncidait avec l’arrivée des nouveaux comptes de taxes et, forcément, avec les avis d’augmentation de loyer. Où est le mystère ?
Les péquistes ont payé pour des fusions improvisées et imposées ; les libéraux, pour avoir piégé les gens avec leur mauvais scénario de défusions.
Les uns et les autres ont l’air fou et les gens en ont ras le bol.
Le mystère du Québec ou celui de Montréal ?
Ce qui paraissait être le mystère de Québec a pris les allures d’un feu de brousse. En quelques heures, il est devenu, le 26 mars, le mystère du Québec. Il s’est arrêté aux portes de Montréal. Pourquoi ?
Personne n’ose donner l’heure juste. Montréal est au bout de ses ressources. Elle a l’indice de pauvreté le plus élevé au Canada pour une ville de sa taille ; elle paie ses fonctionnaires plus de 25 % au-dessus de ce que touchent, pour des fonctions équivalentes, les autres employés des divers secteurs publics au Canada. Et il semble bien qu’il y ait en outre passablement trop de fonctionnaires. Que dire de ce mystère de Montréal ?
Le PQ est conscient de la situation. Jadis, M. Lévesque en était fort préoccupé. En 1980, il a provoqué une réforme de la fiscalité municipale qui avait dégagé une importante marge de manœuvre financière pour l’ensemble des municipalités. Celle-ci a fondu le temps de le dire. En effet, le PQ avait oublié de donner aux municipalités de vrais pouvoirs de négociation. Les conventions collectives ont tout avalé. Au départ, il y avait du rattrapage à faire, mais une fois l’élan donné, plus moyen de l’arrêter.
À l’heure actuelle, la grande question est la suivante : que pourront bien inventer les cols bleus, les pompiers, les policiers pour bonifier leurs prochaines conventions collectives, tant à Montréal qu’à Québec ? Pauvres chefs syndicaux ! Que de problèmes !
Cette même réforme de 1980 avait limité le pouvoir de taxation des commissions scolaires à 6 %. Il est aujourd’hui à 35 %, sans compter la hausse vertigineuse de la valeur foncière. Apparemment, il n’y a que l’ADQ qui a vu le ridicule de cette situation.
Exit la souveraineté ?
Faut-il encore parler de souveraineté ? À mon avis, plus que jamais. Les gouvernements successifs se sont installés dans la dépendance. Ils ont perdu l’esprit d’initiative, le sens de l’innovation. Les gens les imitent. Ils revendiquent. Ils protestent. Ils sont devenus passifs. Nos leaders ressortent le bonhomme sept heures et mettent au rancart le discours nationaliste fondé non sur une ethnie, mais sur un passé, une histoire commune.
Le PQ gagnera la prochaine élection si son chef, quel qu’il soit, sait écouter les gens, s’il sait leur parler, leur rappeler le sens des responsabilités et les inciter au partage. S’il leur parle non de référendum, mais de souveraineté. Surtout, s’il renoue avec une approche identitaire.
Le Québec est entré dans une forme de torpeur, de résignation, de paresse. Le moindre effort est devenu la règle. On s’invente des épouvantails à moineaux comme la médecine à deux vitesses ou le paradigme d’Hérouxville.
C’est un mauvais moment à passer. Dans l’immédiat, la balle est dans le camp syndical. Si on ne se bat pas pour une vraie solidarité, une meilleure productivité, si on n’accepte pas de petits sacrifices dans l’intérêt commun, on peut faire une croix sur l’avenir du Québec, faire une croix dans la mesure, bien sûr, où les musulmans et les juifs l’autorisent.
Archives pour la catégorie Opinion
Le livre numérique [1]
À ne pas manquer, une vidéo présentant le livre comme une nouvelle technologie.
En danois (suédois ? norvégien ?) sous-titré anglais.
Des chiffres et des lettres [1]
Il est commun de dire que la plupart des auteurs ne tirent qu’un faible revenu sur la vente d’un livre. Rappelons rapidement le partage du prix de détail lors d’une vente en librairie : 40 % au libraire, 15 % au distributeur, 10 % à l’auteur et donc 35 % à l’éditeur.
Réglons tout de suite les questions ou préjugés sur cette répartition. Les libraires vivotent, le distributeur est solidaire de l’éditeur et espère ne pas avoir trop d’invendus donc de retours. L’éditeur doit, sur un premier tirage, payer toute la production, dont l’imprimeur qui ramasse 20 % du prix de détail, ne laissant qu’un maigre 15 % pour le reste.
Bref, personne ne fait beaucoup d’argent. Mais personne n’est malheureux non-plus !
Après cette longue introduction, rentrons dans le vif du sujet : Internet. Le nouveau Far West, où tout est permis. Où tout est gratuit. Où devrait l’être. Où ce qui ne le devrait pas l’est tout de même.
La plupart des éditeurs observent encore ce médium sans oser y plonger. Certains y voient un nouvel Eldorado : l’accès à un marché mondial devant générer d’intéressants revenus. D’autres n’y voient que le pillage de leur fonds par des individus sans scrupule.
Par contre tous font face aux mêmes demandes : celles des collèges et universités qui développent leurs activités en ligne. Que ce soit pour créer une bibliothèque virtuelle ou pour dispenser des cours à distance, ces institutions demandent de plus en plus d’avoir accès aux documents numériques plutôt qu’aux bons vieux livres en papier. Mais quelle valeur faut-il donner au virtuel ?
Reprenons le prix de détail. Celui-ci est fixé par l’éditeur qui sait pouvoir travailler avec une marge de 35 %. Évidemment, dans le cas d’une vente numérique, exit les intermédiaires : plus de libraire, plus de distributeur et plus d’imprimeur. Quelques factures qui, normalement, devraient avoir été amorties par les ventes régulières. Vœux pieux.
La plupart des contrats d’édition prévoient le partage à parts égales des droits dérivés d’un livre, donc en principe des ventes numériques. 50 % pour l’éditeur, 50 % pour l’auteur. De part et d’autre, on se frotte les mains. Sauf que…
[à suivre]
La Belgique éclate
Mercredi 13 décembre, 20h15. La Flandre déclare son indépendance. Le roi Albert II est en fuite. Le parlement wallon est sonné. On assiste à des scènes de liesse populaire à Anvers, capitale culturelle de la Flandres. Bruxelles, ex-capitale nationale mais aussi capitale politique de la Flandre est en état d’alerte. Les Flamands tenteront-ils d’annexer la ville ? Les élus bruxellois sont en réunion de crise. Le siège de l’OTAN est immédiatement protégé par les forces armées. Les routes sont paralysées, les avions sont détournés. Les ambassadeurs et consuls étrangers propagent la nouvelle dans leurs pays respectifs. La population assiste impuissante et en direct à l’éclatement de son pays.
Telle était la teneur de l’émission spéciale diffusée sur les ondes de la RTBF. Il s’agit évidemment d’un canular qui a duré près d’une heure et demie. Les centres d’urgence ont été inondé d’appel. Pendant 90 minutes se sont succédés journalistes, hommes politiques ou personnalités médiatiques pour commenter l’éclatement du plat pays. Tous de connivence.
Si la question de l’unité nationale doit être débattue en Belgique, la façon brutale de l’amener en a choqué plus d’un, dont la grande majorité de la classe politique. L’administrateur de la RTBF devra d’ailleurs s’expliquer au plus tôt auprès de son ministre responsable. La chaîne publique belge a-t-elle dépassé les bornes ?
Ceci dit… Imaginons un instant la même émission passant à 20h sur CBC pour annoncer la séparation unilatérale du Québec. À quelles scènes de démence assisterions-nous ? Ou, au contraire, à quelle indifférence ferions-nous étonnamment face ?
Gilles Herman
Vendre ou ne pas vendre ?
Depuis plusieurs semaines, ma conscience me travaille quant au fait de vendre directement nos livres sur notre site Internet.
Nos livres sont disponibles dans toutes les librairies du Québec, soit en rayon ou sur commande. Dimédia, notre distributeur, répond aux demandes dans des délais très brefs et une commande en libraire ne devrait jamais dépasser les 10 jours.
En offrant de commander les livres sur notre site, montre-t-on un manque de respect envers notre premier allié : le libraire ? L’expérience nous montre que l’on ne s’adresse pas à la même clientèle. Nos commandes partent pour la plupart en région ou à l’extérieur : Canada, États-Unis et Europe.
Bien sûr, nous pourrions du moins rediriger les lecteurs vers une librairie en ligne comme Pantoute, Renaud-Bray,Archambault voir Amazon. Par contre, il faudrait que l’intégration soit parfaite. On ne peut pas demander à un internaute qui a fait sa recherche sur notre site de recommencer chez un libraire virtuel. Faut-il alors favoriser un libraire plus qu’un autre ?
Finalement, le développement d’un site Internet coûte assez cher. Nous sommes fiers de pouvoir dire que nous sommes en ligne depuis 1995. Chaque année, nous apportons des améliorations sur notre site. Parfois de petits changements, parfois des transformations importantes. Actuellement, les ventes que nous réalisons couvrent l’hébergement, le développement et la maintenance du site. Opération nulle.
La question vaut aussi pour l’ensemble de la profession. Est-il temps de sonner la cloche ?
Si le volume des commandes devait s’accroître, nous irions sans hésitation vers un partenariat avec un libraire. Nous n’avons ni le temps ni l’espace requis pour y faire face, nous préférons mettre notre énergie dans l’édition.
En attendant de trancher, nous continuerons d’offrir ce service. La chaîne du livre est complexe, chacun cherchant à assurer sa rentabilité (pour ne pas dire sa survie) dans un contexte parfois difficile. L’avenir nous annonce l’arrivée et la domination du livre électronique. Le libraire qui a pignon sur rue est-il appelé à disparaître ?
Gilles Herman