Chacun son métier #1

S’il y a une chose que les libraires détestent par dessus tout, ce sont les auteurs qui se manifestent afin de s’assurer de la meilleure visibilité pour leur livre. Tous ne sont pas discrets et subtils, croyez-moi.
La plupart joue au client en demandant leur titre et en nous le faisant chercher. S’il est en stock, il ne se contentera pas d’en être satisfait. Non, il insistera pour le voir, allant même jusqu’à nous faire perdre un temps précieux que nous n’avons pas toujours. Une fois le livre trouvé en rayon ou dans les boîtes, c’est souvent à ce moment qu’il se dévoile (ça, ça me tue!). Ce n’est pas tout, le pire survient ensuite. S’il est dans les boîtes, c’est un sacrilège. Il aurait fallu se précipiter pour le mettre sur les rayons. S’il est déjà placé, ce n’est jamais au bon endroit. Certains vont même jusqu’à nous suggérer où nous devrions le mettre même si ça ne cadre pas du tout avec notre façon de placer les livres. On nous suggère également de le mettre en vitrine. Avant de partir, après l’avoir mis de face n’importe où dans les rayons, on nous invite à en faire de bonnes provisions parce que les médias sont sur le coup.
Il y a ceux qui ne s’adressent jamais aux libraires qui sont parfois notre cauchemar. Après leur petite tournée bidon des librairies, ils appellent leur éditeur pour se plaindre du mauvais traitement réservé à leur livre extraordinaire. Résultat: l’éditeur appelle le distributeur qui semonce le représentant qui tète le libraire pour « accommoder raisonnablement » l’auteur en question. L’odieux nous revient encore une fois alors qu’on aurait du faire comprendre à l’auteur que cette facette du métier nous appartenait.
Il y a aussi les auteurs qui s’adressent directement aux gérants des librairies pour se plaindre sans avoir l’air de le faire en tenant un discours faussement humain du genre qu’il est peiné de voir que son livre n’a pas droit au même traitement que tel autre, que c’est un client de longue date, qu’il aurait espéré, m’enfin, bon!
Je n’ai pas encore parlé des proches des auteurs qui en rajoutent en utilisant les mêmes stratagèmes en nous faisant perdre encore une parcelle de temps précieux. Peut-être davantage car ils vont même jusqu’à nous demander les quantités initiales et les ventes. Elles ne sont jamais suffisantes, évidemment!
Ces comportements franchement désagréables sont le lot presque quotidien des libraires. Le plus choquant, c’est que, dans chacun de ses comportements, le libraire passe toujours pour celui qui ne fait pas bien son travail. Si le livre ne se vend pas c’est parce qu’il n’a pas eu la visibilité qu’il aurait fallu. Oui, c’est toujours la faute aux libraires. L’auteur, lui, semble ne jamais douter de son travail.
Contrairement à ce que semble croire certains auteurs, sachez que le libraire n’est pas con. Si un livre est en demande, il le mettra en évidence et commandera les stocks en conséquence. D’ailleurs, je crois que c’est un peu notre métier que de savoir satisfaire aux demandes des clients, non? Alors, il est où le problème? Je ne sais pas (mais je m’en doute)!

10 réflexions au sujet de « Chacun son métier #1 »

  1. WOW! Cher Éric, sache que les attachées de presse ont droit au même traitement de faveur. L’envoie de courriel pour dire : as-tu pensé à telle personne dans tes médias? C’est parce qu’on s’est déjà vu une fois. Peut-être que si tu lui parles de moi, Et ce genre de message, on peut l’avoir 6 mois après la parution du livre, quand nous sommes dans le jus d’une autre saison. C’est vraiment une perte de temps incroyable! Mais, je comprends ton point de vue. J’ai déjà entendu un auteur dire qu’il allait dans des librairies et si son livre n’était pas en stock, le faisait commander juste pour qu’il soit dans les rayons.
    Ils nous tuent!!

  2. Oui mais, oui mais, oui mais…
    Je n’ai encore rien publié, pourtant je sais très bien que si jamais un des bouquins sur lesquels je travaille depuis des années en venait qu’à sortir, je serais incapable de lutter contre cette curiosité. Je n’aurais pas le culot de dire à d’autres comment faire leur métier, mais il faudrait que je me retienne à deux mains de demander comment vont les ventes…
    Éric, tu as fais les deux, publié et vendu, n’as-tu pas aussi eu l’envie de placer tes livres plus en évidence?
    Salutations berlinoises!
    Simon

  3. Ha!Ha1Ha!
    J’ai fait le tour des librairies en fin de semaine pour voir la visibilité des livres ou plutôt des oeuvres du Septentrion, en ce début de la période des fêtes……….
    Ce matin j’ai raconté mes visites à mon directeur ainsi qu’à ma chargée de projet préférée….Après avoir écouté mon monologue d’une durée de 5 minutes, mes deux auditeurs me répondirent en coeur: As-tu lu le blogue d’Éric Simard? Va le lire.

  4. Mon cher Simon, je répondrai ceci à ta question pertinente: c’est normal de vouloir savoir si les ventes se portent bien. C’est normal d’aller voir en rayons si notre livre s’y trouve. C’est aussi normal que de vouloir la meilleure visibilité possible. Tous les livres ne peuvent pas bénéficier du même traitement et c’est à partir de cette constatation que les librairies sont libres de présenter les livres comme ils l’entendent, que l’on soit d’accord ou non avec leur vocation. Moi, comme auteur, quand j’entre dans une librairie, je vais discrètement au rayon pour voir si mon livre s’y trouve. Je suis content quand je le vois sur les tablettes. Sinon, c’est correct. Ils ne sont pas obligés de tenir mon titre en quantité ou en fonds. Je suis un auteur parmi tant d’autres pour eux. Si un client le désire vraiment, il le fera commander pour lui. S’ils sont plusieurs à le commander, la librairie décidera peut-être de lui faire une place dans leur fonds. Conclusion: il faut accepter les règles du jeu en faisant preuve d’humilité et espérer que notre livre puisse se démarquer des autres! Un livre finit toujours par trouver le public qu’il a à rejoindre, ça j’en suis convaincu.

  5. J’ai moi-même publié avant d’être éditrice. Oui à l’époque, j’ai eu le réflexe d’aller voir où mon livre était placé sur les tablettes, mais je n’ai jamais demandé aux libraires de le mettre plus en évidence, je ne suis pas Pennac ou Lacoursière que diable… Il faut croire que j’étais et que je suis encore réaliste, sans être pessimiste.

  6. Même les bons vendeurs viennent tout de même faire leur tour pour flairer les ventes.
    Je repense à un Josélito Michaud complètement surréel qui nous avait surpris l’été dernier, alors que son livre marchait très fort dans toute la province.
    J’imagine qu’il est normal pour un auteur de se questionner sur l’état des ventes de son livre, mais j’en ai marre d’avoir affaire à des auteurs grognons et à des représentant qui exigent des choses totalement inutiles ou ridicule,ou pire: les deux.
    Chq

  7. Oui, bon, c’est sûr, il y aura toujours des auteurs pour taper sur tous les clous possibles, du libraire (pcq son livre n’est pas en vitrine), à l’attaché(e) de presse (pcq son livre n’est pas en une, et s’il a la une, pcq la critique est mauvaise), en passant par le représentant (meuh non! tout le monde aime les représentants!). Mais il y a aussi tous les autres qui au détour d’une conversation lancent des éloges aux libraires qui, oh! surprise, ont placé leur titre en vitrine, les tiennent en quantité (le nouveau, les anciens et l’autre obscur) et vont même jusqu’à en vendre ! J’en ai justement croisé un hier de cette race.

  8. Mon premier bouquin doit arriver en librairie dans trois jours… je suis tombé sur cette chronique juste à temps! Je promets d’être d’une grande discrétion.
    Martin

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