Il faut qu’on parle de Kevin

Ça fait plus d’une semaine que j’ai terminé la lecture de ce livre et je suis encore sous le choc. Mes réactions ne sont qu’émotives lorsque je viens pour en parler. Je cherche mes mots. Aucun ne semble adéquat. C’est rare qu’une lecture me fait cet effet. Je me souviendrai toujours de la confession sans concession d’Éva, cette mère d’un jeune adolescent responsable d’une tuerie à son école. Elle prend à témoin son ex, le père de Kevin, en lui adressant des lettres dans lesquelles elle cherche à comprendre le geste de leur fils. La tuerie est le prétexte idéal pour parler de nos sociétés modernes sclérosées, de notre quête existentielle (ou la perte de cette quête).
C’est un direct en pleine gueule que nous envoie Lionel Shriver à travers cette histoire déchirante. Elle ose dire tout ce que l’on ne doit pas dire à une époque en pleine négation de la nature humaine profonde.
En dire plus serait inutile. Il faut qu’on parle de Kevin est un roman exceptionnel, un coup de massue littéraire. Quand j’ai refermé le livre après l’avoir terminé, sonné et ému, je me suis dit que c’était pour faire des rencontres littéraires comme celle-là que j’aimais autant la lecture.
Est-ce nécessaire d’ajouter que c’est le meilleur roman que j’ai lu depuis des années?

26 réflexions au sujet de « Il faut qu’on parle de Kevin »

  1. Je suis presque craintif de le lire après avoir lu tes commentaires. Je pense qu’il ne faut pas lire cela par une journée d’automne pluvieuse comme nous avons de ce temps-ci.

  2. Je vais donner une seconde chance à ce roman suite aux diverses critiques que l’on m’a fait de ce bouqin.
    Je voudrais en profiter pour questionner un phénomène : je vois de plus en plus de livres, des romans pour la plupart, qui sont offerts en primeure aux libraires et aux média. Ils sont clairement identifiés « épreuve non corrigée ». Il s’agit donc du manuscrit non révisé et garroché dans une mise en page sommaire.
    Si le procédé peut -et doit probablement- être un bon coup promotionnel, dans le cas de Kevin la pauvreté de la mise en page m’a carrément fait arrêter la lecture après quelques pages.
    Ammorcer la promotion avant même la sortie en librairie soit, mais il ne faudrait pas trop y sacrifier la qualité du livre au risque d’obtenir une mauvaise impression injustifiée au final.
    Heureusement, le livre proposé en librairie est impeccable.

  3. Dis donc, on s’est raté de peu. En allant chercher du fric, je suis tombé sur Hervé Bouchard et nous avons discuté assez généreusement. Et hop! Stéphanie m’a dit que tu étais reparti à Québec. Quoiqu’il en soit, ce fut chouette de te parler.
    Salutations.

  4. En réponse à Sébastien: Je sais. C’était une visite éclair au Salon que j’ai maximisée au possible. On se reprendra une autre fois. Content de t’avoir brièvement parlé également, bon joueur que tu es!

  5. En réponse à Gilles: les épreuves non corrigées sont une pratique courante aux États-Unis et en France. Au Québec, c’est assez rare. Je ne crois pas que ça puisse devenir un phénomène populaire chez nous. La plupart des libraires détestent lire ces épreuves. Moi, je le fais à l’occasion (c’est le cas avec Kevin) lorsque je suis trop impatient de plonger dans un roman ou lorsque j’ai du mal à mettre la main sur un service de presse. Cela dit, les épreuves non corrigées, à quelques coquilles près, sont tout de même proches du résultat final, bel enrobage en moins.

  6. Quel livre… Pour moi, il fait parti des lectures essentielles. La montée dramatique est spectaculaire tellement elle est bien dosée. Son seul défaut, ce volume ne rend pas son utilisateur joyeux, il peut même créer un sérieux down… Pour ma part, il était temps que je le termine avant d’envoyer une gueulante à n’importe qui.

  7. J’ai lu quelques dizaines de pages, mais on dirait que l’écriture ne m’accroche pas. Le sujet semble intéressant et si j’en crois Éric l’impact du livre est percutant.
    Mais j’ai du mal à embarquer dans l’histoire tellement cette femme parle de choses banales.
    Étant donné la nature du sujet, j’imagine que je m’attendais à du spectaculaire dès le début..
    Ceci dit, je vais persister encore un peu avant de laisser tomber…
    Ch.

  8. Nous sommes d’accord !
    J’ai lu avec intérêt les commentaires laissés sur ton blog. Quel dommage que le style de Shriver ait découragé certains lecteurs ! La force extraordinaire de l’histoire vaut pourtant largement la peine qu’on s’ accroche un peu !

  9. J’ignorais que cette pratique, c’est-à-dire la lecture d’épreuves, existait auprès des libraires, seulement avec quelques critiques. J’espère que ça ne prendra pas d’ampleur ici, car je crois qu’il y a trop de bons livres, publiés dans leur forme finale, qui ne seront malheureusement jamais lus par les libraires. Pourquoi en plus leur opposer cette sorte de concurrence plutôt déloyale ?

  10. J’ai terminé la lecture de « Il faut qu’on parle de Kevin »: quel livre « coup de poing ». Le récit est très dur, on y fait beaucoup le procès de la culture américaine (ce qui y est dit dépeint très bien la situation actuelle). J’étais un peu désabusé par contre de ce négativisme rendu au 7/8 du livre mais la fin m’a estomaqué et m’a réconcilié avec la narratrice. Un roman écrit d’un souffle à mon avis puisque tellement bien articulé . Mon souhait: qu’il gagne le Prix des libraires afin qu’il soit plus connu puisque c’est un très bon livre malgré sa dureté. On ne peut pas toujours faire dans le mielleux et le facile. Bravo pour l’auteure.

  11. J’ai été moi aussi ébranlée par ce livre ayant une histoire personnelle de mère qui n’a pas vu son fil depuis quatre ans et dont je me suis beaucoup inquiétée.Je pensais cependant qu’on pouvait être cruel que lorsqu’on avait été maltraité dans son enfance. Je me demande si des parents comme ceux qu’a eus Kevin dans le roman peuvent avoir un fils comme lui dans la vraie vie…

  12. Ce livre m’interesse depuis sa sortie. Il est donc dans ma liste. Le hasard des rencontres et des décisions de lectures font qu’il n’est toujours pas dans ma pile. Ton commentaire me fait dire que c’est une erreur, surtout que ce que j’ai lu cet été ne m’a pas laissé de grande claque émotionnelle !

  13. Ce roman est paru en Fance en septembre 2006, et j’en garde encore de très fortes émotions. Et plus encore que les événements autour de Kevin et de sa personnalité, je garde en mémoire ces formidables lettres d’amour d’une femme à son ancien mari, qu’elle a semble-t-il perdu à jamais.

  14. J’ai acheté ce livre par hasard car il faisait écho pour moi à mon propre vécu(un garçon difficile mais aimé, une méfiance chronique des garçons, une petite soeur dont le 2ème prénom est Célia, un bras cassé sur un banal caprice…)résultat je continue ma lecture(j’ai déjà lu la fin) avec une boule au ventre…quelle prise de recul par rapport à son propre fils…j’aurais presque pu l’écrire…c’est vraiment un très bon livre toutefois et gardons foi en l’avenir

  15. je suis pratiquement a la fin du livre. Je connais le denouement mais je me suis pris effectivement une claque quant au cote « affectivement » incorrect de ce livre… Il y a tant de choses que je connais bien dans l’histoire de cette mere et de son fils. l’issue, en fait, n’est pas le coeur du sujet (quand bien meme celle-ci est indeniablement dramatique) le coeur, c’est qu’une mere dans l’incapacite d’aimer un de ses enfants, provoque des degats irreversibles. Ce fut mon cas. Ma fille est morte l’annee derniere d’un « accident de la route » a 20 ans. Il s’agit, apres, de vivre avec et d’assumer… En tout cas, bravo pour ton commentaire ; je suis tout a fait d’accord dans le fait qu’on n’ose plus parler de la nature profonde des hommes. On prefere se distraire… Si j’avais quelque talent d’ecrivain, j’en aurais des trucs a raconter….

  16. terminé hier. livre éprouvant et envoutant. une écriture magnifique exceptionnelle et je suis une grande lectrice!!!
    que lire après ce livre là???? je pense qu’il faut rester quelques temps en repos de lecture de nouveaux personnages!!!
    quel écrivain!!! quels sont ses autres romans ?

  17. Claudine, je comprends tout à fait votre réaction.
    Pour répondre à votre question, Lionel Shriver a fait paraître au moins 7 romans aux État-Unis. En français, seul celui-ci a été traduit.

  18. merci eric. mais comme il est impossible de rester seul (sans livre) et l’anglais littéraire hum hum je commence et m’attache a « la chambre de la Stella » de Jean-Baptiste Harrang

  19. J’ai terminé il y a 8 jours la lecture du livre de Lionel Shriver. J’ai été scotchée et le mot est faible. L’auteur a eu le courage de mettre à nu tous les sentiments ambivalents d’une mère qui constate que son enfant n’est pas comme les autres, qui en a peur, et qui doute que le pire puisse arriver. Eva est très intuitive et a une finesse d’analyse des comportements des gens qui l’entoure remarquable. Eva est une femme aimante qui observe son petit monde mais c’est une mère démunie et terrorisée.
    Ce qui a frappé mon âme de lectrice (je lis beaucoup) et surtout de mère, est la narration qui petit à petit fait prendre conscience de l’immense solitude de cette mère en souffrance et en détresse.
    La force de l’auteur a été d’adapter le style et la narration à l’histoire qui tient en permanence le lecteur dans l’expectative et la stupéfaction.
    Quant à la chute, elle est terrible.
    Ce livre unique est épuisant à lire de par son impact psychologique. Je n’ai jamais rien lu de pareil et il m’ a été indispensable de passer ensuite a un livre léger
    J’ai adoré mais j’ai été terrorisée, je ciblerai les personnes auxquelles j’en conseillerai la lecture.
    Bravo à l’auteur.

  20. Je lis vos commentaires et je me demande si je suis la seule à trouver un certain misérabilisme dans cet ouvrage. Éva est victime et ne fait rien pour s’en sortir. Pourquoi ne pas retourner au travail et laisser Kevin à son père (qui soit dit en passant est d’une nullité incommensurable). Pourquoi subir cette maison qu’elle déteste? Il y a tellement de trous dans ce roman, tellement de choses qui tombent à plat (qu’est-il arrivé après la séance du fusil à l’encre dans son bureau?). Qu’elle a été la réaction du père et de la mère? Rien. De plus,à la fin, je n’ai pas trouvé ses références concernant la maladie mentale. Est-elle psychiatre? Y a-t-il eu une documentation quelconque? On nous propose au premier tiers du livre une femme pouvant analyser les relations de son couple. Elle a une introspection soutenue de ses émotions. Et après, plus rien. Une femme sans ressources et complètement isolée. Je ne peux pas embarquer dans cette folie. Toutefois, elle un talent littéraire incontestable.
    VAVA

  21. Je réponds à Vava après quelques mois de recul par rapport à la lecture de ce livre.
    L’auteure a choisi ses personnages et leur personnalité propre. Je ne sais quelles sont ses sources et peu m’importe.
    Il ne peut y avoir de référence psychiatrique dans ce roman concernant la maladie mentale puisque tout dans ce livre rapporte au quotidien la vie d’une famille vivant en autarcie. En effet, ou sont les médecins psychiatres ? quel rôle joue l’entourage de cette famille ?
    Je ne sais pas d’où l’auteure tient ses sources quant au vécu quotidien d’une telle folie, mais Vava je rebondis tout de même à votre phrase : « je ne peux embarquer dans cette folie « .
    Quand elle se présente chez vous , vous êtes de toute façon embarqué(es).
    Personne ne peut prétendre avoir les outils nécessaires pour faire face. C’est une grosse tempête familiale.
    Elle met l’entourage dans des situations émotionnelles qui passent par la l’incompréhension, l’inacceptation, la culpabilité, la peur de ce qui est impalpable et insaisissable. Et si l’on ne peut sortir de ces affects par une aide extérieure, l’auteure décrit tout à fait la vie quotidienne autour de Kévin qui est le centre de la famille et qui la met en sidération.
    Vava, Pourquoi ? C’ est un terme qui revient de façon récurrente dans votre commentaire.
    J’aurai tendance à répondre que ça n’est pas si simple. Les parents qui vivent cette situation sont les meilleurs référents en psychiatrie. Dans ce genre de pathologie, les psychiatres aident mais ne vivent pas le quotidien.
    Pour terminer je dirai que ce livre est pur, c’est à dire épuré de tout ce qui est extérieur au vécu dans la famille au quotidien. Je le prends comme tel. C’est en cela qu’il est intéressant. Il raconte la folie à la maison et ses répercussions jusqu’à l’extrême.
    Je ne me complairerai pas à le relire. Il suffit d’une fois.C’est un témoignage.

  22. J’ai été très touchée par le témoignage de Sylvie et je pense qu’elle devrait écrire ou faire écrire son histoire, pas forcément pour la publier, mais en tout cas pour elle-même. C’est l’actualité récente avec deux tueries de jeunes hommes qui m’a poussé à rechercher des commentaires sur ce livre dont j’ai entendu parler à sa sortie, mais que j’ai peur de lire car, comme Sylvie et Christine, il me touche de trop près. Il y a 20 ans, un rendez-vous manqué avec la maternité et le bonheur que j’en attendais. Maintenant, un fils qui ne va pas toujours bien, une relation mère-fils encore ambivalente, une vie entre espoir et craintes sur son avenir, une culpabilité indéracinable qui gâche toute joie. Et beaucoup de questions. Peut-être que partager ces questions (sur la société, la maternité, la paternité, le féminisme, l’influence des jeux vidéo) serait une bonne chose ? Car nous autres parents ou futurs parents sommes tous beaucoup trop seuls par rapport à ces questions de société dont les enjeux sont immenses. Personnellement, lors de la naissance de mon fils, j’étais terriblement seule dans ma tête malgré un mari aimant. Il faudrait pouvoir transformer la culpabilité en une réflexion utile et constructive. Je suis ouverte aux suggestions.

  23. Vava, pour ma part votre question: Pourquoi? n’a pas de réponse formelle. Cette question fait partie intentionnellement du livre. Des choses terribles arrivent dans bien des maisons, pourtant comment affirmer que les personnes qui les subissent sont à 100% saints ou à 100% monstres? La culpabilité tient une grande place dans le livre justemment puisqu’Eva sait qu’elle n’a pas fait ces devoirs. De plus des références concernant la maladie mentales sont absolumment inutile dans un roman, qui est une oeuvre de fiction.

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