Il est commun de dire que la plupart des auteurs ne tirent qu’un faible revenu sur la vente d’un livre. Rappelons rapidement le partage du prix de détail lors d’une vente en librairie : 40 % au libraire, 15 % au distributeur, 10 % à l’auteur et donc 35 % à l’éditeur.
Réglons tout de suite les questions ou préjugés sur cette répartition. Les libraires vivotent, le distributeur est solidaire de l’éditeur et espère ne pas avoir trop d’invendus donc de retours. L’éditeur doit, sur un premier tirage, payer toute la production, dont l’imprimeur qui ramasse 20 % du prix de détail, ne laissant qu’un maigre 15 % pour le reste.
Bref, personne ne fait beaucoup d’argent. Mais personne n’est malheureux non-plus !
Après cette longue introduction, rentrons dans le vif du sujet : Internet. Le nouveau Far West, où tout est permis. Où tout est gratuit. Où devrait l’être. Où ce qui ne le devrait pas l’est tout de même.
La plupart des éditeurs observent encore ce médium sans oser y plonger. Certains y voient un nouvel Eldorado : l’accès à un marché mondial devant générer d’intéressants revenus. D’autres n’y voient que le pillage de leur fonds par des individus sans scrupule.
Par contre tous font face aux mêmes demandes : celles des collèges et universités qui développent leurs activités en ligne. Que ce soit pour créer une bibliothèque virtuelle ou pour dispenser des cours à distance, ces institutions demandent de plus en plus d’avoir accès aux documents numériques plutôt qu’aux bons vieux livres en papier. Mais quelle valeur faut-il donner au virtuel ?
Reprenons le prix de détail. Celui-ci est fixé par l’éditeur qui sait pouvoir travailler avec une marge de 35 %. Évidemment, dans le cas d’une vente numérique, exit les intermédiaires : plus de libraire, plus de distributeur et plus d’imprimeur. Quelques factures qui, normalement, devraient avoir été amorties par les ventes régulières. Vœux pieux.
La plupart des contrats d’édition prévoient le partage à parts égales des droits dérivés d’un livre, donc en principe des ventes numériques. 50 % pour l’éditeur, 50 % pour l’auteur. De part et d’autre, on se frotte les mains. Sauf que…
[à suivre]
7 réflexions au sujet de « Des chiffres et des lettres [1] »
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D’un côté il y a les artisans et de l’autre la grosse machine commerciale. Au départ, on pourrait se demander pourquoi le producteur (ici, l’auteur), reçoit 10 % sur les ventes de ses propres livres, alors que « l’industrie du livre » retire 90 % des ventes sur l’ensemble de tous les livres vendus au Québec. Mais là n’est pas la question, me direz-vous. Mais pourtant…
Ce qui m’inquiète dans cette problématique est que l’artisan devient un être négligable par rapport aux intérêts de la machine commerciale. L’artisan est certes protégé par ses droits d’auteur et son contrat d’édition. Mais la loi sur le droit d’auteur ne le protège guère face aux nouvelles technologies qui exploiteront son oeuvre. Il a aussi dû accepter les clauses de son contrat d’édition pour être publié. Une anecdote à ce sujet, il m’est arrivé de signer un contrat d’édition avec un éditeur (qui n’était pas Septentrion) qui ne publiait pas mon livre. Moi, je n’étais plus libre de disposer de mon manuscrit alors que l’éditeur était certain que personne d’autre allait me publier et attendait de voir comment j’allais réagir… Mais là n’est pas encore la question, me direz-vous alors. Et vous avez raison. Alors venons-y.
L’éditeur évalue la rentabilité d’un manuscrit et décide de publier. S’il a bien évalué la chose, après quelques années de vente, il aura fait ses frais et peut-être un petit profit. S’il vend le livre à un producteur qui le remet en vente dans Internet, la somme que l’éditeur recevra sera un deuxième profit. Ce montant, sur un seul livre sera assez minime et l’auteur recevra pareil montant. Par contre, si un auteur publie un livre à tous les cinq ans et que l’éditeur publie 50 livres par année…
Bref, personnellement, à titre d’auteur, je n’ai guère grand profit monétaire à tirer de la présence de mes livres dans Internet. S’il y a de l’argent à faire, ce n’est pas moi qui en ferai beaucoup. Par contre, j’écris pour être lu et, alors, vive Internet…
C’est vrai que l’auteur touche très peu par rapport au reste, par contre, il ne prend aucun risque financier.
Une fois de plus, ces chiffres démontrent clairement la fragilité de la chaîne du livre. On parle du « libraire », mais encore faut-il que les livres soient achetés dans une librairie. Si les consommateurs ne font pas attention, c’est ce maillon de la chaîne qui risque d’en souffrir le plus. D’ailleurs, sans être alarmiste, ça pourrait survenir plus vite que l’on pense.
Le principe « d’acheter, c’est voter » ne s’applique pas seulement dans le domaine écologique. Il s’applique dans tout ce que l’on consomme.
Les consommateurs ont leur mot à dire, mais les distributeurs et les éditeurs également. Après tout, ce sont eux qui acceptent que leurs livres soient vendus dans les COSTCO et autres endroits du genre. À long terme, cette pratique peut s’avérer dangereuse et tout le monde y perdra au change.
M. Larin vous avez bien raison, l’artisan devient quantité négligeable. C’est même pire : le contenu devient négligeable devant le contenant. Je vais y arriver dans mon prochain billet.
Par contre, en ce qui concerne l’exploitation d’une oeuvre, l’éditeur a le devoir de non-seulement publier ladite oeuvre pour laquelle il a acquis les droits, mais il est aussi dans l’obligation de la tenir disponible.
Le contrat utilisé au Septentrion est sans équivoque :
15. L’E
Qu’un livre soit en vente chez Costco et cie passe encore, pour autant qu’il l’ait été aux mêmes conditions qu’aux librairies. Par contre, l’éditeur (ou le ditributeur) qui octroie une sur-remise à ces magasins se tire effectivement une balle dans le pieds. La solution passerait par une légifération sur le prix unique. Mais ça, c’est un autre débat !
Bonjour,
Pourquoi n’avons nous pas cette loi de prix unique au Québec ?
Cette question anodine est en fait assez complexe. Pour rester simple, disons que le milieu littéraire est plutôt en faveur du prix unique tandis que les politiques pensent (comprendre « se sont fait dire ») que cela réduirait l’accès à la culture.
J’aborderai la question plus en profondeur dans un prochain billet.
Pour mieux comprendre le monde du livre au Québec, je vous conseille le bouquin de Denis Vaugeois : L’Amour du livre.
Petit commentaire. On nous dit que l’éditeur garde environ 35% et qu’avec cette proportion il paie l’imprimeur ( env. 20%). Il serait bon d’expliquer où va l’autre 15% Il est bin connu que souvent la vente totale d’un premier tirage ne permet pas de régler tous les frais. Un éditeur accepte plusieurs manuscrits sans espoir de profits et de même les auteurs rêvent de succès d’estime. Un livre bien réussi est une extraordinaire carte d’affaires. Il ouvre bien des portes.