Chacun son métier #10

Le milieu du livre au Québec s’est déjà mieux porté. Est-il en crise réelle ou simplement en mutation ? L’un force l’autre d’après moi et il faudra s’ajuster en conséquence. Il y aura des perdants et des gagnants, c’est la loi du marché. Actuellement, ma grande crainte est de voir disparaître les bons éditeurs au profit de l’édition commerciale. Ce serait dommage pour les vrais amateurs de livres.
Si l’édition commerciale a tant pris de place au cours des dernières années, c’est parce qu’on a voulu démocratiser le livre en le rendant accessible au plus grand nombre. On l’a d’abord sorti des librairies et on en a disséminé un peu partout pour être bien certain que Monsieur et Madame Toutlemonde ne puissent avoir aucune raison de ne pas en acheter en faisant leur épicerie, en magasinant leurs vêtements et en allant chercher leur prescription à la pharmacie. Non seulement on a mis le livre sur leur route sans leur montrer la bonne, celle qui mène aux librairies, on les a appâtés en leur offrant « des bas prix de tous les jours » auxquels ils n’ont pu résister. Comme la stratégie a bien fonctionné, on a commencé à façonner de l’édition grand public en publiant n’importe quoi en autant que ça vende.
On a aussitôt vu le marché inondé de sous produits ressemblant pourtant à des livres. Ils en ont la forme et l’apparence, mais n’en ont pas la qualité, du moins celle digne des bons éditeurs soucieux d’offrir un contenu de qualité aux lecteurs. La recette est fort simple : on surfe sur les idées à la mode autant dans le roman que dans le livre pratique, on imprime en Chine et on les destine aux grandes surfaces. Le but n’est que de vendre pour vendre. Comme ce sont, en apparence, des livres, ces sous produits se retrouvent également dans les libraires aussi indépendantes soient-elles, ce qui laisse de moins en moins de place sur les tablettes pour l’édition de qualité.
C’est dommage qu’au Québec le livre soit devenu une course à l’argent dans un domaine où il n’y en a pas tant que ça à faire. On a saturé le marché et on est en train de dénaturer la fonction première du livre en publiant de la cochonnerie à tour de bras. À long terme, ça me fait peur. J’ai peur que les vrais lecteurs qui cherchent à lire des livres intelligents et bien édités n’aient plus rien pour satisfaire leur esprit avide de connaissances et de belles rencontres littéraires. J’ai peur que ces mêmes lecteurs désertent de plus en plus les librairies à force d’avoir l’impression de ne plus y trouver leur compte.
Démocratiser le livre est peut-être une bonne chose en soi, mais le prix à payer est probablement trop élevé. J’aimerais qu’on le ramène à sa place, dans les librairies et qu’il retrouve ses qualités et surtout le lectorat qu’il mérite.
Mon discours est élitiste et je l’assume entièrement.
Prochain billet : la « glamourisation » du livre

Une réflexion au sujet de « Chacun son métier #10 »

  1. Les éditeurs sont très inégaux. Certaines maisons n’ont aucune réelle direction littéraire, à peine de la correction. La lecture en devient très pénible. La baisse de qualité de certains livres nuit aux autres.
    Ça nuit aux lecteurs, on nivèle par le bas et ça nuit aussi aux auteurs. J’ai envie de dire les vrais (et je m’inclus là-dedans, bien sûr :-p)
    Et comme Élisabeth Tremblay parle sur son blog, le prix des livres au Québec augmente beaucoup. Les bons livres deviendraient hors de prix… encore moins accessibles?

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