Consciemment ou inconsciemment, les gens sont influencés par un certain nombre de mythes traditionnellement véhiculés dans notre société qui les prédisposent à accepter la démocratie élective malgré toutes ses déficiences. Voici quelques-uns de ces mythes :
- les politiciens se lancent en politique parce qu’ils veulent servir leurs concitoyens;
- les dirigeants politiques ont à cœur les intérêts de l’ensemble de la population;
- les individus qui contribuent aux caisses électorales le font pour soutenir des idées;
- les décisions des gouvernements sont dictées par le bien général;
- les parlements votent des lois qui sont à l’avantage de toute la collectivité;
- en politique, personne ne possède la vérité; les opinions des uns valent les opinions des autres;
- de la même façon que les clients ont toujours raison, le verdict des électeurs est indiscutable.
Il y a bien sûr une part de vérité dans les mythes, mais ces énoncés sont tout de même erronés :
- les politiciens se lancent en politique parce qu’ils veulent servir leurs concitoyens : c’est d’abord l’ambition personnelle qui motive les politiciens;
- les dirigeants politiques ont à cœur les intérêts de l’ensemble de la population : pour se faire élire et réélire, les dirigeants se doivent avant tout de répondre aux souhaits de leurs supporteurs;
- les individus qui contribuent aux caisses électorales le font pour soutenir des idées : les gens qui appuient financièrement les partis ou les candidats le font dans l’espoir d’obtenir des faveurs en retour;
- les décisions des gouvernements sont dictées par le bien général : les décisions gouvernementales sont presque toujours influencées par les groupes de pression;
- les parlements votent des lois qui sont à l’avantage de toute la collectivité : les lois et les règlements font toujours des gagnants et des perdants; les gagnants sont ceux dont les dirigeants recherchent les votes;
- en politique, personne ne possède la vérité; les opinions des uns valent les opinions des autres : les politiques publiques ne sont pas une affaire de goûts; les opinions ne peuvent contredire les faits;
- de la même façon que les clients ont toujours raison, le verdict des électeurs est indiscutable : les électeurs ne sont pas infaillibles et prennent souvent de mauvaises décisions qu’ils sont d’ailleurs les premiers à regretter.
Si les gens cessaient de croire à ces mythes, ils réclameraient bien vite une transformation radicale du système politique.
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Les qualités pour gouverner
Les politiciens devraient idéalement posséder deux types de qualités bien différentes : celles qui sont nécessaires pour se faire élire et celles qui sont requises pour gouverner. Il n’est pas facile de trouver toutes ces compétences chez un même individu.
Les électeurs se laissent avant tout impressionner par les atouts qui permettent aux politiciens de s’affirmer dans les jeux politiques : une bonne image à la télévision, les talents oratoires, le charisme, la capacité d’inventer des formules choc, le sens de la répartie, l’aptitude à concevoir des stratégies pour piéger les adversaires, l’instinct de batailleur, etc.
Les politiciens professionnels comme l’étaient Mario Dumont et Jack Layton, par exemple, n’ont jamais démontré qu’ils avaient les qualités nécessaires pour gouverner. Pourtant, une bonne partie de l’électorat était disposée à leur confier les rênes du pouvoir. Il ne viendrait à l’esprit de personne de désigner des gens qui n’ont pas fait leurs preuves à des postes comme ceux de chef d’entreprise, de président d’une société d’État ou de dirigeant d’un organisme public comme la Banque du Canada. Pourtant, les électeurs ne semblent avoir aucune hésitation à prendre ce risque lorsqu’il s’agit de la direction d’une organisation qui compte des milliers d’employés, qui est dotée d’un budget de dizaines de milliards de dollars et qui contrôle des missions aussi importantes que la sécurité publique, la justice, l’éducation et la santé.
La démocratie participative transformerait du tout au tout le processus de sélection des dirigeants politiques. D’abord en éliminant les batailles politiques et l’impératif d’attaquer les adversaires et d’esquiver les coups; ensuite en instituant un processus pour s’assurer de la compétence des personnes choisies pour gouverner. Dans le nouveau système politique, on n’aura plus pour les dirigeants des exigences contradictoires comme celles de vendre un programme politique tout en étant à l’écoute de la population. On ne leur demandera pas non plus d’avoir réponse à tout. Les dirigeants seront jugés essentiellement sur leur capacité d’animer le débat public et sur leur bonne gouvernance.
Les stratégies politiques
Les gouvernements sont portés à élaborer des politiques à courte vue : ils ne voient habituellement pas plus loin que la prochaine élection. Pour les politiciens, tout ce qui importe est de se maintenir au pouvoir. Il faut donc que les gestes qu’ils posent aient rapidement des effets visibles pour les électeurs afin de gagner leur appui le jour des élections. Leur attitude est caractérisée par la devise de nos compatriotes anglophones : The future will take care of itself, l’avenir s’occupera de lui tout seul.
Le gouvernement conservateur de M. Harper semble déroger à cette règle. Il planifie des changements pour 2017 dans les transferts aux provinces pour les soins de santé, ainsi que des modifications au régime de sécurité de la vieillesse à plus long terme encore. Serait-il plus vertueux que les gouvernements précédents ? Pas nécessairement, car un élément fondamental du paysage politique a changé : les Conservateurs se sont donnés pour objectif de devenir «le parti naturel de gouvernement» au Canada, tout comme l’ont été les Libéraux durant la majeure partie du XXe siècle.
Les Libéraux s’étaient positionnés au centre de l’échiquier politique. La division du vote entre le NPD à gauche et les Conservateurs à droite leur permettait de s’imposer. À la fin du siècle dernier, malgré la création du Bloc québécois, c’est la rivalité entre les Conservateurs et le Reform Party qui a permis au parti de Jean Chrétien de former trois gouvernements majoritaires successifs.
Les Conservateurs de Stephen Harper peuvent maintenant compter sur la division du vote entre les Libéraux et les Néo-démocrates pour s’imposer aux élections. Tant que les Conservateurs conserveront l’appui de leur base politique, ils pourront se maintenir au pouvoir, même si cette base politique ne représente qu’une minorité d’électeurs. L’antagonisme entre le parti Libéral et le NPD est en effet si bien ancré dans l’histoire et les idéologies qu’il permettra la prédominance des Conservateurs durant longtemps, car un regroupement comme l’ont réalisé le Parti Conservateur et l’Alliance Canadienne (ancien Reform Party) en 2003 paraît peu probable.
Étant donné que les Conservateurs se voient maintenant au pouvoir pour une période indéfinie, il leur est loisible d’élaborer des politiques leur permettant de se mettre à l’abri de crises futures prévisibles et, en évitant ces crises, d’assurer leur hégémonie.
On constate ainsi un paradoxe : c’est un système de partis dysfonctionnel, puisqu’il empêche l’alternance des partis politiques au pouvoir, qui permet de corriger une déficience fondamentale de la démocratie élective, les politiques à courte vue !
La démocratie élective Made in USA
Les institutions démocratiques américaines ont inspiré beaucoup de gens à travers le monde mais, de nos jours, il s’agit plutôt d’un exemple à éviter. Les problèmes qui affectent le système politique des États-Unis sont nombreux et je me contenterai ici d’en évoquer trois : la partisannerie exacerbée, l’influence des groupes de pression et la prédominance de l’argent.
La partisannerie exacerbée
La politique est dominée par des activistes qui ont adopté des positions idéologiques extrêmes. Par exemple, pour démontrer leur loyauté au parti, les candidats républicains sont incités à prendre l’engagement écrit de refuser toute hausse de taxe (Pledge against raising taxes).
Comme seulement la moitié des électeurs se prévalent de leur droit de vote, de petits groupes de gens qui disposent de beaucoup d’argent et d’une bonne organisation peuvent bénéficier d’une influence disproportionnée. On le voit bien avec le Tea Party. Les élus sont prisonniers de ces fanatiques et sont incités à adopter des positions qui vont parfois à l’encontre des intérêts du pays comme on l’a constaté à l’occasion du débat sur la hausse du plafond de la dette nationale en décembre 2011.
L’influence des groupes de pression
Woodrow Wilson, 28e président des États-Unis, disait en 1912 que le gouvernement des États-Unis était devenu le fils adoptif des intérêts spéciaux. La situation n’a fait que se détériorer depuis. Selon Wikipédia, il y a plus de 34 000 lobbyistes à Washington. Ces derniers interviennent dans toutes les décisions gouvernementales et dans l’élaboration des projets de loi. Lors du débat sur les soins de santé, ils ont réussi à faire retrancher toutes les mesures visant la réduction des coûts, ce qui était pourtant un des principaux objectifs de la législation. Les groupes de pression parviennent à faire triompher les intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général.
La prédominance de l’argent
Les sommes d’argent qui ont envahi la politique américaine frisent l’indécence. La situation était déjà problématique lorsque la Cour suprême a autorisé en 2010 les contributions illimitées des entreprises, des syndicats et de tous les individus et groupes aux Political Action Committees (PACs), à la simple condition que ceux-ci n’aient aucun lien formel avec les partis politiques et les candidats. Les PACs ont ainsi été en mesure de ramasser des dizaines de millions de dollars en vue des élections de 2012. La plus grande partie de cet argent sert à payer des publicités négatives à la TV. Celles-ci ont pour effet de dégoûter encore plus les citoyens de la politique.
Conclusion
Les États-Unis présentent un des pires exemples de démocratie élective dans le monde. On ne peut qu’espérer que les gens réalisent qu’une autre forme de démocratie est possible et qu’ils se débarrassent d’un système qui a pratiquement fait l’unanimité contre lui.
Une révolution dans l’information politique
L’information politique transmise par les médias accorde une grande importance aux querelles entre les chefs et entre les partis politiques, ainsi qu’aux chicanes au sein des partis. C’est ce côté spectacle qui captive les gens, fait vendre les journaux et attire les téléspectateurs. Les enjeux concernant les politiques publiques, par contre, sont traités superficiellement, les médias se contentant le plus souvent de reproduire les déclarations des politiciens et des porte-paroles des groupes de pression.
Les médias sont d’abord préoccupés de rentabilité et n’ont pas une mission d’éducation populaire. Ils traitent les différents enjeux de façon ponctuelle sans se soucier de mettre les choses en contexte et d’éclairer le débat. On ne peut pas compter sur eux pour constituer le fondement d’une opinion publique bien informée.
La démocratie participative propose une véritable révolution dans le traitement de l’information politique. Les Regroupements pour la bonne gouvernance, en effet, ont pour mission de recueillir et de traiter toute l’information nécessaire à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques. Ils constituent des banques d’information et de données, analysent et classent ces renseignements, synthétisent et vulgarisent ce matériel pour faciliter les débats publics. Toutes les études effectuées par les administrations publiques, les universités et les groupes de recherche sont répertoriées et rendues disponibles à ceux qui s’y intéressent. Le développement d’une opinion publique éclairée s’effectue d’abord sur la base de faits et non de déclarations biaisées des politiciens et de propagande orchestrée par les groupes d’intérêts.
Pour s’acquitter de ces tâches, les Regroupements comptent bien entendu sur la participation de leurs membres, mais disposent aussi d’un personnel composé de chercheurs et de journalistes. Ils sont ainsi en mesure non seulement de recueillir l’information et de la rendre accessible aux gens, mais d’organiser et d’animer le débat public en utilisant des instruments tels que les forums hybrides, les ateliers de citoyens et d’experts, les jurys de citoyens et les conférences de consensus.
Ils travaillent étroitement avec les membres des commissions de l’Assemblée nationale et offrent la garantie d’une grande transparence en expliquant les tenants et aboutissants de toutes les décisions gouvernementales, que ce soit en matière de finances publiques, de répartition du fardeau fiscal, d’éducation, de culture, de santé, d’environnement, d’infrastructures routières, d’exploitation des ressources naturelles ou de tout autre sujet d’intérêt public.
Les Regroupements ont le grand mérite de mettre fin au monopole des groupes de presse sur l’information politique. Les gens qui veulent être bien informés ne sont plus à la merci des journaux et de la télévision, mais peuvent disposer d’une information impartiale et complète en visitant le site Web des Regroupements.
Avons-nous besoin d’élites politiques ?
Dans le passé, les électeurs choisissaient des notables pour les représenter dans les parlements fédéral et provincial. Ces personnes – médecins, avocats, notaires, commerçants prospères – étaient considérées comme des élites chargées de guider le bon peuple, plupart des gens étant peu instruits, sinon analphabètes.
La politique n’attire plus autant les notables qui de nos jours sont des gens d’affaires plutôt que des membres des professions libérales. On doit donc se contenter d’élire des gens ordinaires qui, le plus souvent, aspirent à faire de la politique une carrière.
Il n’en reste pas moins que ceux qui sont élus et qui ont la chance de devenir ministres se voient investis d’une mission spéciale et se considèrent comme au dessus de la plèbe, d’autant plus que leur entourage, en plus de les isoler de leurs électeurs, les flattent et les adulent sans vergogne. On ne qualifie plus les ministres «d’honorables» et les premiers ministres de «très honorables», mais beaucoup de gens les perçoivent comme plus grands que nature.
Les gouvernements se voient confier par les électeurs un mandat dont la durée est habituellement de quatre ans et, comme je le souligne dans mon livre, le problème est que la démocratie élective établit une profonde séparation entre les gouvernants et les gouvernés : les élus ont le pouvoir d’agir à leur guise durant toute la durée de leur mandat. Les ministres et en particulier le premier ministre se perçoivent comme des élites chargées de diriger la société. Ils sont bien sûr imputables devant les électeurs, mais pas avant la prochaine élection.
De plus en plus de gens, cependant, n’acceptent pas cette conception de la politique selon laquelle un pouvoir sans droit de regard est donné aux gouvernants. La population, plus instruite et mieux informée, s’estime en mesure de décider elle-même de ce qui est préférable pour la société. La démocratie élective ne lui laisse cependant pas beaucoup d’emprise pour ce faire.
Le concept d’élite politique est dépassé. Peu de gens croient à présent que les dirigeants politiques ont plus de clairvoyance, de discernement, de lucidité, d’intelligence et de jugement que peut en avoir une opinion publique bien informée. C’est pourquoi nous somme mûrs pour la démocratie participative.
La fin du manège (Endgame)
Pour réaliser jusqu’à quel point les gouvernements des pays industrialisés se sont enlisés dans les déficits budgétaires et les dettes, créant ainsi un gouffre dont ils n’arrivent plus à s’extraire, il faut lire le livre Endgame : the End of the Debt Supercycle and How It Changes Everything (John Wiley & Sons, Hoboken, N.J., 2011) écrit par deux experts financiers, John Mauldin et Jonathan Tepper.
Les gouvernements ont profité d’une période au cours de laquelle le crédit était facile et les taux d’intérêts peu élevés pour s’endetter de façon scandaleuse et s’embourber dans une monstrueuse crise financière. On parle beaucoup de ces temps-ci des problèmes de la Grèce, de l’Italie, de l’Espagne, du Royaume-Uni et des États-Unis, mais le pire exemple mentionné dans Endgame est celui de la Lettonie, pays situé au centre des États baltes. Dès 2006, le gouvernement de ce pays s’est vu forcé d’imposer un programme d’austérité budgétaire sans précédent : réduction de près de 50% du salaire des enseignants, coupure de 20% du salaire des fonctionnaires et baisse de 70% de la valeur des régimes de retraite. Cette politique d’austérité a entrainé une effroyable contraction économique de 24% entre 2007 et 2009.
La situation du Québec n’est certes pas aussi préoccupante que celle de la Lettonie, mais les nuages s’accumulent à l’horizon. Selon une étude publiée en février 2010 par le ministère des Finances du Québec et effectuée en utilisant la méthode de calcul de l’OCDE, la dette publique des Québécois atteint 94% du produit intérieur brut (PIB). Le Québec se situe ainsi au 5e rang des pays les plus endettés dans le monde industrialisé. Il est, entre autres, plus endetté que la France (75,7% du PIB), le Portugal (75,2%) et les États-Unis (70%).
Un tel niveau de dette rend le Québec très vulnérable à une récession économique ou à une hausse des taux d’intérêt. Même en l’absence de ces deux menaces, le vieillissement de la population nous rattrapera tôt ou tard et fera exploser les dépenses en matière de santé et de prestations de retraite. Ce n’est qu’une question de temps avant que nous frappions un mur, tout comme la Lettonie et la Grèce.
La crise financière qui affecte actuellement les pays industrialisés est imputable à de mauvaises décisions des gouvernements. La raison de ces mauvaises décisions n’est pas l’ignorance, car les experts de ces gouvernements connaissent très bien les risques des déficits budgétaires persistants et d’un endettement excessif. L’explication se trouve dans l’incapacité des dirigeants élus d’adopter une vision à long terme et de prendre des décisions difficiles. L’impératif de se faire réélire les amène à opter pour les solutions les moins susceptibles de déplaire. Ce n’est que lorsqu’ils sont acculés à une crise qu’ils acceptent de redresser la situation. Mais toutes les solutions possibles sont alors aussi déchirantes et désastreuses les unes que les autres.
Aucune autre démonstration n’est nécessaire pour conclure que la démocratie élective est un mauvais système de gouvernement et que pour parvenir à une bonne gouvernance il est nécessaire d’opter pour une nouvelle forme de démocratie.
Les solutions de facilité
C’est un trait de la nature humaine que de rechercher les solutions les moins fastidieuses et les moins ardues. Ainsi, il est plus facile de regarder la télévision que de lire un livre, de manger du fast food plutôt que de préparer des repas équilibrés et de prendre sa voiture plutôt que de marcher pour de courts déplacements.
Dans le domaine politique, les gens ont tendance aussi à rechercher des solutions de facilité. Les réunions de l’Assemblée du peuple inventées par les Grecs anciens et les longs palabres auxquels s’adonnaient les Amérindiens rebuteraient maintenant la presque totalité des gens. La démocratie élective représente le triomphe de la facilité puisqu’elle n’appelle les citoyens à voter qu’une fois tous les trois ou quatre ans, les résultats étant valides même si seulement un petit pourcentage de gens exercent leur droit de vote.
Par contre, les gens ont la critique facile. Les reproches à l’égard des politiciens ne manquent pas. Certains trouvent là une excellente occasion de se défouler.
La démocratie participative est plus exigeante. Elle impose qu’un certain nombre de personnes s’intéressent activement à un domaine de politiques publiques, s’informent, échangent avec leurs concitoyens sur la base de fait avérés et recherchent des solutions aux problèmes. Certains prétendent qu’il est irréaliste d’imposer un pareil fardeau à des gens qui ont des obligations personnelles et professionnelles. S’ils ont raison et que seule une poignée de gens sont prêts à s’impliquer dans les Regroupements, il est évident que la démocratie participative ne pourra pas fonctionner.
J’estime à 10% la masse critique de participants dans une entité politique comme le Québec pour qu’un débat public puisse s’enclencher et permettre aux divers points de vue de se faire entendre. À partir de ce seuil critique, les délégués œuvrant dans les commissions de l’Assemblée nationale pourraient engager un véritable dialogue avec la population et s’assurer que les solutions mises de l’avant correspondent à l’intérêt général et bénéficient de l’appui d’une opinion publique informée.
Un dicton populaire affirme : «on a les gouvernements qu’on mérite». Si on laisse la politique entre les mains des bailleurs de fonds des partis et des groupes de pression, il ne faut pas se surprendre que l’intérêt général soit mal servi.
Je ne peux qu’espérer que les solutions de facilité ne constituent pas un critère primordial pour la réforme de nos institutions politiques.
La participation politique devrait-elle être rémunérée ?
À l’époque de Périclès, les citoyens d’Athènes recevaient une indemnité pour assister à l’Assemblée du peuple. Plus près de nous, James Fishkin, directeur du Centre de démocratie délibérative de l’Université Stanford, remet un cachet variant entre 100 et 300 dollars aux participants des sondages délibératifs organisés pour obtenir l’opinion éclairée d’une population ciblée.
Des jeunes de la Génération Y (nés entre 1980 et 1999) m’ont fait des commentaires à l’effet que, dans le cadre de la démocratie participative, il serait opportun que les individus qui acceptent de s’impliquer dans les Regroupements soient rémunérés pour leurs efforts. Selon eux, si la population compte sur quelques-uns pour contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques, il n’est que juste qu’elle accepte de payer pour ces services.
Pour les gens de la Génération Silencieuse dont je fais partie, génération dont la réputation était de travailler dur et de n’être pas revendicative, l’idée de payer pour la participation politique est presque immorale. Pour eux, s’impliquer politiquement est un devoir de citoyen.
C’est un fait bien connu que la grande majorité des jeunes ne s’intéressent pas à la politique. S’ils insistent pour être payés lorsqu’ils s’impliquent dans les institutions politiques, il ne faudrait pas le leur refuser sur des bases idéologiques. Comme pour toute question importante, on devra tenir un débat public et s’en remettre à l’opinion de la majorité.
La Génération Y et celles qui suivront sont sans doute celles qui bénéficieront le plus de la démocratie participative. Ces jeunes générations ne partagent pas les valeurs, les attitudes et les comportements des gens plus âgés, mais lorsqu’ils constitueront la majorité de la population, il leur appartiendra de prendre les décisions collectives. Si les gens de ma génération vivent assez vieux pour en être témoins, ils risquent d’être surpris et peut-être choqués. Quoi qu’il en soit, ce sera le fruit de la démocratie.
Le rôle des députés
L’institut Samara a réalisé 65 entrevues auprès d’anciens membres du Parlement fédéral pour connaître leur définition du rôle d’un député. La plupart des personnes interrogées avaient de longs états de service, en moyenne plus de dix années. La conclusion principale qui ressort de ces entrevues est que ces anciens parlementaires ont des visions divergentes du rôle d’un député.
Pour certains, le rôle le plus important est d’étudier les projets de loi, alors que pour d’autres c’est de servir les électeurs en se faisant leur intermédiaire vis-à-vis de l’administration. Très peu ont mentionné la responsabilité de surveiller la conduite des affaires publiques même si, selon les spécialistes de la science politique, il s’agit là d’un rôle important du député.
Le constat le plus surprenant est que la majorité des députés se considèrent en marge du système car, étant donné que le pouvoir décisionnel est concentré dans les mains des ministres, les simples députés se sentent exclus.
Lorsqu’on leur a demandé comment ils mesurent leur réussite dans leurs fonctions, la plupart ont répondu «être réélu». Par conséquent, ils font porter l’essentiel de leurs efforts sur les gestes qui peuvent assurer leur réélection, avant tout les activités partisanes.
Il ne faut donc pas se surprendre du fait que le principal reproche que les électeurs font à leur député est de représenter leur parti auprès de la population plutôt que de représenter les citoyens auprès du gouvernement. Les constats de l’étude de Samara s’appliquent évidemment autant aux députés fédéraux qu’aux députés québécois.
Dans le modèle de démocratie participative que je propose, il n’y aurait plus aucune ambigüité : les membres de la législature auraient pour seul rôle de travailler étroitement avec les membres des Regroupements afin de mettre en œuvre les politiques et programmes qui répondent aux vœux des gens et qui permettent de concrétiser la bonne gouvernance. Les délégués, comme je les désigne, n’auraient plus à se soucier de leur réélection, mais uniquement de travailler dans le sens indiqué par une opinion publique éclairée.