Archives pour la catégorie Littérature

Prix des libraires du Québec 2008 – L’analyse

Je dois commencer par vous avouer que ça m’a fait tout drôle de prendre connaissance de la liste préliminaire puisque pour la première fois en cinq ans, je ne fais pas partie du comité. Évidemment, je ne la regarde pas du même œil que la plupart d’entre vous. En plus, je sais que ce n’a pas du être une liste facile à établir compte tenu du fait qu’aucun titre ne s’est réellement démarqué en 2007 alors que l’an dernier ce fut tout le contraire.
Cela étant dit (comme dirait Pinard), ça donne un résultat surprenant et un peu déroutant qui ne fera pas l’unanimité.
Moi, je la trouve intéressante cette liste si on prend le temps de l’analyser. Elle a quelque chose d’atypique.
Du côté québécois, une bonne majorité des titres est le fruit du travail de nouveaux auteurs. On remarque aussi la forte présence de jeunes maisons d’éditions (ou de collections) sur la liste préliminaire. Alto (avec trois titres) Marchand de feuilles (2), HMH revampé (2) et Septentrion avec sa nouvelle collection hamac (1) comptent pas moins de 8 titres sur 12!!!!!!!! Boréal (2), Leméac et XYZ se partagent le reste.
Si on sait lire entre les lignes, c’est un message significatif que le comité envoie inconsciemment aux maisons d’éditions québécoises bien ancrées dans le milieu littéraire depuis de nombreuses années. Le message envoyé est peut-être le suivant : on veut lire autre chose que ce qu’on a l’habitude de nous donner. Ça signifie aussi que notre littérature est en pleine mutation. Ce changement est perceptible depuis quelques années et il nous saute aux yeux maintenant. Certains éditeurs, s’ils savent faire preuve d’humilité, n’auront pas le choix de s’ajuster.
Pour revenir à cette fameuse liste, je suis tout de même perplexe devant tous ces titres que je n’ai pas lus malgré le fait que je lise beaucoup. Catégorie romans québécois, je ne peux me vanter que d’en avoir lu trois : Le reste du temps, Un taxi la nuit et Les carnets de Douglas. Je prévois en lire peut-être cinq autres : Parfum de poussière, Espèces en voie de disparition, Chroniques du lézard, Le froid modifie la trajectoire des poissons et Clark et les autres. Ça en ferait au moins 9/12.
Pas grand-chose à dire des romans hors Québec sinon que je me réjouis de voir que La voix en fasse partie ainsi que Le dernier frère. Pour les autres, je ne peux absolument rien dire puisque je ne les ai pas lus. Deux d’entre eux (Le nid du serpent, À l’abri de rien) n’attendent que je les ouvre depuis trop longtemps. Les autres ne me disent rien pour l’instant. J’attendrai de connaître les cinq finalistes pour me décider.
Ne me reste qu’à souhaiter un bon marathon de lecture aux membres du comité qui devront se taper toute la sélection en un mois et demi pendant que je pourrai lire ce que bon me semble à mon propre rythme :-)

Prix des libraires du Québec 2008 – la liste préliminaire

Je devais vous livrer une troisième tournée d’automne, mais le dévoilement de la liste préliminaire 2008 du Prix des libraires du Québec aujourd’hui même vient bousculer mes plans. Pour le moment, je vous laisse le soin d’émettre vos commentaires sans vous dévoiler les miens. Je décortiquerai cette liste dans mon prochain billet.
Sans plus tarder, la voici donc.
Romans québécois
Clark et les autres, Stéphane Bertrand (Hurtubise HMH)
Le reste du temps, Esther Croft (XYZ éditeur)
Les carnets de Douglas, Christine Eddie (Alto)
Parfum de poussière, Rawi Hage (Alto)
Espèces en voie de disparition, Robert Lalonde (Boréal)
Un taxi la nuit, Pierre-Léon Lalonde (Septentrion)
Tarquimpol, Serge Lamothe (Alto)
Léon, Coco et Mulligan, Christian Mistral (Boréal)
Chroniques du lézard, Maya Ombasic (Marchand de feuilles)
Le jardin sablier, Michèle Plomer (Marchand de feuilles)
Treize contes rassurants, Marc Provencher (Leméac)
Le froid modifie la trajectoire des poissons, Pierre Szalowski (Hurtubise HMH)
Romans hors Québec
À l’abri de rien, Olivier Adam (de l’Olivier)
Le dernier frère, Nathacha Appanah (de l’Olivier)
Le rapport de Brodeck, Philippe Claudel (Stock)
Le nid du serpent, Pedro Juan Gutiérrez (Albin Michel)
La voix, Arnaldur Indridason (Métailié)
Alabama song, Gilles Leroy (Mercure de France)
La cartographie des nuages, David Mitchell (de l’Olivier)
Ursua, William Ospina (Jean-Claude Lattès)
La physique des catastrophes, Marisha Pessl (Gallimard)
Shantaram, Gregory David Roberts (Flammarion)
Songes de Mevlido, Antoine Volodine (Seuil)
La voleuse de livres, Markus Zusak (Oh!)

La tournée d’automne #2

Voici cette deuxième tournée toute féminine. De bonnes lectures dans l’ensemble mais toujours pas de sensation extrême à l’horizon.
L’année de la pensée magique de Joan Didion (Grasset) : Alors que, comme à l’habitude depuis de nombreuses années, elle soupe tranquillement avec son mari, ce dernier a une attaque cardiaque. Malgré les secours, il meurt. Pour elle, c’est comme si la vie s’arrêtait. Pendant un an, elle scrute presqu’à la loupe tout ce qui entoure la mort de son mari. Pendant un an, elle aurait voulu rattraper le temps afin que tout redevienne comme avant (d’où le titre). Un habile exercice de deuil littéraire qui ne tombe jamais dans le pathos et qui réussit néanmoins à rejoindre profondément le lecteur.
À ciel ouvert de Nelly Arcan (Seuil) : J’aurais tellement aimé pouvoir défendre ce troisième roman de cette romancière controversée qu’on ne cesse de juger par l’image négative qu’elle impose maladroitement. J’avais été subjugué par le talent et le souffle littéraire qu’on retrouvait dans Putain et Folle. De ce souffle, il ne reste à peu près plus rien dans À ciel ouvert. Voilà une grande déception pour l’amateur que je suis. Nelly Arcan nous sert gauchement du réchauffé en abordant le thème qui l’obsède, celui de l’image de la femme à travers le regard des hommes, le sexe et la chirurgie esthétique. Elle troque le je pour le il et, à mon avis, c’est là que tout tombe à plat. Ce il détaché, non intériorisé, qui traque le parcours de Rose et Julie, devient vite détestable pour le lecteur qui n’a pas envie de suivre ces deux gourdes superficielles qui se battent pour le même homme aussi peu charmant qu’elles. Nelly Arcan ne semble avoir aucune empathie pour ces deux personnages, aussi détestables puissent-elles être. Nous non plus. Souhaitons qu’elle passe à autre chose pour le quatrième acte.
La sœur de Judith de Lise Tremblay (Boréal) : Depuis La héronnière (le meilleur livre de l’auteure à ce jour), l’écriture de Lise Tremblay est devenue plus concrète, plus sentie et le lecteur ne peut que s’en réjouir. On la retrouve cette écriture dans La sœur de Judith, mais encore plus dépouillée, ce qui sert très bien la narratrice de douze ans. Douze ans, la fin d’une certaine innocence sociale (et personnelle par le fait même). Avec toute la vulnérabilité qui va avec, Lise Tremblay illustre très bien ce passage à travers le regard de cette jeune fille de Chicoutimi qui rêve d’un ailleurs meilleur qu’elle projette dans la sœur de Judith. C’est tout le Québec des années soixante qui est évoqué sous la plume de la romancière. C’est l’aspect le plus réussi de ce roman et c’est pour cette raison qu’il faut le lire.
Le retour à l’île aux cerises de Louise Turcot (Boréal inter) : j’ai un faible pour cette série jeunesse qui a du mal à trouver son public. De livre en livre, Louise Turcot nous montre l’évolution de Lulu, une jeune fille vivant seule avec sa mère à la fin des années cinquante. À l’instar de Lise Tremblay pour les années soixante, Louise Turcot réussit très bien à évoquer ces années d’après-guerre aux abords de Montréal. C’est encore plus vrai dans ce troisième volet alors que le cœur de Lulu (qui a maintenant douze ans) balance entre Gary et Luc. Elle découvre également le spectre de la seconde guerre mondiale et certains tourments de la vie. L’écriture de Louise Turcot est à son image : simple, fluide, chaleureuse et douce. Si vous l’aimez, vous aimerez les allées et venues de la petite Lulu à l’Île aux cerises. Le vrai public de cette série est définitivement celui de la comédienne.
Un effondrement de Ghislaine Dunant (Grasset) : L’exercice de Ghislaine Dunant peut s’apparenter à celui de Joan Didion. Plutôt que d’en être un de deuil, l’auteure a ressenti le besoin de revenir sur la dépression qu’elle a vécu il y a une trentaine d’années. Elle s’attarde principalement à cette période de « gel » où l’esprit de la personne dépressive est complètement détaché du corps qui l’abrite. Le début en fait, qu’elle nomme très justement l’effondrement. C’est surtout l’aspect médical et clinique de la chose qui ressort ici. Quiconque a côtoyé la dépression de près ne peut être insensible à ce livre. Pour avoir accompagnée quelqu’un pendant plus de deux ans, je n’ai pu rester insensible à plusieurs phrases tellement elles avaient une résonnance par rapport à ce que j’avais pu voir ou ressentir. Par contre, je ne peux pas dire que le récit de Ghislaine Dunant m’a complètement satisfait. Il n’est peut-être pas suffisamment porté par l’écriture ou l’émotion.

La tournée d’automne #1

Certains lecteurs étaient impatients d’avoir mon avis sur la rentrée automnale. Voici une première livraison de mes impressions.
La mandragore de Jacques Lazure (soulières) : Exploitant le mythe de la mandragore sous toutes ses coutures, Jacques Lazure signe un roman pour adolescent enlevant qui tient la route du début à la fin. Sylvain Ravine n’est pas au bout de ses peines car on ne se lie pas avec cette racine maléfique sans coup férir aussi gentille puisse-t-elle se montrer… C’est gothique, c’est intelligent, c’est bon et on a envie de le faire découvrir à tous les adolescents.
C’est quand le bonheur? de Martine Delvaux (Héliotrope) : Une énième histoire d’amour que ce roman? Que non! Une belle et vibrante histoire d’amitié amoureuse. Il n’y a rien dans ce roman et en même temps, il y a tout. À pas feutrés, Martine Delvaux nous laisse pénétrer dans l’intimité de cette amitié entre un homme et une femme. Un roman intimiste porté par une écriture concise, simple et totalement dépouillée de tout artifice. Elle s’immisce en nous à notre insu pour finir par nous habiter complètement. Et la fin est très émouvante. Une heureuse surprise, une heureuse rencontre. L’un des meilleurs romans lus cette année.
Tom est mort de Marie Darrieussecq (P.O.L.) : Au-delà du scandale provoqué inutilement par une Camille Laurens complètement à côté de la plaque, Tom est mort, qui traite de la perte d’un enfant, est avant tout un bon roman qui me réconcilie avec l’auteur de l’étonnant Truismes. Moins organiquement flou que les derniers que j’avais lus d’elle et plus senti, Darrieussecq emprunte ici une voie intéressante. L’histoire aurait gagné en force si elle ne s’étirait pas sur trop de pages. L’exercice de deuil auquel nous convie cette femme dix ans après les événements finit par créer un sentiment de répétition au deux tiers du roman. L’exercice est toutefois réussi. Si vous avez envie de vous plonger dans ces eaux troubles, allez-y.
Un monde de papier de François Désalliers (Triptyque) : j’aurais aimé encenser ce dernier roman de François Désalliers que j’avais découvert avec L’Homme-Café. Le charme s’était poursuivi avec Un été en banlieue et voilà qu’il se rompt (temporairement j’espère) avec Un monde de papier. Tout le roman, ou presque, se déroule à l’intérieur des pages d’un magazine féminin alors que le personnage d’Henri y est propulsé bien malgré lui. Avec lui, on navigue de page en page et on découvre tout un monde statique, superficiel, désincarné et drôlement géré. Le cadre est parfait. On a vraiment l’impression d’être dans un magazine. Ce n’est pas mauvais du tout, mais je n’ai pas adhéré à sa prémisse de départ et ça m’a poursuivi jusqu’au bout de l’aventure. Déçu d’être déçu.
D’ailleurs de Gilles Jobidon (vlb éditeur) : il a fait son entrée en littérature de belle façon en remportant le Prix Robert-Cliche avec La route des petits matins un roman superbement écrit qui n’était pas sans rappeler Soie d’un certain Alessandro Baricco. Depuis, Gilles Jobidon fait partie de ces auteurs que j’aime suivre. D’ailleurs, un court recueil de sept nouvelles, brosse le portrait de plusieurs personnages au carrefour d’un segment de leur vie. On se promène au quatre coins du monde. Chacun des portraits est très réussi et chaque lieu est bien rendu, particulièrement celle intitulée Ly Sanh qui se passe à Saigon et qui nous ait raconté par un petit garçon. L’écriture de Jobidon est plus sobre et classique que dans ces ouvrages précédents et peut-être plus efficace parce que moins poétique et moins maniéré. C’est comme s’il avait cessé de se regarder écrire pour laisser toute la place à ses personnages et leurs univers. Et c’est nous qui en profitons. Un bon recueil, vraiment.

Deception point #4

Comme vous pourrez le constater à nouveau, les déceptions littéraires sont encore au rendez-vous. Pour faire un clin d’œil à mon précédent billet, je peux affirmer que les titres ici-bas n’ont pas eu une grande résonnance sur le lecteur que je suis. Constatez-le par vous-même.
La gifle de Roxanne Bouchard (Coup de tête) : Qui donc recevra cette gifle tant attendue dans cette histoire ? Je vous le donne en mile : le lecteur. Un court texte à l’ambiance pseudo italienne qui frôle souvent le cliché et qui, disons-le, sent le fond de tiroir de la jeune auteure. Ce premier texte original de la toute nouvelle maison d’édition de Michel Vézina ne convainc pas tout à fait. Je ne comprends comment Danielle Laurin ait pu en faire l’éloge dans les pages du Devoir.
Antenora de Margaret Mazzantini (Robert Laffont) : après avoir vu le sublime et touchant film Écoute-moi, dont elle avait elle-même fait l’adaptation de son roman, je m’étais promis de lire sa prochaine publication en français. C’est chose faite et je ne sais plus si j’aurai envie de récidiver. L’histoire de cette grand-mère italienne n’est pas très passionnante ni très intéressante. N’eût été de la faible épaisseur du livre, je ne l’aurais jamais terminé. Décidément, l’Italie et moi ne faisons pas bon ménage en ce moment…
La maison d’Élisabeth d’Éric Rohmer (Gallimard) : plus de soixante ans après sa publication, Gallimard vient de rééditer le seul et unique roman d’Éric Rohmer. Après lecture, on comprend mieux pourquoi il ne s’est pas commis une autre fois et qu’il ait plutôt bifurqué vers le cinéma, qui lui sied nettement mieux. En lisant La maison d’Élisabeth, on reconnaît évidemment la signature de Rohmer, mais sans le support visuel ça devient vite confus et agaçant. J’aurai au moins satisfait ma curiosité.
Vous plaisantez Monsieur Tanner de Jean-Paul Dubois (De l’Oliver) : j’ai lu ce livre sur la bonne recommandation de mon agente immobilière. Si elle ne s’est pas trompée sur l’achat de ma propriété, elle s’est un peu gourée avec cette suggestion littéraire qui décrit les déboires immobiliers de Monsieur Tanner après avoir reçu en héritage une vielle maison. Je n’ai pas du tout reconnu ma nouvelle réalité et j’ai perdu du temps précieux que j’aurais pu consacrer au sablage de mes planchers. Il n’y a rien dans ce roman. Après quelques essais infructueux, il y a décidément incompatibilité entre Jean-Paul Dubois et moi.
Sept comme setteur de Patrick Senécal (Édition la Bagnole) : la première incursion de Patrick Senécal en littérature jeunesse, bien que pas si mal, n’est pas une réussite. D’abord le sujet. Le bonhomme sept heures a beaucoup été exploité dans la littérature jeunesse québécoise, donc on peut parler de manque d’originalité. Les thèmes abordés comme le père noël, les lapins de pâques et la fée des dents s’adressent normalement à un jeune public ne sachant à peu près pas lire. Certains personnages sont mal définis. Je pense à la petite fille qui semble avoir 8-9 ans dans sa façon d’agir alors qu’elle ne sait toujours pas conduire un vélo sur deux roues! Le ton, quant à lui, teinté d’horreur fait plutôt 10-12 ans. On se retrouve avec un roman au lectorat mal ciblé ou, si vous préférez, assis le cul entre deux chaises!
Nous autres ça compte pas de François Blais (L’instant même) : Iphigénie en haute-ville nous avait séduit par sa fraîcheur, son humour bon enfant légèrement teinté de cynisme et ses pieds de nez à la structure narrative. On retrouve tout ça dans Nous autres ça compte pas mais mais mais! Mais la magie cette fois-ci n’opère pas vraiment pour une simple et bonne raison : tout ce qui se trouvait dans le premier est multiplié à la puissance mille dans le second. Ça finit par irriter légèrement et on rit visiblement moins. Ce n’est pas mauvais mais abuser du cynisme et de la forme narrative c’est comme abuser du chocolat: ça finti par tomber sur le coeur. On espère quelque chose de différent pour le troisième rendez-vous.

Chacun son métier #7

Le travail premier d’un écrivain est celui d’écrire afin de concocter des univers qui sauront rejoindre les gens. Le plus grand nombre est évidemment souhaitable.
À l’heure où les éditeurs se mettent pratiquement tous en mode marketing pour faire vendre le plus de livres possible en récupérant tout ce qui est récupérable et en copiant les stratégies du voisin, on est en droit de se demander si on ne fait pas fausse route en travestissant ainsi un si bel univers .
Le travail de l’écrivain est-il si marchandisable?
Je ne crois pas et je tiens ce discours depuis longtemps. Un éditeur qui met tout le paquet sur une promotion gigantesque réussira certainement à faire vendre un peu plus d’exemplaires qu’il s’il n’avait rien fait. Mais ce n’est pas ça qui fait la différence. C’est le bouche à oreille. C’est donc dire que la base de tous les résultats de vente de livres nous ramène au texte avec lequel le lecteur a rendez-vous. C’est le travail de l’écrivain (ou de l’auteur) qui fait cette différence.
Je crois fondamentalement que chaque livre rencontre le nombre de lecteurs qu’il doit rencontrer et il n’y a rien d’ésotérique dans mon propos. Il y a pleins de facteurs qui influence cette rencontre : le sujet, le style, les personnages, l’univers, le contexte, les idées, le contenu et tous ces détails infimes qui se retrouvent dans chaque livre. Le succès est imprévisible, en quelque sorte.
Qui aurait pu prévoir que L’élégance du hérisson de Muriel Barbery atteindrait le demi million de ventes un an après sa parution? Le tirage initial de Gallimard était de 5000 exemplaires. Le succès de ce roman atypique s’est construit lentement et il ne fait que s’accroître de semaines en semaines. Il est arrivé la même chose à Anna Gavalda après la sortie de son recueil de nouvelles Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part publié, à l’époque, chez un tout petit éditeur Le Dilettante faisant, cette année là, la barbe aux gros joueurs de l’édition française.
Ces livres sont-ils meilleurs pour autant. La réponse est non. Ils ont tout simplement eu une grande résonnance dans l’imaginaire des gens.
Difficile à prévoir tout ça. Quand les ventes ne suivent pas, c’est pareil. Après avoir lu Falaises d’Olivier Adam à sa sortie, j’aurais aimé le faire lire à tout le monde tellement il m’avait pris aux tripes. Je n’ai convaincu qu’une poignée de gens.
Personnellement, je pourrais être déçu du rendement de mes deux publications. Pourtant, je ne le suis pas. J’ai rejoint les lecteurs que j’avais à rejoindre. Je suis conscient d’écrire des romans très introspectifs aux univers troubles et sombres qui n’attirent pas nécessairement les foules. Je croyais que Cher Émile allait avoir une plus grande résonnance, mais ça ne s’est pas produit. Le sujet de l’homosexualité en a freiné sa course. J’ai écrit le roman que j’avais à écrire et je réécrirais le même si c’était à refaire.

De belles rencontres #3

Il y a eu d’abord Anne-Claire Delisle qui vient de nous offrir les somptueuses et riches illustrations d’un superbe abécédaire qui vient de paraître chez Bayard Canada. Samedi dernier, elle était l’invitée de l’émission Encrage (que j’anime depuis bientôt cinq ans). Ce fut un réel plaisir de m’entretenir avec le secret le mieux gardé de l’édition québécoise. Je vous invite à aller en librairie jeter un œil à son travail. Ça vaut le détour. Nombreux seront les éditeurs qui lui offriront des contrats prochainement.
Ensuite, comme il le fait deux fois l’an, André Vanasse conviait les libraires de Québec à un dîner XYZ pour présenter la saison. Cette fois-ci, c’est au Café Sirocco que nous étions attendus. C’est presque devenu un rendez-vous à ne pas manquer pour moi. Non seulement j’aime cette maison d’édition, j’adore entendre discourir André Vanasse sur l’écriture et la littérature. Je partage souvent son point de vue et il est une source de motivation pour mon écriture. C’était délicieux et fort intéressant. En bonus, Bruno Roy et Pierre Tourangeau nous ont présenté leur dernier roman. Ça ne gâche vraiment pas un dîner et ça donne évidemment envie de lire leurs titres!
J’étais content de revoir Bruno Roy que j’avais eu la chance de rencontrer dans les mêmes conditions il y a un an et demi. La discussion que j’avais alors eue avec lui autour de son Journal dérivé m’avait permis de structurer mon projet de livre lié à mon journal personnel. C’est devenu Journal de tous les jours. La première version existe réellement. Il reste encore beaucoup de travail à faire dessus mais j’ai bien hâte de vous le livrer. J’aurais aimé lui dire tout ça mardi mais les circonstances ne l’ont pas permis. Pas grave. Moi, je le sais et j’aurai sûrement une autre occasion de le lui dire.
Et ce soir, après quatre mois d’interruption, je retrouvais mes ados de la Bibliothèque Étienne-Parent de Beauport pour entamer la nouvelle saison de notre club. Ils étaient survoltés et toujours aussi intéressés. C’est un beau petit groupe curieux, vif, critique et intelligent. C’est beau de voir des adolescents passionnés par la lecture. Il y a quelque chose de rassurant là-dedans. Je les retrouverai le 24 octobre prochain.
Bref, autant de belles rencontres qui se font écho les unes aux autres.
Abécédaire de Pomme et Pépin, Paule Brière/Anne-Claire Delisle (Bayard Canada)
La moitié d’étoile, Pierre Tourangeau (XYZ)
N’oublie pas l’été, Bruno Roy (XYZ)

Mercredi soir au bout du monde

Le Bout du monde est tout d’abord un resto aux confins de Montréal qui semble ne pas payer de mine. Les gens qui s’y donnent rendez-vous sont tellement vrais et touchants qu’on voudrait les suivre jusqu’à la fin. Ce sont d’autres personnages éparpillés un peu partout sur la planète que nous suivront. Qu’ils soient à Vancouver, en Floride, au Mexique, en Russie ou en Espagne, un film et une chanson inspirée de ce même film Les ailes brisées les unissent. Entre autres choses.
Avec Mercredi soir au bout du monde, Hélène Rioux (XYZ) nous convie à un chassé-croisé subtil. Si tous les personnages sont attachants et intéressants à découvrir, c’est surtout l’atmosphère de ce roman qu’on retient, ce fil ténu qui sous-tend le récit avec force du début à la fin.
Oui, c’est ça, c’est un roman d’atmosphère (petit clin d’œil à Duras ici).
Cette première incursion dans l’œuvre d’Hélène Rioux me séduit. Un des trop rares bons romans québécois de cette année 2007.

My cuisine

Dans son livre My cuisine publié par Marabout et se vendant 49.95, Trish Deseine nous propose cette recette, qui, disons-le, me laisse pour le moins perplexe:
Sandwich au beurre de cacahuètes et à la gelée
Tout le monde se moque de cette combinaison. Pourtant, ce mélange croquant sucré-salé est formidable. Évitez juste de tartiner de beurre avant d’étaler le beurre de cacahuète. Restons raisonnables!
Pour 12 sandwichs
5 minutes de préparation
8 tranches de pain de mie, anglais brun ou complet
4 c.s. de beurre de cacahuètes crunchy (c’est-à-dire avec des morceaux)
4 c.s. de gelée de groseille
Étalez le beurre de cacahuète puis la gelée. Fermez les sandwichs, ôtez les croûtes et coupez en quatre.

Ma vie me prend tout mon temps

En ce moment, ma vie me prend tout mon temps reléguant ainsi la littérature au second plan. Partagé entre l’achat d’une propriété et une certaine idée d’un amour naissant, j’ai du mal à me concentrer lorsqu’au matin je plonge dans ma routine de lecture.
Le seul titre qui retient mon attention et auquel je m’accroche est le second roman de Mark Haddon « Une situation légèrement délicate » (Nil). « On ne peut pas empêcher un petit coeur d’aimer » de Claire Castillon, que j’ai commencé hier, ne m’enchante guère. Sinon, j’opte facilement pour l’abandon.
Récemment, quatre titres ont passé dans la moulinette du temps retrouvé : « Les 13 vies et demie du Capitaine Ours Bleu » de Walter Moers (Albin Michel Wiz), « Le cheval impossible » de Saki (Robert Laffont/Pavillons), « L’ange de mai » de Julie Hearn (Hachette/Blue moon) et le premier tome des « Chroniques des corneilles » de Clem Martini (courte échelle).
Ces quatre titres ne sont pas parvenus à me détourner de mon bonheur présent. Auraient-ils réussi à le faire en d’autres circonstances? Peut-être pas mais ils auraient bénéficié d’une meilleure chance. Ce que je vis en ce moment m’évite peut-être de perdre du temps avec les livres qui n’en valent réellement pas la peine. C’est une bonne chose en fait. Et de sortir des livres pour respirer un autre air ne peut que me faire du bien. Elle est là aussi la vie et je compte en profiter pleinement. D’où ce billet un peu plus personnel qui en annonce peut-être d’autres. Peut-être pas non plus. On verra.
Je vais très bien et les vacances ne sont même pas encore arrivées. Imaginez un peu :-)