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Orphée et Eurydice

Je ne sais pas si c’est la menace des coupures dans la culture qui me donne envie d’en consommer, mais j’ai encore récidivé hier en allant voir Orphée et Eurydice version Marie Chouinard. Ceux qui me connaissent savent que je peux difficilement résister à ses créations qui sortent toujours de l’ordinaire.
Cette cinquième expérience n’a malheureusement pas été concluante. Malgré quelques trop rares moments de grâce, sa version éclatée et un peu grotesque de ce mythe célèbre a fini par me tomber sur les nerfs. J’avais l’impression de voir Orphée et Eurydice au pays des mongols (voir ici un double sens) avec un soupçon de cultures égyptienne, japonaise, techo et Ritamitsoukienne. Je vous épargne les cris et les sons de gorge bizarres faits par les danseurs tout au long de la représentation.
Oui, le grotesque finit par nous faire rire mais trop c’est trop. J’étais tout de même là pour voir un spectacle de danse et non une farce pas toujours drôle. Je ne regrette pas mon 48,50$, sauf que je me serais attendu à plus.
Selon moi, Orphée et Eurydice rate sa cible et nous apparaît comme un spectacle brouillon loin d’être achevé. Si c’est le chemin qu’a décidé d’emprunter Marie Chouinard, je ne suis pas certain de vouloir continuer de la suivre.

étude #3 pour cordes et poulies

Il ya plusieurs années, je découvrais le travail de la chorégraphe Ginette Laurin avec La vie qui bat, un spectacle tout en mouvement et en émotion d’une sensibilité humaine remarquable. J’en garde un souvenir impérissable, un des plus beaux spectacles de danse contemporaine que j’ai vus.
C’est un peu dans cet esprit que j’allais voir cette étude #3 pour cordes et poulies, ma seconde expérience avec la troupe d’O vertigo.
Si, avec cette dernière création, Ginette Laurin exploite toujours l’idée du mouvement humain, cette fois-ci, elle s’attarde à celui qui nous lie et qui nous empêche d’avancer comme on le voudrait. D’ailleurs, le spectacle aurait pu s’intituler Mouvements interrompus. Les cordes et les poulies, qui sont au cœur de cette chorégraphie, symbolisent très bien cette idée. Les danseurs sont presque continuellement attachés rendant difficiles tous mouvements vers l’autre ou une certaine liberté. Lorsqu’ils ne le sont pas, les mouvements sont saccadés, rarement libres. Qu’ils soient projetés dans les airs, qu’ils s’élancent sur la scène ou qu’ils se roulent sur le sol, les corps se font lourds et ne peuvent se défaire de leur gravité.
Il y a de très beaux moments, des images très fortes, mais c’est trop furtif. L’ensemble est légèrement aride, un peu lourd justement, comme ces corps cloués au sol. J’aurais aimé que le mouvement fluide se fasse plus présent pour échapper à cet hermétisme étouffant. En même temps, je comprends la démarche de Ginette Laurin qu’elle a probablement réussie puisque, comme spectateur, elle ne m’a pas du tout laissé indifférent.

Amjad

Hier, je suis allé voir le tout dernier spectacle de La La La Human Steps au Grand Théâtre de Québec. C’est la troisième fois que je voyais le travail d’Édouard Lock sur scène. Je garde un souvenir intense d’ Infante, c’est destroy avec une Louise Lecavalier au meilleur de sa forme (1991) et du sublime Exaucé (1998), la première de ses créations où il intégrait les pointes dans son processus créatif.
Avec Amjad, Edouard Lock continue son exploration de la danse contemporaine sur pointe. Cette fois-ci, il fait le pont directement avec la danse classique en réinventant à sa façon les plus grands ballets de l’époque romantique. Gavin Bryars, qui signe la musique, en a fait autant en s’inspirant de Tchaikovsky. Cet aspect est d’ailleurs très réussi. De voir et d’entendre un quatuor de musiciens sur scène pendant que les danseurs exécutent leurs mouvements ajoute de l’intensité et de la profondeur au spectacle. J’ai également beaucoup aimé les éclairages syncopés qui venaient créer un effet cinématographique pouvant rappeler les films des années 30.
Pour ce qui est de la chorégraphie elle-même, je suis resté sur ma faim. Amjad est peut-être encore trop proche de la facture classique. Edouard Lock n’est peut-être pas parvenu à se distancier suffisamment de son point de départ. Il y avait trop de répétition dans les mouvements, trop de retenu. Ça manquait de mordant, d’intensité et de folie. C’est bien que le chorégraphe ait voulu explorer d’autres avenues, mais l’ensemble manquait de force. J’attendais le moment où tout basculerait, où le romantisme tournerait au trash afin que nous entrions de plein fouet dans la modernité. J’ai attendu en vain.
Plusieurs numéros ont fini par me lasser. Par contre, d’autres m’ont tout simplement bouleversé par leur grâce et leur beauté. J’ai vécu trois moments magiques de trop courte durée. J’aurais préféré qu’ils se succèdent pendant 1h45, ces moments fabuleux. D’entre tous, je retiens celui où l’on voyait un danseur faire un long numéro sur pointe. Magnifique.
Après le spectacle, je suis rentré chez moi sous la pluie avec un léger sentiment de déception. Je me disais qu’Edouard Lock était peut-être allé au bout de ses pointes. On espère une prochaine création plus inspirée et inspirante.

bODY_rEMIX / les_vARIATIONS_gOLDBERG

J’arrive à l’instant de voir la dernière création de Marie Chouinard Body Remix/Les Variations Goldberg. J’attendais cette soirée depuis avril et je n’ai vraiment pas été déçu. Depuis que j’ai vu la reprise de ses Solos en 1998 à Montréal, impossible de résister à ses spectacles et à son univers.
Avec Body Remix, Marie Chouinard pousse plus loin les limites du corps et de la danse. Elle le fait en utilisant des prothèses et divers accessoires métaliques qui sont « greffés » au corps des danseurs comme s’ils étaient des extensions d’eux-mêmes ou des supports les aidant à les maintenir en équilibre. Elle utilise également l’espace aérien. À plusieurs reprises, les danseurs sont suspendus par un harnais dans les airs. L’effet est subjuguant, parfois déstabilisant, toujours criant de vérité et d’une grande beauté. Le corps est également transformé en créatures de toutes sortes. Il se fait tour à tour taureau, cerf, cygne, scarabé ou amibe lorsqu’il n’est pas complètement disloqué. C’est du Marie Chouinard tout craché.
L’environnement sonore est surtout constitué d’extraits des Variations Goldberg revus et corrigés. Même la voix de Glenn Gould participe à la rythmique et à l’ambiance du spectacle. Assez impressionnant.
C’est difficile de rendre en mots ce que j’ai vu. Mes yeux ont été éblouis et captivés pendant 85 minutes. Il me reste des ambiances fortes, des images sublimes, des figures sorties tout droit de l’imaginaire et une émotion brute.
En fait, il faut voir le travail de la chorégraphe pour mieux saisir sa démarche artistique et en apprécier toute la profondeur et la ludicité. Qu’on connaisse ou non la danse contemporaine, l’univers de Marie Chouinard s’adresse à tout le monde. Ce sont nos tripes qui sont sollicitées avant tout. Sa danse est très communicative. La preuve, je suis sorti du Grand Théâtre de Québec avec un beau gros sourire aux lèvres et le coeur content. J’avais aussi envie de faire toutes sortes de mouvements avec mon corps. Peut-être pour prolonger le plaisir ou tout simplement pour défier le temps et la gravité!
Pour les amateurs de la chorégraphe, je vous suggère le trait beau portrait qu’en a fait Catherine Morency et le photographe Richard-Max Tremblay dans le livre paru récemment chez Varia Marie Chouinard chorégraphe.