Dans le cadre de l’émission littéraire Encrage que j’anime et réalise chaque samedi sur les ondes de CKRL, saison après saison mon équipe et moi avons la chance de nous entretenir régulièrement avec des auteurs de tous horizons. Contrairement à beaucoup de journalistes affectés au monde littéraire, nous prenons le temps de lire les ouvrages de nos invités. Si parfois l’exercice s’avère pénible, en d’autres occasions il nous permet de faire d’heureuse découvertes et de belles rencontres qui avaient toutes les chances de ne pas l’être.
C’est ce qui m’est arrivé dernièrement avec François Lavallée, Sylvie Leblanc et Geneviève Porter. L’entrevue que j’ai menée avec chacun d’entre eux a été un beau moment d’échanges autour de leur travail respectif. Aucun n’a la prétention d’avoir écrit le livre du siècle, mais ils sont tous mués par un réel désir d’écrire et de partager leur passion.
En lisant leurs livres, je n’ai pas eu de révélations littéraires mais j’ai senti (et de les rencontrer en personne me l’a confirmé) une démarche sincère et honnête dans leur travail. Ce qui en résulte est aussi intéressant que de bien des livres d’auteurs confirmés que j’ai pu lire dernièrement.
Dans son recueil de nouvelles Dieu, c’est par où (Guy St-Jean), François Lavallée soulève des questions existentielles auxquelles ses personnages sont confrontés. En utilisant des situations de tous les jours, il les prend à un tournant important de leur vie. Il le fait avec intelligence, humour, simplicité et vérité.
Dans Le bonheur au quotidien (Novalis), Sylvie Leblanc utilise des moments difficiles vécus avec son mari et ses enfants pour illustrer le fait que le bonheur peut être puisé à même ces situations. Ce livre de psychologie pratique écrit sous forme de témoignage personnel peut certainement aider des gens parfois dépassés par la dure réalité de leur quotidien. C’est parfois naïf, mais toujours sincère.
Dans Les sens dessus dessous (Guy St-Jean), Geneviève Porter aborde la nouvelle sous l’angle du fantastique et flirte parfois avec le polar. Elle s’amuse à déjouer la réalité en faisant basculer ses personnages dans les méandres du temps et de leurs craintes profondes. C’est parfois un peu appuyé, mais dans l’ensemble c’est senti et ça demeure un recueil de nouvelles bien construit.
Bref, de belles rencontres et beaucoup de préjugés en moins!
Tous les articles par Eric Simard
Bonheurs d’occasion
Avec cette nouvelle rubrique, je souhaite mettre en lumière des titres qui, même s’ils ne se retrouveront pas en haut de mon palmarès annuel, valent la peine qu’on s’y attarde. Des titres qui ne feront malheureusement pas la une des cahiers livres et qu’on pourrait facilement oublier. Ce serait dommage. En vous en parlant, je me dis qu’ils vous plairont peut-être encore plus qu’à moi? Dépendamment de la sensibilité de chacun, je crois qu’ils en ont le potentiel.
Le reste du temps, Esther Croft (XYZ) : un court recueil de nouvelles dans lequel on suit plusieurs personnages confrontés au spectre de la mort, à la vie qui bascule. Esther Croft, dans un style concis et très efficace, scrute chacune de leurs réactions pour faire ressortir toute la fragilité de la vie. C’est d’une grande justesse et, surtout, ça s’inscrit dans une réelle démarche d’écrivain. Et ça, ça ne ment jamais.
Le passeur d’éternité, Roland Fuentès (L’instant même/Les 400 coups) : Ce court roman, dont l’action se passe au XVIIIème siècle, est construit autour du personnage énigmatique de Maladite, un collectionneur d’art et artiste lui-même. C’est un peu sous la forme d’un conte ou d’une légende qu’il nous est présenté. C’est très réussi. L’ambiance qu’il installe est très forte. L’écriture de Fuentès ne laisse pas le lecteur indifférent. Une belle découverte que l’univers de cet auteur dont le travail est à surveiller.
L’homme ralenti, J.M. Coetzee (Seuil) : je n’ai même pas encore lu les œuvres majeures de ce prix Nobel de la littérature et je l’aime déjà beaucoup. Fin observateur de la nature humaine, Coetzee met souvent ses personnages dans des contextes déstabilisants. Ici, Paul Rayment, affecté par la perte d’une jambe, donc aux prises avec une certaine incapacité à se mouvoir est confronté à sa solitude et au vieillissement. Au moment où on s’y attend le moins, pour notre plus grand plaisir je dois le dire, il fait apparaître le coloré personnage de la romancière Élisabeth Costello (héroïne principale de son précédent roman). C’est son arrivée qui apporte une profondeur et un souffle à ce roman, qui, sans être une œuvre majeure de la littérature, est tout à fait réussi.
Un été en banlieue, François Désalliers (Québec-Amérique) : j’avais mentionné rapidement ce titre dans un commentaire, mais je reviens à la charge parce que je crois sincèrement que François Désalliers (que j’avais découvert avec L’homme-Café) mérite de se faire connaître par un plus large public. C’est un excellent conteur et il sait ficeler de bonnes histoires simples qui ont du souffle. Elles ont du souffle parce que tous ses personnages ont de la substance. Dans celui-ci, on suit les élucubrations amoureuses et existentielles des membres d’un ciné-club privé. Grave, léger et jamais ennuyant.
Vous laisserez-vous tenter par l’un d’entre eux?
David contre Goliath
Je suis de nature plutôt optimiste, mais depuis quelques semaines l’avenir des libraires indépendantes m’inquiète. Le livre est malheureusement devenu un objet de consommation comme tant d’autres. C’est la pire chose qui pouvait lui arriver.
Depuis quelques années, et c’est de pire en pire, on se bat pour attirer la clientèle avec des rabais de plus en plus grand. Avec la marge de profit habituel qui n’est que de 40% sur la vente d’un livre (environ 34% si on déduit tous les frais de gestion d’une libraire), il ne reste plus grand chose.
Les grandes surfaces n’ont jamais hésité à vendre les livres au prix coûtant et ils continuent de le faire sans gêne. De vendre des petits pois, des tondeuses ou des livres, c’est la même chose pour eux. Aucun libraire n’est là pour conseiller ni trouver le fameux titre qu’on a oublié. Pourtant, semaine après semaine, les lecteurs sont nombreux à y acheter les derniers livres de leurs auteurs préférés. Conséquence de cette situation : les gros titres attendus par les lecteurs ne sont pratiquement plus achetés dans les librairies conventionnelles. C’est dommage car c’est avec ces titres qu’une librairie devrait pouvoir tirer son épingle du jeu année après année.
Outre le cas des grandes surfaces, il y a le Groupe Renaud-Bray qui semble vouloir conquérir le Québec au complet. Pierre Renaud, soutenu par la SODEC et la FTQ et fort de son pouvoir d’achat, a les moyens d’acheter de bonnes petites librairies indépendantes augmentant ainsi son pouvoir tentaculaire. L’exemple de Tome un à Lévis en est une belle illustration et il y en aura d’autres au cours des prochaines années. Ce n’est pas son seul pouvoir. Si un titre est en demande, Renaud-Bray a le pouvoir de commander une grosse quantité au fournisseur pour répondre à la demande. Une seule commande du Groupe suffit parfois à prendre tout le stock du distributeur. Ne reste plus rien pour les autres. Au moins, la chaîne n’a pas encore commencé à couper le prix sur les nouveautés.
Pour contrer l’effet tentaculaire de Renaud-Bray, les librairies Raffin (également distributeur) commencent à s’implanter un peu partout au Québec. Ils ont d’ailleurs ouvert récemment une librairie à Place Fleur de lys (comme si la ville de Québec avait besoin de plus de vingt librairies dans sa région!). Leur expansion ne s’arrêtera sûrement pas là.
Molly Moon et le livre magique de l’Hypnose
Je ne sais pas comment j’ai fait pour attendre aussi longtemps avant de lire ce premier tome mettant en vedette la sympathique Molly Moon, cette jeune orpheline qui rêve d’une condition meilleure. Il faut la comprendre: l’orphelinat où elle vit, dirigée par une espèce de marâtre, est une véritable prison.
Elle réussira à améliorer sa condition grâce à un manuel de l’hypnose écrit par un certain Monsieur Logan. Dès les premières leçons prodiguées par le livre en question, Molly Moon découvrira qu’elle est une élève plutôt douée. L’art de l’hypnose lui réussit à ravir et n’aura bientôt plus aucun secret pour elle. Elle parviendra facilement à ses fins et connaîtra la gloire et la richesse. Mais à quel prix? Un vieil escroc désire mettre la main sur le fameux livre unique qu’elle a en sa possession. Molly Moon n’a qu’à bien se tenir….
Évidemment, on reconnaît ce cadre typique à une certaine littérature jeunesse. Quand c’est traité de façon aussi originale, voudrait-on sans plaindre? Georgia Byng est une conteuse hors pair et nous entraîne dans un univers fantaisiste rocambolesque et trépidant. Elle a su créer des personnages colorés et entiers qu’on prend plaisir à aimer ou à détester. On s’attache beaucoup à cette Molly Moon, espiègle, intelligente et déterminée.
En plus, ce sont les enfants qui règnent en rois et maîtres dans cette histoire. Les adultes en prennent parfois pour leur rhume, mais c’est de bonne guerre. Tout pour plaire aux enfants. En ce sens, l’écriture de Georgia Byng rappelle celle de Roald Dahl.
Molly Moon et le livre magique de l’hypnose est un roman de pur divertissement. Plaisir garanti et jubilation assurée!
Molly Moon et le livre magique de l’hypnose, Georgia Bung, Livre de poche jeunesse (dès 10 ans)
Forêts
Après avoir traversé La forêt des mal-aimés de Pierre Lapointe il y a peu, hier soir, j’ai traversé celles de Wajdi Mouawad qui pourraient porter le même nom.
À travers le personnage de Loup, une adolescente de 16 ans aux prises avec des démons intérieurs qu’elle ne maîtrise pas, on plonge dans les profondeurs de six générations de femmes. À travers elles, on traverse plus de cent ans d’histoire (les première et seconde guerres mondiales, la chute du mur de Berlin et la tuerie de Polytechnique). Ce va-et-vient incessant entre le passé et le présent vient nous rappeler à quel point ce que nous sommes est garant de ce qui a été, que nous portons tous une multitude de monde en nous, que les destins des uns sont liés à ceux des autres.
Avec une mise en scène dépouillée qui laisse toute la place aux jeux des comédiens, la démonstration qu’en fait Wajdi Mouawad est magistrale. Dès les premières minutes de la pièce, on est aspiré dans une longue spirale de vies humaines qui coule comme un fleuve loin d’être toujours tranquille. C’est de la vie qu’il nous parle. Cruelle et implacable, belle et généreuse. C’est grandiose. Tous les superlatifs dithyrambiques qu’on utilise devant tant d’intelligence et de créativité humaine pourraient être utilisés pour parler de cette pièce. C’est du théâtre de haut niveau comme il s’en fait peu.
Pendant et après la représentation, j’étais dans un autre espace-temps. Peut-être dans celui qui unit tous les hommes de tous les temps! Qui sait? Je ne suis pas prêt d’oublier ce 220 minutes d’une rare intensité. Si vous n’aviez qu’une pièce de théâtre à voir cette année et si vous êtes prêts à plonger au fond des choses, offrez-vous Forêts , je vous jure que vous ne le regretterez pas.
En supplément (et pour vous convaincre davantage), je vous invite à lire le commentaire de Fanny
Cinq choses que vous ne connaissez peut-être pas de moi
Une tag entre bloggeurs fait rage depuis plusieurs semaines. Faisant ma petite affaire dans l’ombre, je pensais y échapper. Eh, non! Carole m’a choisi et je dois donc vous dévoiler cinq choses que vous ne connaissez peut-être pas de moi.
Pour rester dans l’esprit culturel de mon carnet, je m’attarderai à mes habitudes de lecture :
1. Lorsque nous étions jeunes, mes sœurs, mon frère et moi sommes inventés un jeu littéraire. Nous lisions jusqu’à la barre. Je vous explique. Ayant chacun un livre, à tour de rôle nous en lisions un extrait à voix haute et nous arrêtions notre lecture dès que nous tombions sur une barre de dialogue. C’était souvent court et parfois très long (voire interminable), selon le roman que nous étions en train de lire. C’était tout de même une activité stimulante autour du livre.
2. L’idée du cordonnier mal chaussé n’est pas un mythe. Je suis libraire, mais mes livres ne sont pas du tout classés à la maison. Peut-être un peu par genre, et encore!
3. Chaque matin, je lis une heure, une heure et demie. Si je n’ai pas ce temps de lecture, je passe une mauvaise journée.
4. Je ne suis plus capable de lire un seul livre d’une traite. Au fil du temps, je suis devenu un lecteur ayant un trouble de comportement, une sorte d’hyperactif de la lecture. Je lis toujours 4 livres en même temps (2 adultes et 2 jeunesses). Je saute de l’un à l’autre en lisant environ une vingtaine de pages de chaque livre. Je suis parfois des semaines sans en finir un seul et certains matins, je peux en finir deux d’un seul coup.
5. C’est très enfantin, mais c’est en partie le hasard qui détermine mes choix de lecture. J’en ai trop à lire et choisir pourrait devenir une torture. Par exemple : si ce matin je termine la lecture d’un livre adulte et qu’il comptait 444 pages, je retiens le chiffre 4. Alors, je plonge dans ma pile adulte et je coupe chacun des livres au hasard et lorsque je tombe sur une pagination finissant pas 4, je le mets de côté. Une fois ce processus terminé, je choisis un titre dans tous ceux mis de côté. Je ne me passerais plus de ce petit jeu. Ce moment fait autant partie de mes plaisirs de lecture que le reste.
Vous connaissez maintenant mes drôles d’habitudes de lecture!
En principe, je devrais donner la tag à cinq autres bloggeurs, mais je me contenterai de trois puisque j’en connais peu. En espérant qu’ils accepteront, je demanderais à mes acolytes de Septentrion de se prêter au jeu : Sophie, Gilles et Ginette.
Je serais également curieux d’en savoir plus sur les lecteurs de ce carnet. Avez-vous des secrets ou de drôles d’habitudes à nous dévoiler?
Dans la boîte aux lettres
Aujorud’hui, dans ma boîte aux lettres:
- Un chèque annuel de la Commission du droit de prêt public pour la présence de Martel en tête et de Cher Émile dans les bibliothèques.
- Une lettre de refus de la part d’un éditeur pour me dire que Cher Émile n’a pas été retenu par le comité de lecture, un an et demi après leur avoir envoyé et plus d’un an après sa publication. Ce refus me rend vraiment triste!
Réveillez-vous, Monsieur!
Lorsqu’il est question d’humour en littérature, je ne suis pas toujours preneur. Par contre, quand l’humour est fin, intelligent et un peu absurde comme celui qu’on retrouve dans Réveillez-vous, Monsieur!, j’adhère haut la main.
Difficile de résumer l’histoire de ce roman, mais disons qu’on suit les pérégrinations d’Alan Blair, un jeune auteur (un peu en panne) de trente ans, célibataire luttant constamment contre son alcoolisme. Son valet prénommé Jeeves, qu’il a pu se payer après avoir gagné une cause très payante, le suit partout. Jeeves supporte ses nombreux états d’âme et, comme tout bon valet qui se respecte, ne répond que par des phrases brèves à la « Oui, Monsieur ».
L’action se passe en bonne partie aux environs de New York dans une fondation où les artistes sont (en principe) invités à y séjourner pour parfaire leur art. Souvent entraîné par d’autres, Alan Blair profite de son séjour d’une drôle de façon. Il a le don de se mettre les deux pieds dans les plats, mais en même temps il n’a pas le profil du parfait gaffeur. Disons que c’est un sympathique gentleman maladroit désinvolte.
Tout au long du roman, c’est comme si on était plongé dans la tête d’Alan Blair (et dieu sait qu’il s’en passe des choses à cet endroit!). Lorsqu’il ne s’auto-psychanalyse pas, il théorise sur la vie de façon assez originale. On a droit à des réflexions complètement absurdes, saugrenues, lucides, inusités, stupides, rafraîchissantes et surprenantes.
Bref, au pays de Jonathan Ames, on ne s’ennuie jamais. Réveillez-vous, Monsieur! m’a fait rire de bon cœur du début à la fin. Un vrai livre tonique pour lecteur un peu las de lectures exigeantes ou tout simplement en quête d’un excellent roman à lire.
(Merci Denis pour cette belle découverte!)
Réveillez-vous, Monsieur!, Jonathan Ames, Éditions Joelle Losfeld, 444 p. ($44.50)
Sonde ton coeur, Laurie Rivers
Après un silence de cinq ans, le nouveau Bourguignon était l’un des titres les plus attendus de l’hiver. Si Un peu de fatigue explorait avec brio la crise de la quarantaine, dans Sonde ton cœur, Laurie Rivers, dont toute l’action du roman se passe aux États-Unis en mettant en scène uniquement des Américains, l’auteur a voulu explorer une autre facette de son écriture en nous amenant dans un univers complètement différent de ce qu’il nous avait offert jusqu’à maintenant. Pour un auteur, ce genre de pari est un peu risqué, mais en même temps, ça démontre une volonté d’aller plus loin dans une démarche d’écriture. C’est probablement l’aspect le plus intéressant de ce roman, car selon moi, malgré toutes ses bonnes intentions, il n’a pas réussi son pari.
J’ai eu du mal à m’attacher et à comprendre les véritables motivations de cette enseignante (Laurie Rivers) qui décide d’aider et de prendre en main une jeune étudiante obèse (Alice). On a l’impression que ça arrive de nulle part. C’est précipité et mal amené. Même si tout se révèle à la fin, je n’avais pas plus envie de les connaître, ses motivations. Je n’ai ressenti aucune forme d’émotion pendant ma lecture. Si, une certaine lassitude et un détachement par rapport à ce que les personnages pouvaient vivre.
Sonde ton cœur, Laurie Rivers est un roman correct, sans plus. Son principal problème est son manque de profondeur. C’est comme si Stéphane Bourguignon s’était trop concentré sur la forme au détriment du contenu. On ne sent aucun investissement de sa part dans ses personnages, tous sans exception. Il n’a pas pris le temps de définir leur psychologie, leurs contours et de bien les camper dans un cadre précis, ce que nous retrouvons habituellement dans la bonne littérature américaine.
Bourguignon parle beaucoup mieux de son projet que ce qu’il nous donne à lire. Ce que j’ai lu n’est pas ce qu’il présente. Oui, en forçant, en adaptant mon regard par rapport à ce que j’ai pu l’entendre dire en entrevue. Ce n’est pas normal. Une œuvre devrait parler d’elle-même sans avoir besoin de l’auteur pour la décoder.
Ce roman « à l’américaine » n’était peut-être pas une si bonne idée finalement!
Maxime-Olivier Moutier
Je ne pensais jamais écrire un billet sur cet auteur. Je pensais encore moins le faire de façon aussi positive. Pire, je ne pensais jamais relire un roman de Maxime-Olivier Moutier. Ses Lettres à mademoiselle Brochu sentaient la redite. Je l’avais lâché en plein milieu sans jamais le finir. Je trouvais qu’il était allé jusqu’au bout de son style incisif, nerveux, baveux et narcissique qui m’avait au préalable beaucoup interpelé dans son lucide recueil de nouvelles Risible et noir et touché dans son vibrant roman Marie-Hélène au mois de mars.
Grâce au Prix des libraires du Québec, j’ai lu le dernier Moutier qui marquait son retour à la vie littéraire après cinq ans d’absence. Et quel retour! En lisant Les trois modes de conservation des viandes on découvre un auteur d’une grande maturité en pleine possession de ses moyens. C’est la vie qui veut ça et c’est tant mieux. Cette maturité est palpable au détour de chaque phrase et c’est ce qui insuffle une telle force à ce roman inespéré. Le regard qu’il pose sur lui et sur les autres n’est plus le même qu’avant. Si son propos est toujours un peu provoquant, son écriture est maintenant plus nuancée, plus posée, plus réfléchie et beaucoup plus sentie. Ça se sent du début à la fin. Comme quoi un long temps d’arrêt peut parfois s’avérer salutaire pour un auteur.
Les trois modes de conservation des viandes m’a tant plus parce que j’ai aimé sa vision humaine, aimante et réaliste du couple et de la vie de famille. Son point de vue sur la paternité, en plus de m’apparaître assez juste, est à la fois percutant et touchant.
Au sujet du rôle des parents, il écrit ceci : « grâce au progrès, au siècle et à sa science, les enfants, ça n’entrave plus les désirs et le choix des adultes. Plus maintenant ».
Et de l’amour : « Car quand bien même je parlerais la langue des hommes et des anges, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien ».
C’est ça le nouveau Moutier et on a hâte au prochain.