Tous les articles par Eric Simard

Parades

Ça doit faire des années que je n’ai pas été soufflé par une lecture à ce point. J’ai eu un rapport de parfaite symbiose avec lui et, même après deux jours, l’intensité demeure et elle n’est pas prête de se résorber. Je l’ai lu à point nommé dans ma vie, ça ne pourrait être plus clair.
Avec Parades, Bernard Souviraa m’a forcé à revenir vingt ans en arrière pour mieux me reconnecter à mon présent, à mon essence. Ce n’est pas rien comme effet. Je me suis reconnu dans les questionnements existentiels de Sébastien, le personnage principal. Je me suis reconnu dans son rapport à l’autre, dans se quête de retrouver cet autre. Je me suis également reconnu dans son univers. Jusque ses rêves d’il y a vingt ans ressemblaient aux miens. C’est simple, l’ambiance générale créée par l’auteur est un peu celle qui régente ma vie.
C’est certain que de plonger dans un univers parallèle au nôtre fait remuer beaucoup de choses et suscite des réactions émotives intenses. Au-delà de tout ça, cette lecture m’a beaucoup rassuré et sera, j’en suis certain, un vecteur pour aller de l’avant. Ce serait trop bête de dire qu’il m’a fait comprendre des choses; chaque jour qui passe nous en fait comprendre. Non, c’est plus fort que ça. Je dirais plutôt que Bernard Souviraa a réussi à toucher aux aspects fondamentaux de ma personnalité. Et ça s’inscrit dans un moment clé de mon existence. Ce roman n’est pas le seul responsable de cette situation. Il y participe.
C’est puissant tout de même l’écriture, la littérature plus précisément.
C’est certain que je voudrais que tout le monde lise ce livre, mais je sais très bien qu’il y a peu de chance qu’il ait le même effet sur vous. Mais sait-on jamais!
Je termine ce billet en m’adressant à Denis G. : merci infiniment de m’avoir permis de faire cette rencontre. Tu ne peux pas savoir à quel point elle est importante pour moi. Sincèrement. Éric x

Le questionnaire de Réjean

En réaction à mon dernier billet, Réjean m’invitait à répondre à son petit questionnaire. Ce n’est pas celui de Proust mais il n’en demeure pas moins intéressant. Je lui cède la parole pour mieux donner la mienne.
Comme vous nous parlez de votre recueil depuis un certain temps, voici un petit questionnaire pour en savoir plus.

Réjean: Combien de nouvelles comporte-t-il ?
Éric: une quinzaine environ. Je ne les ai pas comptées (rire)
Réjean: Quelle est la longueur des nouvelles en moyenne ?
Éric: Entre 6 et 10 pages. Je n’aime pas les nouvelles trop courtes (ou trop longues, c’est selon).
Réjean: Être est-il le titre d’une des nouvelles et si oui où apparaît-elle dans le recueil ?
Éric: Non. Le titre illustre la thématique générale.
Réjean: Quelle thématique principale se dégage de l’ensemble ?
Éric: Je viens d’y répondre un peu mais je vais développer. Être est pris dans le sens d’exister. Chacune des nouvelles se retrouvant dans le recueil représente une action importante liée à l’existence d’un être humain. La première est Vivre et la dernière, un hommage à Pauline Julien, s’intitule (mes lecteurs me reconnaîtront bien là et souriront) Mourir. Entre les deux, entre autres, il y a Aimer, Craindre, Partager, Vieillir, Croire, Penser et j’en passe.
Réjean: Cette thématique était-elle votre point de départ ou s’est-elle imposée en cours d’écriture ?
Éric: Elle s’est imposée dès le départ (Ça va comme réponse?).
Réjean: Le recueil se présente-t-il comme une suite de nouvelles ou avez-vous fait des parties, des regroupements ?
Éric: Puisque c’est conceptuel, mon recueil est évidemment une suite de nouvelles liée au thème principal.
Réjean: Qu’est-ce que ce recueil présente d’original ou de différent par rapport aux recueils qui se publient au Québec ?
Éric: Je ne sais pas s’il se démarque par son originalité (les journalistes répondront mieux que moi à cette question), mais j’aime bien mon concept. Personnellement, lorsque je lis un recueil de nouvelles, j’aime qu’il y ait une unité. Sinon, ça ressemble à un ramassis de courts textes et l’ensemble n’est pas toujours intéressant.
Réjean: Si Hamac n’existait pas, à quels éditeurs auriez-vous fait parvenir votre manuscrit ?
Éric: Je refuse de répondre à cette question. Hamac existe (éclat de rire). Certainement à Leméac car chaque fois que je leur ai soumis un texte, que ce soit Jean Barbe ou Pierre Fillion, on a toujours pris le temps de me répondre de manière constructive. Peut-être Marchand de feuilles, mais je ne suis pas certain de correspondre à ce qu’il cherche. Triptyque sûrement.
Réjean: Comme vous travaillez chez votre éditeur, est-ce à dire que votre manuscrit est automatiquement accepté ou doit-il passer par un comité de lecture ?
Éric: On commence à me la poser souvent celle-là. Certains avec un air de reproche (mais ce n’est pas votre cas). Ça me fait drôle de me retrouver dans cette position alors que j’en ai bavé pendant près de vingt ans à essuyer des refus partout et à ne jamais savoir si j’allais être édité. C’est vrai que c’est devenu plus facile pour moi, mais la publication n’est pas garantie. J’ai exigé de ma directrice le même traitement que les autres. Ce qui est bien pour moi, avant même que je ne travaille pour Septentrion, c’est elle qui avait tant aimé Cher Émile. Je peux maintenant dire que j’ai la chance d’avoir une directrice littéraire qui adore mon écriture. C’est ça qui prend le plus de temps à trouver dans la vie d’un écrivain. Mais pour augmenter le degré de difficulté, j’ai demandé à une amie impitoyable (la même qui m’a conseillé La machine à orgueil) de lire mon recueil et de me faire ses commentaires. Donc, actuellement, elles sont deux à me lire. Moi, j’attends le verdict. Avant de terminer, ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que ma directrice l’avait déjà évalué une première fois il y a plusieurs mois. Ce que je viens de remettre est la nouvelle mouture retravaillée (et davantage) en fonction de ses remarques.

Changement de plan

Aujourd’hui, j’ai profité de la température moche pour finir de rentrer les corrections de mon recueil de nouvelles à l’écran.
Selon le plan que j’avais prévu, je devais relire une dernière fois mon travail avant de le remettre à ma directrice littéraire. En apportant mes corrections, je me suis demandé si ça valait vraiment la peine de le relire une autre fois. Par rapport au gros travail de réécriture que j’ai fait au cours des derniers mois, je ne crois pas. Je sais que cette version est nettement supérieure à celle que j’avais soumise et qu’on se rapproche doucement d’un résultat final.
Dès demain, je remettrai donc à ma directrice cette nouvelle version et j’attendrai ses commentaires. Pourquoi ne pas profiter du fait que j’ai quelqu’un pour m’aiguiller dans mon écriture? Je serais bien fou de m’en priver.
Ensuite, il sera toujours temps de me relire et d’apporter d’autres changements. En plus, j’aurai eu un peu de recul.

La machine à orgueil

Si ça n’avait pas été d’une amie, je ne pense pas que j’aurais lu ce livre. Avant de m’y plonger, je ne me sentais pas beaucoup d’affinité avec l’univers de Michel Vézina. Après avoir lu La machine à orgueil, je sais maintenant que je ne me trompais pas.
N’allez pas croire que je n’ai pas apprécié ma lecture car il y a de très bonne séquences dans ce roman. On les retrouve surtout au début et à la fin. Au début, Djipi se réfugie dans le bois pour en finir avec la vie. Il ne supporte pas le suicide de Mado. À la fin, on assiste à une certaine rédemption par rapport à la vie.
Entre les deux, ce n’est pas toujours convainquant. Djipi relate sans cesse (et trop) les épisodes de son passé underground et c’est parfois forcé par rapport à l’action principale. Dit plus simplement: ça n’apporte pas toujours quelque chose au roman. On n’est plus avec Djipi et L’Allumé. C’est Michel Vézina qu’on entend nous relater ses frasques de jeunesse. C’est dommage.
J’aurais aimé aller plus au fond des choses avec Djipi comme me l’avait laissé croire le début. À la place, j’ai fait le tour de l’Europe des années 80 avec un punk pour guide. Du moins, c’est l’impression qui me reste de ce livre.

John Burnside

Ça fait un p’tit moment que je voulais vous parler de cet auteur Écossais encore méconnu du côté francophone. J’ai lu ses trois romans traduits, tous parus chez Métailié dans la collection Bibliothèque écossaise. Pour moi, maintenant, depuis que j’ai lu le premier à paraître en français, savoir qu’un nouveau John Burnside s’en vient est source de joie et d’impatience tellement j’ai envie de me plonger dans son univers pourtant (oh, surprise!) pas jojo.
Cet affect littéraire a commencé par hasard avec La maison muette. C’est une attachée de presse qui l’avait envoyé pour qu’on le couvre à l’émission. Personne n’en a voulu sauf moi. J’ai bien fait de tenter l’expérience car ce titre est l’un des meilleurs romans que j’ai pu lire depuis cinq ans. Quand je parle d’expérience, je pèse mes mots.
Avant de vous raconter l’histoire, il faut dire que John Burnside, écrit ce que l’on pourrait appeler du roman social. Ses trois titres se passent tous dans de petits bleds d’Écosse. Il décrit très bien la réalité des gens vivant dans ce genre de coins isolés où la promiscuité n’est pas toujours un gage de bonne entente. S’ajoute à cet aspect, un fort penchant pour la psychologie. La plupart de ses personnages principaux sont un peu décalés et ont un comportement étrange. On ne sait pas toujours comment les percevoir. Il y a toujours quelque chose de déroutant et de troublant dans les histoires de cet auteur très habile et pour le moins talentueux.
Par exemple, dans La maison muette, le personnage principal est un espèce de reclus asocial. Il finit tout de même par se rapprocher d’une femme. De leur liaison naîtront des jumeaux. Il s’en servira pour faire des expériences. Je ne vous dis pas lesquelles. Disons seulement que c’est assez marquant.
Dans le second, Une vie nulle part, le personnage central trouve difficilement sa place. Qu’ils soient familiaux ou sociaux, il est toujours aux prises avec des conflits. Ce qui peut sembler banal ne l’est pas sous la plume de Burnside grâce à la force et à la précision que l’on retrouve dans son écriture.
Il y a aussi tout ça dans son dernier que je viens de terminer. En lisant Les empreintes du diable, on a le sentiment que les trois romans sont liés. Sensation d’être dans le même petit coin perdu d’Écosse, de renouer avec les mêmes personnages un peu fêlés, de découvrir ce monde sous un autre angle. Et c’est un peu vrai. Ce troisième titre serait le croisement du premier et du second. L’auteur nous emmène en cavale. La route est sinueuse, surprenante. On referme le livre sous le coup de l’émotion et je me dis que je devrai attendre je ne sais trop combien de temps avant d’en relire un autre.

Un baiser s’il vous plaît

Oui, j’en aurais envie de ce baiser. J’avais aussi envie de vous parler d’un auteur, mais j’ai bien peur que ce soit pour un prochain billet (pas si lointain). J’ai trop en tête ce film d’Emmanuel Mouret que j’ai vu hier soir au Clap. Dès que j’ai su que ce film viendrait sur nos écrans, je ne voulais absolument pas le manquer. Qu’à voir l’affiche, je me remémorais le savoureux moment passé à visionner le précédent

Un baiser s’il vous plaît joue dans le même registre. Sauf qu’il a une gravité que l’autre n’avait pas. On y retrouve, fort heureusement, le même charme suranné, parfait croisement entre l’univers d’Éric Rohmer et le théâtre de Georges Feydeau. Emmanuel Mouret a même son Arielle Dombasle à lui en la p

ersonne de Frédérique Bel, qui, une fois de plus, illumine l’écran en jouant les ingénues. Il y a aussi, ça et là, de petits clin d’oeil au cinéma des années 50 et 60. Julie Gayet, avec son port de tête digne de Grace Kelly, en est le parfait exemple.

Sinon, c’est quoi cette histoire de baiser? Elle est un peu compliqué à expliquer en quelques mots. Si on avait plus de temps, peut-être que je vous la raconterais. Mais je me retiens. Je ne voudrais surtout pas briser le charme qui vous attend et encore moins vous priver de l’esprit et de la saveur de ce marivaudage des temps modernes. Allez-y, le voir. Tout simplement.

Avec ce film-là, on se rend compte que le cinéaste est allé à la bonne école et qu’il est en train de se tailler une belle place dans le 7e art. Si ce carnet s’appelait Facebook, je deviendrais fan d’Emmanuel Mouret :-)

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Entre mes mains

Décidément, j’ai la main chanceuse en ce moment. Tout ce que je lis se transforme en plaisir de lecture. J’avoue qu’avoir du plaisir à lire des livres dans lesquels la douleur est triomphante, on pourrait me traiter de masochiste et ce serait tout à fait juste. Mais j’assume entièrement ma déviance.
Si le ton d’Entre mes mains est à l’occasion plus léger que celui qu’on retrouve dans Philippe, le sujet est tout aussi grave. Il est même à l’opposé. Le roman tourne autour du thème de la maternité non assumée, non désirée. Une vraie mère indigne.
Avant d’en arriver là, on suit l’évolution de chacune des phases de la relation que la narratrice entretien avec Sylvain. L’auteur utilise un ton détaché, hyper réaliste et pimenté de dérision, ce qui n’est pas désagréable du tout. N’allez pas croire pour autant qu’on vous convie à une partie de plaisir. Entre mes mains est tout de même un roman dur.
Anne-Constance Vigier, qui en est seulement à son deuxième roman, fait preuve d’une belle maîtrise d’écriture et démontre un indéniable talent. Cette rencontre réussie ne me donne donc pas le choix de suivre le parcours de cet auteur.
Entre mes mains, Anne-Constance Vigier, Joelle Losfeld, 102 p., 2007.

Philippe

Vous vous souvenez de la polémique autour du roman de Marie Darrieussecq Tom est mort? Philippe en est la cause.
Philippe, c’est le récit écrit par Camille Laurens suite à la mort prématurée de son fils qui n’aura vécu que deux heures dix minutes. Ça remonte à 1994. À la sortie de Tom est mort, elle a accusé Marie Darrieussecq de plagiat. En fait, on s’était rendu compte qu’il s’agissait plutôt d’une accusation de vol d’idées. C’était complètement aberrant. J’avais trouvé que Camille Laurens venait de faire un faux pas et je le pense toujours. Après avoir lu Philippe, force est de constater que le deuil de l’auteur n’est pas complété.
Toute cette histoire n’enlève absolument rien à la force de ce récit poignant et tellement meilleur que Tom est mort. Également supérieur à À ce soir de Laure Adler que j’avais beaucoup aimé à l’époque.
D’entrée de jeu, on est submergé par l’émotion et saisi par une tension. Il y a une force de frappe dans les mots et les images qu’utilise Camille Laurens que ça dépasse le simple récit détaillé d’un événement marquant. Non seulement on vit ce drame de l’intérieur, on est pris à témoin d’une mort qui n’aurait pas dû arriver.
C’est assez intense merci!
Philippe, Camille Laurens, Folio, 83 pages, 2008.

Les années

Il y a de ces livres dont on ne voit pas du tout venir les effets.
Quand j’ai commencé la lecture du dernier Annie Ernaux, j’étais loin d’être convaincu de son entreprise. Je trouvais ça trop descriptif et répétitif. Elle défilait les années de son parcours de vie à une vitesse grand V sans prendre le temps d’installer une ambiance intimiste.
Par contre, je trouvais vraiment intéressant le fait qu’elle ne racontait pas sa vie en utilisant l’autofiction comme elle a toujours eu l’habitude de faire dans ses livres. Alors que le je aurait été de mise, elle nous sert un elle sous lequel se cache un nous collectif que Pauline Marois ne renierait pas.
Et là, mine de rien, ça part. On voit alors défiler les années 40, 50, 60, 70 et ainsi de suite jusqu’à maintenant. Annie Ernaux nous met sous le nez les grands et les petits événements sociaux des 70 dernières années. Elle reste discrète sur sa vie privée. Le ton qu’elle utilise est indescriptible. C’est en fait le regard d’un être humain sur la vie qui passe. Et c’est là que tout prend son sens à mesure qu’on avance dans le temps. Quand on traverse notre espace/temps, bonjour l’émotion!
Annie Ernaux nous livre un magistral exercice littéraire qui redéfinie le genre biographique. Les années, c’est l’oeuvre d’une vie dans tous les sens du terme.

Être satisfait

Je viens juste de franchir une étape importante : j’ai enfin terminé la longue correction de mon recueil de nouvelles Être. Si j’ai mis autant de temps à la faire, c’est que j’ai choisi de réécrire plutôt que d’y aller de simples corrections. Trois de mes nouvelles (sur une quinzaine) ont été revues de fond en comble. L’une d’entre elles a complètement été réécrite. Il ne reste absolument rien de la version précédente. De façon globale, mon recueil s’en trouve de beaucoup amélioré. Il fallait que j’apporte tous ces changements sinon je n’aurais pas été satisfait. Et tant que je ne suis pas satisfait, je peaufine et persévère.
Ce soir, je peux dire que je suis satisfait, mais je ne peux crier victoire. Il me reste encore du pain sur la planche. Je dois rentrer les corrections à l’écran et relire une dernière fois mon recueil pour m’assurer que tout est à mon goût. Ensuite, en principe, je le remettrai à Adeline, ma directrice littéraire. C’est elle qui me guidera alors pour apporter les dernières corrections nécessaires avant publication. Et ça, c’est prévu pour…
Au risque d’en décevoir plusieurs (au moins deux et je vous prie de vous manifester dans les commentaires pour me rassurer), c’est prévu pour janvier ou février 2009!