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Passion et désenchantement du ministre Lapalme

Lu avec beaucoup de plaisir Passion et désenchantement du ministre Lapalme de Claude Corbo.
Écrit sous forme de pièce de théâtre et mettant en scène Jean Lesage, Georges-Émile Lapalme, Guy Frégault et J. André Dolbec, ce texte met extrêmement bien en lumière le mépris de la culture par les dirigeants politiques.
De 1964 à 2009, rien ne semble avoir changé. Navrant vous dites!

Je jette mes ongles par la fenêtre

On ne peut pas dire que la couverture soit particulièrement belle ni que le titre soit particulièrement bien choisi. Pourtant, le recueil de nouvelles de Natalie Jean, lui, est très réussi. C’est plutôt dommage que ce qui donne accès au livre ne soit pas à la hauteur du texte. À mon avis, ça peut nuire à l’auteur. C’est-à-dire, empêcher des lecteurs de découvrir son talent. Car il s’agit bien de talent dans son cas.
Mine de rien, on entre dans son univers discrètement. On remarque rapidement que Natalie Jean aime s’attarder sur les détails du quotidien et les comportements subtils des êtres dans leur façon de vivre le monde. Après quelques nouvelles, on est surpris par la force des mots. Certaines phrases, qui semblent provenir de nulle part, provoquent une émotion vive difficile à réprimer. Ça nous fait cet effet jusqu’à la fin, toujours au détour d’une phrase en apparence banale.
En fait, ce n’est pas banal. Natalie Jean a une voix singulière et elle sait y mettre l’âme qu’il faut pour rejoindre la sensibilité du lecteur. Ce n’est pas sorcier en soi, mais peu d’auteurs en sont réellement capables. Et c’est là toute la différence.
Je jette mes ongles par la fenêtre est ma première belle découverte de 2009. Ça commence plutôt bien l’année, je trouve.

Vrac de décembre

Voici un survol des livres lus récemment:
Syngué sabour (Pierre de patience), Atiq Rahimi (P.O.L.) : Premier roman écrit en français pour cet auteur afghan grâce auquel il vient de se mériter le prestigieux Prix Goncourt. Mérité? Certes. L’écriture est superbe, mais je n’ai pas été nécessairement ému par l’histoire de cette femme qui se confesse à son mari mourant. Confession qui devient un véritable playdoyer de libération pour la femme afghane. La fin laisse peprlexe mais elle est justifiée dans les circonstances. Un bon roman qui ne décevra personne ou très peu.
Peut-être une histoire d’amour, Martin Page (de l’Olivier): Si l’auteur de Comment je suis devenu stupide m’avait pour la première fois déçu avec la parution de On s’habitue aux fins du monde, la réconciliation a lieu avec Peut-être une histoire d’amour. Peut-être parce que c’est très Martin Page comme idée: le narrateur apprend sur le répondeur que Clara met un terme à leur histoire d’amour. Le hic, c’est qu’il ne connaît pas Clara ! Et là, c’est le commencement de la déroute pour lui. Plutôt que d’en faire une simple satire, l’auteur a réussi à créer une belle histoire douce amère.
Toute la nuit devant nous, Marcus Malte (Zulma) : Marcus Malte, que j’avais découvert il y a peu avec la lecture de Garden of love, est probablement ma découverte de l’année. Son écriture est tout simplement fabuleuse. Dans ce receuil de nouvelles, qui n’en compte que trois, elle est encore plus mise en valeur que dans son précédent. Marcus Malte a le don de créer des ambiances fortes du début à la fin de ses textes. Il subjugue le lecteur et le ravit. Je n’ai même pas envie de vous décrire le contenu de ces trois nouvelles. Je vous dirai seulement qu’elles sont intenses, troubles et très prenantes. Toute la nuit devant nous est une excellente entrée en matière dans l’univers de Marcus Malte qui comprend tout de même plus d’une dizaine d’ouvrages. Il était temps qu’on le découvre.
En terminant, j’aurais juste envie de vos parler du dernier Laurent Gaudé, mais je ne l’ai pas encore fini.

Claude Morin réagit et recommande…

Bonjour Denis,

Quelques lignes de ton blogue du 1 décembre rejoignent une de mes préoccupations. Parlant des fusions municipales dans la région de Québec, tu écris : «Personnellement, c’est la perte d’un patrimoine toponymique qui m’a fait le plus mal. Beauport, Sillery, Cap Rouge, Charlevoix, Ste-Foy, etc. sont des noms chargés d’histoire. Il y avait une façon de les conserver. Des modèles existent ailleurs.»

Là-dessus, je suis du même avis que toi. J’ajouterais cependant que cette nonchalance toponymique, si je peux m’exprimer ainsi, vient certes en partie de réflexes technocratiques, mais, en grande partie aussi, d’une méconnaissance généralisée des faits historiques et de leur influence sur des situations que le Québec vit tous les jours, ce dont, me semble-t-il, trop de gens sont peu conscients. C’est comme si une mode actuelle post-historique (chez quelques intellectuels, cette mode frise parfois le snobisme) stipulait que les événements courants n’avaient pas d’antécédents et qu’on peut d’autant mieux édifier l’avenir qu’on néglige ce qui a construit le présent. J’ai noté cette attitude dans un domaine que je connais particulièrement : les relations Québec-Canada. On en est au point où il faut maintenant expliquer des faits qui devraient pourtant être installés, tels des points de repère, dans la mémoire collective d’un peuple comme le nôtre. Il est vrai que ce vide, cet oubli, convient à certains politiciens…

L’ignorance de l’histoire n’est pas seule à masquer des enjeux de société. On peut en dire autant de celle de la philosophie. Bien des gens, la majorité en fait, tiennent pour acquis que les notions tirées de la philosophie et l’apport des grands penseurs à notre civilisation n’ont que peu de portée, sinon aucune, sur les choix qui incombent à ceux qu’on appelle les «décideurs», politiques et autres.

À cet égard, je me permets de te signaler, ainsi qu’aux lecteurs de ton blogue, le livre En quête de sens de Jean Laberge (Les Éditions Logiques) qui m’a plu à tous égards. Il n’est pas très long. Je l’ai lu presque d’une traite. Dans Le Devoir du 22 novembre dernier, Louis Cornellier en a fait une recension qu’il vaut la peine de consulter.

Vers la fin de mon cours classique (1942-1950, ce n’est pas hier…), j’aurais souhaité disposer d’un ouvrage comme celui-là. Qui aurait montré comment les notions de philosophie qu’on nous enseignait au Séminaire de Québec pouvaient s’appliquer à des situations courantes en faisant mieux saisir les enjeux en cause, en clarifiant des problèmes et en expliquant que des situations, à première vue simples, présentent en fait des aspects complémentaires ou contradictoires qu’il convient d’évaluer avant de juger ou d’agir. Un ouvrage qui aurait dévoilé le côté «pratique» de la philosophie. Sauf erreur ou défaut de mémoire, un tel outil intelligent n’existait pas.

Cet ouvrage, Jean Laberge l’a écrit.

Salutations amicales,

Claude Morin

Autrement dit

J’ai découvert Marie Cardinal il y a une vingtaine d’années avec la lecture marquante de son livre Les mots pour le dire dans lequel elle a raconté sa psychanalyse. Je l’avais littéralement dévoré, ce livre et je le relirai probablement un jour peut-être pas si lointain.
J’avais lu ensuite La clé sur la porte et Comme si de rien n’était. Moins marquantes, ces lectures m’avaient tout de même plu.
Après une longue abstention dans son univers, j’ai eu envie de replonger dans ses mots si personnels qui expriment si bien la complexité de l’humain. J’ai sorti Autrement dit qui traînait dans ma bibliothèque depuis nombres d’années et, dès les premières lignes, l’effet Cardinal a opéré. Le même qu’il y a vingt ans.
Ce prolongement des Mots pour le dire, qui part d’un dialogue entre elle et Annie Leclerc, aborde tous ces sujets: la création, l’écriture, la femme, l’homme, la maternité, le couple, la mort, la maladie, l’enfance et toutes ces subtilités qui font ce que nous sommes.
Écrit au milieu des années 70, ce texte témoigne d’une époque moins révolue qu’on veut bien le croire. Certaines choses ne changent pas ou évolue très lentement. De toute manière, lorsque l’on sonde la profondeur de l’être humain, on touche à l’intemporel.
À sa façon, ce billet témoinge à son tour de l’importance du travail de Marie Cardinal, qui, tout comme celui d’Hervé Guibert, est sur le point de tomber dans l’oubli. Ce qui serait réellement dommage.

Une femme à Berlin

Une femme à Berlin est un journal écrit entre le 20 avril et le 22 juin 1945 alors que les russes ont envahi Berlin à la fin de la guerre.
L’auteure, qui a désiré que son témoignage reste anonyme, relate avec beaucoup de retenu ce quotidien complètement démantelé. Quelle parle de la faim, de la peur ou de viol, le ton utilisé ne tombe jamais dans le sensationnalisme. C’est là que réside la force de ce texte.
Le principal intérêt de ce livre n’est pas son aspect littéraire, mais son point de vue unique qui apporte un nouvel éclairage sur les événements survenus lors de la deuxième guerre mondiale. C’est un document important comme a pu l’être celui de la secrétaire d’Hitler, Traudl Junge, lors de la parution de son journal Dans la tanière du loup.
Une femme à Berlin est disponible en folio.
Dans la tanière du loup seulement en grand format chez JCLattes.

Petite tournée d’automne express

Lus et appréciés :
Et je te demanderai la mer de Stéfani Meunier (Boréal): une écriture comme comme j’aime. C’est concis, simple et très senti. Une première incursion convaincante dans l’univers de cette auteure.
Anastasie ou la censure du cinéma au Québec de Yves Lever (Septentrion): un panorama complet de la censure au Québec des années 20 à maintenant. Intéressant et accessible. Un livre qui nous rebranche à notre fibre de cinéphile en nous redonnant le goût d’aller voir des films en salle.
Garden of love de Marcus Malte (Zulma) : une écriture éblouissante pour un univers complexe. Pour amateur de littérature un peu plus relevé.

La cité des jarres

Amateurs de la série Millénium, si vous ne connaissez pas les romans d’Arnaldur Indridason, courez chez votre libraire pour vous les procurer.
L’an dernier, j’avais lu La voix, le troisième de la série des enquêtes du commissaire Erlendur, et j’avais beaucoup aimé. Cette semaine, j’ai carrément dévoré le premier de la série La cité des jarres. C’est encore meilleur que l’autre.
Il n’y a pas de personnages aussi forts comme ceux qu’on retrouve dans Millénium, mais pour le reste, Indridason n’a rien à envier au talent de Larsson. Je dirais même que La cité des jarres est plus efficace car plus ramassé (le roman ne fait que 325 pages).
Inutile de vous en dire plus. Je vous laisse le plaisir de découvrir cette fascinante intrigue.
Si vous avez le goût d’une petite virée saisissante (et un peu glauque) en Islande, La cité des jarres vous attend.