Je n’étais pas certaine de prendre de vacances cette année: je n’avais pas vraiment de projets de planifiés, ni de temps pour le faire il me semblait, ni même l’argent nécessaire pour les réaliser comme je le souhaiterais si jamais je les laissais naître.
Mais j’ai tenu un conciliabule avec ma patronne, que je commence à trouver un peu trop dure avec moi. Je lui ai fait voir tout ce qu’il me faudrait faire en dehors du travail et que je remets continuellement: rendez-vous chez le dentiste, l’optométriste et l’orthésiste; achat et, par conséquent étude, d’un nouveau logiciel; ménage de mon courriel (et ménage tout court, mais ça, elle le sait comme moi, ça peut toujours attendre); aménagement d’une nouvelle pièce dans la maison (achat de meubles, décoration); magasinage de vêtements pour une parente qui n’est plus autonome et visites plus fréquentes à cette personne. Une semaine, lui ai-je demandé, pour m’acquitter de ces tâches, ce ne serait pas de refus.
Elle semblait un peu sceptique: aurais-je vraiment le temps de faire tout cela en une semaine? Elle avait raison (comme toujours), j’aurais plutôt besoin de deux semaines. Ce qu’elle ignorait, c’est qu’avec cette nouvelle perspective je commençais à rêver un peu: peut-être pourrais-je faire un peu de vélo aussi, aller me baigner, lire dans le parterre ou tout simplement flâner dans la balançoire en écoutant les oiseaux…
Ma patronne a compris : «Il te faut au moins trois semaines», m’a-t-elle dit. Bon, d’accord pour trois semaines. Ne restait plus qu’à consulter le calendrier. Nous nous sommes entendues pour les deux dernières de juillet et la première du mois d’août.
Ce n’était pas si compliqué après tout, il suffisait de savoir la prendre. Finalement, c’est même elle qui m’a dit: «Tu pourrais commencer tes vacances le vendredi: avec la fin de semaine, ça te ferait trois jours de plus.» Pas bête, la patronne.
Elle et moi serons donc en vacances du jeudi soir 17 juillet au dimanche soir 10 août.
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Et que ça change!
Je n’ai pas été prudente. Peut-être y a-t-il d’autres travailleurs autonomes comme moi qui, dans les dernières années, ont mis presque tous leurs œufs dans le panier des gouvernements. Pourtant, y a-t-il plus instable qu’un gouvernement? Et je ne parle même pas de la capacité des partis à se maintenir au pouvoir, ni même d’une allégeance quelconque qui nous permettrait d’obtenir des contrats. Non, seulement des règles d’attribution de ces derniers.
Par exemple, dans le cas d’un ministère (que je nommerai pas), il fallait, il y a une quinzaine d’années, être un particulier pour en obtenir des contrats de révision comme pigiste; une entreprise n’y avait pas droit. Quelque cinq années plus tard, pour le même type de contrats, ce ministère demandait à ses pigistes de se convertir en entreprises, une enseigne extérieure en faisant foi ou encore, le relevé de compte d’un téléphone d’affaires. Je me suis alors inscrite comme telle auprès de l’Inspecteur général des institutions financières de même que de ma compagnie de téléphone, voyant du même coup mon compte passablement augmenter. Dans les faits, rien n’avait changé pourtant, je faisais toujours le même travail dans le même bureau, à la maison, mais sous un nouveau nom.
Et voilà qu’à plus ou moins brève échéance, tout est appelé à changer encore une fois. Compte de téléphone d’affaires ou pas, cela n’aura plus d’importance, les preuves à fournir étant d’un autre ordre. À lire le document d’une soixantaine de pages renfermant les nouvelles règles, je me suis demandé si le but n’était pas d’éliminer les travailleurs autonomes. Vous en connaissez, vous, des travailleurs autonomes qui ont des normes ISO? J’exagère à peine; s’il ne s’agit pas de normes ISO, il faut tout de même présenter des mécanismes d’assurance qualité: organisation du travail, contrôle des résultats, etc. Il faut aussi disposer d’une relève (qui ne peut faire partie de «l’équipe proposée» et qui doit répondre aux mêmes conditions que le «fournisseur principal»), présenter des travaux déjà réalisés afin qu’ils soient évalués par un comité d’experts et avoir déjà des mandats similaires avec cinq autres clients.
Je ne sais combien d’heures j’ai consacrées à la préparation de mon dossier de candidature (non payées, bien entendu, en plus d’avoir dû débourser 36,78 $ pour prendre possession dudit document, prix comprenant l’inscription préalable auprès du service chargé de le vendre).
Il me faudra tout de même recommencer, l’appel d’offres ayant été annulé deux semaines plus tard, un nouveau règlement devant entrer en vigueur…
C’est donc sur la glace pour le moment. S’il y a une suite, on me demandera d’acheter un nouveau document (après une nouvelle inscription), qui me mènera à la préparation d’un nouveau projet, pour un nouvel appel d’offres d’une durée de… à peine plus d’un an. Car une toute nouvelle procédure est déjà prévue pour juin 2009.
Les p’tites vite
C’est ma spécialité. Je ne les cherche pas, ne les attend pas, ne les espère même pas; mais, que voulez-vous, c’est ainsi que l’on me perçoit : celle qui peut, en tout temps, répondre aux urgences.
Vis-à-vis de certains clients, cette «qualité» qu’ils m’attribuent est devenue pour moi un handicap fort déplaisant, leur tendance étant de ne faire appel à mes services que pour réaliser quelques miracles. J’aimerais qu’ils sachent que je peux aussi travailler à un rythme tout à fait normal.
Je sais pertinemment que c’est de ma faute : j’ai la fâcheuse habitude de retourner la majorité du travail que je reçois avant la date de remise. Ce n’est qu’avec le temps que je me suis rendu compte des effets pervers que cela pouvait entraîner : certains se sont mis à raccourcir les délais un peu plus chaque fois. Et moi, pour ne pas être prise de court, j’ai accéléré le rythme encore et encore, si bien que j’ai continué, malgré tout, à devancer leur désir.
Au début, je les ai probablement épatés. Puis, peu à peu, les p’tites vite sont devenues la norme.
Alors si, comme moi, vous souhaitez que l’on vous traite avec un peu plus de douceur, vous savez maintenant ce qu’il ne faut pas faire.
Quand ça se bouscule au portillon
J’ai dû refuser trois contrats cette semaine, parce que j’avais déjà un gros travail en chantier qui risquait de prendre tout mon temps (si j’exclus celui de répondre aux immanquables urgences quasi quotidiennes de mes fidèles clients: une lettre, un communiqué, un article, etc.) et qu’il me fallait remettre au plus tard ce vendredi matin. Maintenant que je viens de l’expédier, je me retrouve devant un bureau (écran) vide.
Je n’en fais pas un drame, remarquez (surtout que c’est vendredi), car je sais par expérience qu’il en viendra d’autres. Mais ça me frustre toujours de devoir refuser un travail, surtout lorsque, de prime abord, il semble être fort intéressant (un scénario de film, par exemple, comme ce fut le cas cette semaine). Le problème, c’est que tous me brandissaient la même échéance: vendredi matin; calendrier en main, j’ai vérifié et il n’y avait toujours que quatre jours entre le lundi et le vendredi. Pas de chance!
Après avoir refusé ces contrats, je me suis quand même mise à faire des calculs: si je commençais à travailler encore un peu plus tôt et que je terminais plus tard, j’obtiendrais tant d’heures supplémentaires… Non, rien à faire, c’était toujours trop serré. Sans compter que la perspective de voir tranquillement mes soirées se transformer en contrats me rendait triste: pas de marche au grand air, pas de guitare, pas de lecture et pas encore de temps à consacrer à un nouveau projet qui m’appelle. Je suis donc retournée sur le chantier de mon gros travail, décidée à en faire tout mon contentement.
Mais je me suis vite rendu compte qu’il n’était pas tellement intéressant, celui-là, et particulièrement difficile en plus: la longueur de ligne dépassait de beaucoup la page-écran, m’obligeant à me promener de gauche à droite et de droite à gauche; la rédactrice n’est pas francophone, de toute évidence, ses phrases étant passablement boiteuses et souvent, même, incomplètes; de plus, la personne qui a tapé le document n’est certes pas familière avec un clavier: beaucoup de lettres étaient inversées, il y avait fréquemment des doublons de mots et de phrases, et des espaces apparaissaient incongrûment en plusieurs endroits, avant un point ou une virgule, par exemple. Bref, j’ai l’impression d’avoir fait péniblement l’ascension de l’Everest la semaine durant.
N’empêche que je suis particulièrement fière du résultat aujourd’hui. Alors, comme nombre de femmes après un accouchement, je sais que dès lundi j’aurai oublié les moments les plus difficiles et que je me sentirai fin prête à répéter l’expérience. Mais comme toute parturiente, aussi, j’ai quand même besoin de reprendre des forces avant.
Alors je nous souhaite, à vous et à moi, une fin de semaine des plus réparatrices. Rendez-vous en huit (ou en six ou en dix…).
La chasse aux mots
Au moment de me mettre au lit, il arrive que des mots se bousculent encore dans ma tête. Je ne sais trop s’ils viennent de s’y introduire ou s’ils tentent d’en sortir. À moins qu’ils ne s’y tiennent en sentinelle à toute heure du jour et de la nuit sans que je m’en rende trop compte.
Hier, j’ai tenté de m’en débarrasser avant d’aller me coucher en me livrant au jeu que voici : j’ai commencé par écrire les cinq premiers mots qui me venaient à l’esprit, puis cinq mots que je trouve beaux et enfin, cinq mots qui ne me plaisent pas.
Bergamote, jugulaire, fantasmagorie, pléthore et tintinnabulant sont les cinq premiers mots qui se sont présentés. Décidément, avec des mots pareils, j’ai bien fait de me vider l’esprit.
Quant aux cinq mots aimés, je me suis surprise à tous leur mettre des l : florilège, jouvencelle, caracole, anacoluthe et mirobolant. Le l étant une consonne liquide, ces mots sont en effet coulants, fluides, légers. Oui, c’est ça, ils ont des ailes.
Enfin, les arnaque, banque, bulldozer, brique et banqueroute me sont apparus à cette heure comme les moins sympathiques. Est-ce dû aux b et aux q, deux consonnes occlusives, ou au sens, je ne saurais le dire, mais dans un cas comme dans l’autre, ce ne sont pas des mots avec lesquels j’avais envie de dormir.
Puis, j’ai déposé ma tête sur l’oreiller. Et j’ai enfin pu rêver. Pas un mot, pas un son n’a tenu mon cerveau éveillé. Que des images plein l’écran.
Mais si, comme le veut l’adage, une image vaut mille mots, j’en conclus qu’il me reste passablement de ménage à faire pour mettre fin à mes nuits d’insomnie.
Un gros ou un petit travail?
Un de mes clients hésitait dernièrement à m’offrir un travail parce que, disait-il, ce n’était guère intéressant. Même que, s’il eût été à ma place, il aurait eu envie de le refuser, m’avoua-t-il. Pourquoi donc, lui demandai-je. Eh bien, parce que le texte était divisé en 104 petits fichiers, plutôt que de faire l’objet d’un seul gros document.
Ah! Je salivais déjà! Moi qui aime mettre un point final à un travail pour pouvoir passer à un autre, puis à un autre et à un autre, voilà qu’il me donnait 104 fois cette possibilité!
J’ai même un petit rituel pour de tels délices. J’inscris, sur une feuille, le nom de tous les fichiers, que je fais suivre de points de conduite, de façon à pouvoir faire un X au bout de chaque ligne. À mesure que j’en termine un, l’inscription du X devient en quelque sorte ma récompense. En 40 heures, j’ai donc pu m’accorder 104 récompenses plutôt qu’une seule. Ce ne sont pas des gâteries, ça?
Je sais que d’autres ont le souffle plus long. Ces marathoniens, devant ce même genre de travail, ont l’impression d’être sans cesse dérangés dans leur course, qu’ils voient entrecoupée d’arrêts, plutôt que parsemée de multiples départs. Comme mon client, justement, qui fait aussi de la révision tout en accordant des contrats à la pige. Au risque de paraître bizarre à ses yeux, je l’ai donc informé, lorsque je lui ai remis mes 104 petits textes, que je raffolais de ce genre de miettes. Et vous savez quoi? Il en avait 113 autres à me proposer! Décidément, j’étais gâtée.
Mais il n’a pas que moi à s’occuper et il ne peut retenir les dadas de chacun. Aussi m’a-t-il annoncé, hier, avec entrain et peut-être même un brin d’envie dans la voix, qu’il avait un «cadeau» pour moi, du genre que lui-même aime bien recevoir, soit un bon gros document de quelque 400 pages…
Bon, je m’y prépare mentalement. Ça ne peut pas toujours être la fête, n’est-ce pas?
Travail garanti ou argent remis?
Est-ce une politique que les travailleurs autonomes, notamment en correction et révision linguistique, doivent adopter, à votre avis? Est-ce la vôtre?
Pour ma part, j’en ai subi les contrecoups une fois; il m’en a alors coûté 423 $, soit ce qu’aurait dû me rapporter le contrat de révision d’un texte qui n’était pas parfait. Plutôt dispendieux quand on commence dans le métier, n’est-ce pas? Comme c’était pour le compte d’un «gros client», j’ai accepté d’être «punie» de la sorte, dans l’espoir de le conserver. Je n’avais pas vraiment le choix, puisque je débutais et qu’il me fallait avant tout «sauver ma peau». Mais aujourd’hui, je me permets de considérer la situation sous un autre angle :
D’abord, y a-t-il quelqu’un qui puisse garantir la perfection de son travail, peu importe son métier? (Sûrement pas mon nettoyeur, en tout cas) Y en a-t-il qui peuvent assurer qu’ils ne feront jamais d’erreurs de toute leur carrière? Et en connaissez-vous qui sont convaincus de n’en avoir jamais fait? Ou qui sont certains de tout connaître, ce qui pourrait les empêcher de fauter (mais pas nécessairement non plus)? Si vous n’êtes pas la personne qui m’a gratifiée, il y a plusieurs années, du salaire dont j’ai fait état, vous avez sans doute répondu non à toutes ces questions, ou du moins à plusieurs.
Ensuite, bien que ce ne fût pas mon cas, essayez d’imaginer qu’une faute ait été laissée dans un ouvrage qui vous aurait demandé plusieurs mois de travail à temps plein… Le seul ouvrage, donc, sur lequel vous eussiez compter pour vivre durant cette période… Avec quoi paieriez-vous votre loyer (ou votre hypothèque) si, conformément à cette politique, vous ne deviez pas être rémunéré?
Imaginez maintenant ce qu’il pourrait vous en coûter si l’on vous demandait d’assumer une nouvelle édition d’un ouvrage à très grand tirage (ex. : un dictionnaire, le Code civil).
C’est le genre d’arguments que j’ai servis à un autre client il y a quelque temps. Parce que j’ai encore fait une faute, me direz-vous? Eh bien oui, ça peut encore m’arriver. Malgré tout, je me considère parmi les bons réviseurs. J’ai d’ailleurs suggéré à ce dernier client de «me laisser tomber» et de confier ses prochains contrats à quelqu’un d’autre. Mais je pouvais dès lors lui assurer que cet autre, un jour, ferait une erreur à son tour. Je me permis d’ajouter que s’il décidait de poursuivre avec moi, je ne pouvais même pas lui garantir de ne plus jamais faire d’erreurs. Certes, j’accroîtrais ma vigilance et je ne souhaitais pas que cette situation se reproduise. Mais, malgré cela, je ne pouvais savoir si une telle calamité ne m’arriverait pas de nouveau dans une semaine, un mois, un an ou trois. Ce pourrait alors tomber sur un autre client ou, malheureusement, encore sur lui (une calamité, vous dis-je). Car, avec les années, s’il y a une chose dont je suis assurée, c’est que je ne peux être parfaite tout le temps. C’est du moins ce qu’il m’a fallu accepter après bien des insomnies et des brûlures d’estomac.
Je travaille toujours pour ces deux clients. Le dernier m’a dit avoir apprécié le fait que je lui dise la vérité; d’abord, que j’étais bien fautive et que j’en étais sincèrement désolée. Je crois aussi qu’il a compris que je fais tout ce que je peux pour que mon travail soit le plus parfait possible, et cela, le plus souvent possible. Avec, comme résultat, une performance plus qu’acceptable, dans l’ensemble. Pour le reste – qui constitue plutôt l’exception que la règle –, il vaut mieux accepter que je ne suis qu’un être humain. Et vous?
Par ma faute, par ma faute, par ma très grande faute
Sans doute reviendrai-je souvent au thème des fautes. C’est mon obsession, ma phobie. Dire que ceux qui ne sont pas dans le domaine sont persuadés que les réviseurs et correcteurs sont à l’abri de cette calamité.
D’autres refusent de m’écrire, craignant que je ne les lise avec un stylo à encre rouge à la main. Partant, non seulement me privent-ils d’un plaisir (celui de les lire, non de les corriger, ce qui ne me viendrait jamais à l’esprit), mais ils m’obligent, de plus, à travailler en des circonstances où je ne m’y prêterais pas nécessairement. Car, à mon tour, je me sens jugée dans tous mes écrits, de la moindre note jusqu’à la lettre intime, et même lorsque je m’exprime oralement. Ce qui fait que, souvent, du moins dans ce dernier cas, je dois réclamer le droit à plus de spontanéité.
Mais au travail, il est normal, je crois, d’être habité par la crainte de l’erreur. L’an dernier, lorsque j’ai lu L’Amour du livre, de Denis Vaugeois, j’ai constaté que je n’étais pas la seule à consulter le « produit fini » avec une certaine appréhension. Voici comment cela se vit chez Septentrion :
« Quand les nouveautés du jeudi arrivent, tout s’interrompt dans la maison, ou presque. On s’émerveille, on se rappelle les difficultés. Et disons-le, c’est à qui trouvera les premières fautes. La plupart du temps, les uns après les autres nous poussons des soupirs de soulagement. Parfois hélas, il ne faut que quelques minutes pour déceler une petite ou une grosse erreur. On se demande alors ce qui a bien pu se passer. Comment expliquer cette erreur? Tout le monde déprime. Josée Lalancette décide une fois de pus d’élever des chèvres; (…) » (p. 79).
Et plus loin : « Au moment d’écrire ces lignes, nous recevons Les Noirs du Québec de Daniel Gay. Plus de trois ans de labeur. Il a fallu une heure pour constater que le nom est écrit Guay sur l’épine. Il a fallu 24 heures pour qu’un “ami