Archives pour la catégorie Littérature

D’autres plaisirs épistolaires

Décidément, les romans épistolaires n’auront jamais autant eu ma faveur. Faut dire que depuis quelques mois, il semble y avoir un nouvel engouement pour le genre. Dans l’ensemble, ma récolte aura été très bonne. Voici trois autres recommandations.
Lou pour toujours d’Elisabeth Brami (Seuil) : Lou et sa grand-mère ont pris la bonne habitude de s’envoyer des lettres durant la période estivale. C’est devenu leur petit univers bien à elles, une bulle de confidence nécessaire. Lou a maintenant treize ans et vit des moments plus difficiles à la maison. Sa grand-mère commence à ressentir les effets de l’âge et son corps refuse d’être aussi actif qu’avant. Elles ont toutes les deux besoin l’une de l’autre. La correspondance d’été ne suffit pas. On suivra leurs chaleureux échanges toute l‘année durant. Sous la plume juste et sensible d’Elisabeth Brami, on y croit et ce beau rapport intergénérationnel nous touche. Dès 10 ans.
Marie-Ève! Marie-Ève! d’ Adrien Thério (XYZ) : Roman épistolaire à une seule voix, celle de Carmélia, une vieille femme ayant toujours vécu dans le même petit village. S’adressant à l’un de ses compatriotes capable de comprendre ce qu’elle a à dire, elle exprime enfin tout ce qu’elle porte en elle. C’est un plaidoyer en faveur de la liberté individuelle contre l’étroitesse d’esprit et les dogmes. C’est aussi le portrait d’une certaine ruralité menacée. Avec le personnage de Carmélia, Adrien Thério a créé un grand personnage romanesque. Elle est crédible du début à la fin, son discours est soutenu et, d’une certaine manière, elle est pus grande que nature. Un excellent roman qui fait le pont entre la littérature du terroir et une certaine modernité. Réédition.
Lettre à D. d’André Gorz (Galilée) : « Tu vas avoir quatre-vingt-deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t’aime plus que jamais. Je porte de nouveau au creux de ma poitrine un vide dévorant que seule comble la chaleur de ton corps contre le mien ». Ainsi débute cette vibrante lettre que l’auteur adresse à sa femme. Comment ne pas succomber?
J’ai aussi lu Lettres à Marguerite Duras publié chez Varia sous la direction de Danielle Laurin, mais celui-ci fera partie d’un prochain billet consacré uniquement à Marguerite Duras.

Vingt-Quatre heures d’une femme sensible

Ceux qui, comme moi, n’ont pas aimé Se résoudre aux adieux devraient se rabattre sur cet autre roman épistolaire hautement supérieur.
Si Philippe Besson a, d’une certaine façon, échoué dans sa tentative de se mettre dans la peau d’une femme bafouée par les affres de l’amour, il en est tout autrement pour Constance de Salm avec Vingt-quatre heures d’une femme sensible. L’instant d’une seule journée, on vivra toutes les phases du désarroi amoureux de cette femme anéantie par le désaveu de l’amour. 44 lettres comme autant de cris du cœur d’une profondeur intense qui l’aideront à surmonter son calvaire.
Toutes les lettres de ce court roman sont criantes de vérité. Écrit il y a près de deux cents ans, ce texte ne semble pas avoir pris une ride. S’intéresser aux choses du cœur était à l’époque assez avant-gardiste, mais Constance de Salm le fait avec tellement de justesse et d’intelligence qu’encore aujourd’hui tout humain peut se reconnaître dans les sentiments qu’elles expriment. Non seulement l’amour n’a pas de frontière, mais il ne connaît pas le temps.
Dans sa préface, Constance de Salm écrit : « Je voulais donc, par ces lettres, prouver que le goût des ouvrages sérieux n’exclut en rien la sensibilité ». Encore aujourd’hui, il est mal vu pour intellectuel d’en faire autant. Dans l’une des lettres, elle fait dire à cette femme sensible : « Les hommes sont bizarres; ils ne savent rien refuser à une femme qui leur est étrangère, et celle qui mérite le plus leurs égards semble toujours celle qui en obtient le moins ». Ça aussi, ça n’a pas changé. Et vous reconnaîtrez-vous dans cet autre extrait: « L’amour tient tant de place dans la vie! C’est quand il n’est plus là que l’on sent le poids de ces longues minutes qui doivent s’écouler sans lui ».
Avec des exemples aussi éloquents, inutile d’en rajouter davantage. Il faut juste remercier les éditions Phébus d’avoir eu la bonne idée de rééditer ce superbe roman épistolaire sur l’état du désespoir amoureux.
Vingt-quatre heurs d’une femme sensible, Constance de Salm (Phébus)

Monsieur le codirecteur

J’aurai maintenant le plaisir de codiriger avec Adeline Corrèze la collection Hamac au Septentrion. Je suis très content et flatté que Gilles Herman ait pensé à moi. Ça arrive à point dans ma vie. De traverser du côté de l’édition me tentait de plus en plus. De faire mes premiers pas à la tête d’une jeune collection littéraire me stimule encore plus. Plus stimulant encore est le fait de pouvoir travailler de concert avec Adeline. Nos expériences respectives sont complémentaires et nous voyons la littérature un peu de la même façon. En plus, nous nous entendons très bien, ce qui ne gâche rien. Nous formerons, j’en suis coinvaincu, un beau duo.
Tout ça est à suivre, évidemment!

Bonheurs d’occasion #2

Pobby et Dingan, Ben Rice (Pocket) : C’est la comédienne Véronique Côté qui m’a chaudement recommandé cette lecture. Habituellement, c’est plutôt moi qui la conseille mais pour une fois, les rôles ont été inversés. Sans partager totalement son enthousiasme débordant, je dois dire que j’ai aimé me retrouver dans ce bled perdu de l’Australie alors que tout le village tente de retrouver Pobby et Dingan. Lorsqu’on sait que Pobby et Dingan sont les amis imaginaires d’une fillette, le roman prend un tout autre sens. Tout tourne autour de cet événement. D’ailleurs, c’est ce qui fait la force de ce livre. L’auteur a su rester fidèle à son idée de base et ne s’égare jamais dans cette histoire bizarre qui finit par nous émouvoir.
Vues sur la mer, Hélène Gaudy (Les impressions nouvelles) : À l’automne, ce premier roman a réussi à se faufiler jusqu’à la deuxième sélection du Prix Médicis. Je comprends pourquoi. Il y a du talent à l’horizon. Au départ, on suit une femme (Jeanne) qui quitte son amoureux pour se réfugier dans un hôtel au bord de la mer. Rupture définitive ou solitude momentanée ? L’auteure nous présente sept variations de la même histoire et ça fonctionne. Cette répétition finit par envoûter et déstabiliser le lecteur. L’écriture très minimaliste et pleine de non-dits rappelle, à certains moments, celle de Duras. Je sais que la comparaison est énorme, mais disons qu’elle puise à la même source. J’attendrai avant de crier au génie, mais je répondrai présent à la prochaine publication d’Hélène Gaudy.
Épidermes, Diane Vincent (Triptyque) : J’ai été charmé par ce premier roman policier de Diane Vincent. D’abord, la prémisse est délicieuse : Reiko Thompson, une photographe underground eurasienne qui ne laisse personne indifférent, est retrouvée presque sans vie dans une ruelle montréalaise. Ne voilà-t-il pas qu’on découvre un pénis coupé dans la poche de son manteau. C’est là que tout commence (pas banal quand même!). C’est Josette Marchand, une massothérapeute spécialiste de la peau qui donne un coup de main à son vieux pote d’inspecteur pour le faire avancer dans son enquête, qui nous relate les faits de manière plutôt savoureuse. Ça se lit d’une traite avec le sourire aux lèvres.

Histoires sans fin

Ça ne m’arrive pas souvent de ne pas terminer la lecture d’un livre, mais je m’en donne toujours le droit. En ce qui concerne ces deux titres, j’ai eu beau faire des efforts, ça n’a rien donné.
Sexe et dépendances de Stephen McCaulay (Flammarion)
Après avoir lu Le vide de Patrick Senécal et nombre de livres un peu lourds, j’avais envie de quelque chose de plus léger. Sexe et dépendance me semblait être la lecture idéale pour me permettre de respirer un autre air, surtout que j’en retardais la lecture depuis sa parution et tout le monde n’en disait que du bien. J’ai même eu la chance de discuter (en français) avec l’auteur au dernier Salon du livre de Montréal. J’avais donc plusieurs raisons de plonger dans ce roman.
Le plaisir aura été de courte durée. Après cent pages, j’ai abdiqué. À aucun moment, je n’ai eu de sympathie pour cet agent immobilier de Boston qui tente de se convaincre d’être moins dépendant au sexe. Le problème de ce roman est simple : cet agent immobilier n’est pas un personnage intéressant. Sa vie est d’une pauvreté à faire frémir plus qu’à faire rire. Je n’avais aucune envie de savoir ce qui allait lui arriver. En plus, ce n’est pas vraiment une histoire qu’on nous raconte. On nous présente des pans de vie décousus qui empêchent constamment l’action d’évoluer. Tout pour me déplaire et m’ennuyer.
Mes vies d’Edmund White (Plon)
Moi qui avais tant aimé La symphonie des adieux, ce livre dans lequel Edmund White s’inspirait de son parcours pour brosser un portrait impressionnant des quarante dernières années du milieu homosexuel newyorkais, je me faisais une joie de découvrir son autobiographie.
Dans Palimpseste, Gore Vidal a relaté sa vie de manière fort orignal, efficace et intelligente. C’était en plus porté par une écriture incisive et nettement maîtrisé. Dans Mes vies, Edmund White fait tout le contraire. La qualité de son écriture que l’on retrouve dans ses romans n’y est pas, ce qu’il raconte frôle plus souvent qu’autrement la vulgarité en plus d’être d’un narcissisme désolant. C’est un peu épars et ça va dans toutes les directions, malheureusement pas toujours édifiantes. Il finit par nous perdre complètement. J’ignore quel était le but de sa démarche, mais une chose est certaine elle n’atteint pas sa cible. Après 160 pages, j’en avais assez lu.

Haruki Murakami

Ça faisait des années que je voulais découvrir le travail d’Haruki Murakami et il aura fallu 2007 et le Prix des libraires du Québec pour que je le fasse. Maintenant j’ai la piqûre, on dirait bien!
C’est Kafka sur le rivage qui m’a ouvert les portes de l’univers de cet auteur à l’écriture riche, intelligente et envoûtante mettant en scène des personnages marginaux à un carrefour de leur existence.
Dans Kafka, on suit un adolescent de 15 ans en cavale et un débile léger aux pouvoirs sensoriels étranges sachant parler le langage des chats. Toute la trame est auréolée par la mythologie grecque, mais c’est fait de manière subtile. Cette mythologie vient nourrir de façon impressionnante toute l’intrigue de ce roman foisonnant au caractère tout à fait contemporain. Plus on avance dans l’histoire, plus on en découvre toute la profondeur et la richesse et plus on s’attache aux personnages et aux situations qu’ils vivent.
Dans Le passage de la nuit, même s’il est moins réussi et moins dense que Kafka, on retrouve encore les mêmes thèmes qui lui sont chers. On traverse toute une nuit avec des personnages un peu décalés par rapport au reste de la société. Quelques heures de leurs vies nous sont présentées. C’est suffisant pour s’intéresser et s’attacher à eux. Au petit matin, on les regrette un peu.
Les univers que dépeint Murakami pourraient facilement tomber dans une ambiance glauque, mais il sait éviter ce piège. Il insuffle à son écriture beaucoup de sensibilité et d’humanisme. Il touche à l’universel, à ce que nous sommes tous et sous sa plume c’est grandiose. Pour de la littérature intelligente comme ça, je serai toujours preneur.
Haruki Murakami risque de devenir un auteur que je fréquenterai assidûment. C’est une belle et grande découverte que je viens de faire.
Pour augmenter votre envie, voici l’avis de Florinette

Chacun son métier #4

Marie-Pier Côté a finalement avoué à ses parents mardi soir avoir copié l’oeuvre du français Frédéric Jeorge en publiant son roman Laura l’immortelle.
Par ailleurs, bien que l’éditeur du livre, Michel Brûlé, dise être une victime dans cette histoire, il n’en demeure pas moins que l’Association nationale des éditeurs a fait savoir qu’il y a eu un manque de vigilance dans ce cas précis.
Selon la vice-présidente de l’ANEL, l’éditeur aurait dû s’interroger en constatant une oeuvre presque parfaite.

Je ne devrais peut-être pas, mais je me réjouis presque de cette nouvelle.
Quand j’ai vu Laura l’immortelle arrivé en librairie et que j’ai constaté que Marie-Pier Côté n’avait que 12 ans, j’étais sceptique et surtout conscient que l’éditeur voulait profiter de la vague Alexandra Larochelle pour faire, espérait-il, un coup d’argent. Mal lui en prit, on dirait bien.
Cette jeune fille, quant à elle, rêvait probablement de devenir une vedette. Ne connaissant pas les règles de l’édition et aveuglée par son rêve, elle a naïvement plagié le travail d’un autre sans en mesurer les conséquences. Si la télé-réalité permet de devenir une super star en quelques semaines sans avoir aucun talent, il en est tout autrement si on veut devenir un écrivain. Je crois bien qu’elle vient de l’apprendre à ses dépends!
À son âge, je rêvais aussi de devenir écrivain. C’est le premier métier que j’ai voulu faire. Je n’ai pas brûlé (excusez le jeu de mot, il s’est imposé) d’étapes. J’ai vécu ma vie d’enfant et une fois devenu grand, je n’ai pas cessé d’écrire et de réécrire mes textes. Aujourd’hui, je ne suis pas une super vedette littéraire, mais j’ai deux romans à mon actif et plusieurs projets en chantier. Je suis très content de la vie que je mène.
Cette histoire est une belle leçon d’humilité pour l’éditeur et une très grande leçon de vie pour cette fillette qui devra maintenant rêver autrement.

Le vide

Je ne suis pas un amateur de thriller, mais je ne peux résister à l’univers de Patrick Senécal. Je me fais toujours une joie de découvrir ce qu’il a de nouveau à nous offrir. Plonger dans ses romans comprend toujours une part de risque pour le lecteur qui n’en sort jamais tout à fait indemne. Celui-ci ne fait pas exception à la règle, même que… Disons, que j’étais content de le terminer ce matin, question de respirer un autre air moins vicié.
Dans Le vide, on suit trois personnages dont les destins s’entrecroisent et s’entremêlent sans arrêt. Max Lavoie est un riche milliardaire qui produit et anime Vivre au Max, l’émission à sensation qui bat tous les records d’audience. C’est une télé-réalité sans limite où les gens réalisent des rêves de tous genres. Frédéric Ferland est un psychologue désabusé par son travail qui cherche des sensations nouvelles pour se sentir en vie. Pierre Sauvé est un détective ayant survécu à une terrible tuerie en plein cœur de Drummondville. Il a du mal à s’en remettre. Évidemment, le vide est l’élément qui unit tout ce beau monde. Si vous connaissez le travail de Senécal vous savez que tous les ingrédients sont présents pour créer un bon thriller.
À part une scène particulièrement dérangeante vers la toute fin qui m’a presque fait vomir, c’est surtout l’aspect psychologique qui est poussé à sa puissance maximale plutôt que l’action en elle-même. Il prend le temps d’installer lentement les ficelles de son intrigue. Non seulement ça fonctionne, mais c’est nécessaire dans les circonstances. Senécal réussit excessivement bien à cerner ce vide existentiel que nous ressentons tous un jour ou l’autre. À la lecture du roman, le vide s’insinue en nous presqu’à notre insu. Plus on avance dans la lecture, plus on sent un certain vertige qui peut se transformer en angoisse profonde si on est moindrement vulnérable. Les âmes fragiles ou dépressives doivent vraiment s’abstenir de lire ce livre car le portrait qu’il brosse de l’existence, de l’être humain et de nos sociétés est loin d’être reluisant.
Si vous n’avez pas froid aux yeux, plongez tête première dans Le vide. Vous ne le regretterez pas, c’est un bon Senécal.
Le vide, Patrick Senécal, ALIRE, 642 pages

De belles rencontres

Dans le cadre de l’émission littéraire Encrage que j’anime et réalise chaque samedi sur les ondes de CKRL, saison après saison mon équipe et moi avons la chance de nous entretenir régulièrement avec des auteurs de tous horizons. Contrairement à beaucoup de journalistes affectés au monde littéraire, nous prenons le temps de lire les ouvrages de nos invités. Si parfois l’exercice s’avère pénible, en d’autres occasions il nous permet de faire d’heureuse découvertes et de belles rencontres qui avaient toutes les chances de ne pas l’être.
C’est ce qui m’est arrivé dernièrement avec François Lavallée, Sylvie Leblanc et Geneviève Porter. L’entrevue que j’ai menée avec chacun d’entre eux a été un beau moment d’échanges autour de leur travail respectif. Aucun n’a la prétention d’avoir écrit le livre du siècle, mais ils sont tous mués par un réel désir d’écrire et de partager leur passion.
En lisant leurs livres, je n’ai pas eu de révélations littéraires mais j’ai senti (et de les rencontrer en personne me l’a confirmé) une démarche sincère et honnête dans leur travail. Ce qui en résulte est aussi intéressant que de bien des livres d’auteurs confirmés que j’ai pu lire dernièrement.
Dans son recueil de nouvelles Dieu, c’est par où (Guy St-Jean), François Lavallée soulève des questions existentielles auxquelles ses personnages sont confrontés. En utilisant des situations de tous les jours, il les prend à un tournant important de leur vie. Il le fait avec intelligence, humour, simplicité et vérité.
Dans Le bonheur au quotidien (Novalis), Sylvie Leblanc utilise des moments difficiles vécus avec son mari et ses enfants pour illustrer le fait que le bonheur peut être puisé à même ces situations. Ce livre de psychologie pratique écrit sous forme de témoignage personnel peut certainement aider des gens parfois dépassés par la dure réalité de leur quotidien. C’est parfois naïf, mais toujours sincère.
Dans Les sens dessus dessous (Guy St-Jean), Geneviève Porter aborde la nouvelle sous l’angle du fantastique et flirte parfois avec le polar. Elle s’amuse à déjouer la réalité en faisant basculer ses personnages dans les méandres du temps et de leurs craintes profondes. C’est parfois un peu appuyé, mais dans l’ensemble c’est senti et ça demeure un recueil de nouvelles bien construit.
Bref, de belles rencontres et beaucoup de préjugés en moins!

Bonheurs d’occasion

Avec cette nouvelle rubrique, je souhaite mettre en lumière des titres qui, même s’ils ne se retrouveront pas en haut de mon palmarès annuel, valent la peine qu’on s’y attarde. Des titres qui ne feront malheureusement pas la une des cahiers livres et qu’on pourrait facilement oublier. Ce serait dommage. En vous en parlant, je me dis qu’ils vous plairont peut-être encore plus qu’à moi? Dépendamment de la sensibilité de chacun, je crois qu’ils en ont le potentiel.
Le reste du temps, Esther Croft (XYZ) : un court recueil de nouvelles dans lequel on suit plusieurs personnages confrontés au spectre de la mort, à la vie qui bascule. Esther Croft, dans un style concis et très efficace, scrute chacune de leurs réactions pour faire ressortir toute la fragilité de la vie. C’est d’une grande justesse et, surtout, ça s’inscrit dans une réelle démarche d’écrivain. Et ça, ça ne ment jamais.
Le passeur d’éternité, Roland Fuentès (L’instant même/Les 400 coups) : Ce court roman, dont l’action se passe au XVIIIème siècle, est construit autour du personnage énigmatique de Maladite, un collectionneur d’art et artiste lui-même. C’est un peu sous la forme d’un conte ou d’une légende qu’il nous est présenté. C’est très réussi. L’ambiance qu’il installe est très forte. L’écriture de Fuentès ne laisse pas le lecteur indifférent. Une belle découverte que l’univers de cet auteur dont le travail est à surveiller.
L’homme ralenti, J.M. Coetzee (Seuil) : je n’ai même pas encore lu les œuvres majeures de ce prix Nobel de la littérature et je l’aime déjà beaucoup. Fin observateur de la nature humaine, Coetzee met souvent ses personnages dans des contextes déstabilisants. Ici, Paul Rayment, affecté par la perte d’une jambe, donc aux prises avec une certaine incapacité à se mouvoir est confronté à sa solitude et au vieillissement. Au moment où on s’y attend le moins, pour notre plus grand plaisir je dois le dire, il fait apparaître le coloré personnage de la romancière Élisabeth Costello (héroïne principale de son précédent roman). C’est son arrivée qui apporte une profondeur et un souffle à ce roman, qui, sans être une œuvre majeure de la littérature, est tout à fait réussi.
Un été en banlieue, François Désalliers (Québec-Amérique) : j’avais mentionné rapidement ce titre dans un commentaire, mais je reviens à la charge parce que je crois sincèrement que François Désalliers (que j’avais découvert avec L’homme-Café) mérite de se faire connaître par un plus large public. C’est un excellent conteur et il sait ficeler de bonnes histoires simples qui ont du souffle. Elles ont du souffle parce que tous ses personnages ont de la substance. Dans celui-ci, on suit les élucubrations amoureuses et existentielles des membres d’un ciné-club privé. Grave, léger et jamais ennuyant.
Vous laisserez-vous tenter par l’un d’entre eux?