David et le salon funéraire est un petit roman pour les jeunes lecteurs de 7-9 ans paru dans la collection roman rouge chez Dominique et compagnie. Écrit par François Gravel et illustré par Pierre Pratt, il relate la première expérience de David dans un salon funéraire. Sujet inusité extrêmement bien traité par Gravel et Pratt. Un tour de force compte tenu du sujet.
David et le salon funéraire s’est d’ailleurs mérité le Prix TD l’an dernier. Je faisais parti du jury.
Dernièrement, je reçois ce courriel de mon amie Marie-Hélène qui l’a découvert grâce au Prix:
Bonjour Éric,
Je viens de terminer David et le salon funéraire et je voulais te
dire que je l’avais adoré et Loïc aussi. J’avais commencé à le lire
seule, mais j’ai finalement décidé de le partager avec Loïc qui fut
très attentif et qui a posé des questions très pertinentes. La
thématique est très bien rendue, mais surtout, c’est une histoire à
lire en toute occasion, il ne faut pas attendre d’avoir un décès dans
la famille (c’est d’ailleurs probablement le pire moment pour le
lire!). J’ai maintenant très hâte de le conseiller malgré son titre
rébarbatif (ça fait une semaine que je le présente régulièrement et à
chaque fois on me fait une grimace!)
À bientôt
MHV
En tant que membre du jury, ça fait extrêmement plaisir de lire un tel commentaire. On a dû faire un bon choix, j’imagine!
Chacun son métier #3
Dans mon billet intitulé L’obscénité des émotions, je mettais en parallèle quelques extraits de critiques pour simplement illustrer mon propos. Loin de moi l’idée de critiquer leur travail. À mon grand étonnement, s’est alors ouvert un débat sur le rôle du critique. Certains voulaient connaître ma position sur le sujet.
La voici donc.
Qu’on soit d’accord ou non avec leurs opinions, qu’ils pètent leur coche à l’occasion, qu’ils dérapent ou se perdent dans leur propos, qui’ils encensent éperdument une oeuvre qui ne le mérite pas, je trouve nécessaire le rôle des critiques. C’est un métier ingrat qui mérite notre respect. Plus souvent qu’autrement, on leur fait jouer le mauvais rôle. On les aime seulement lorsque leur critique est positive et qu’elle fait l’affaire de tout le monde. Par contre, on n’irait jamais jusqu’à leur donner le crédit pour un succès qui résulteraient de nombreuses critiques dithyrambiques. On prend plaisir à les détester et à dénigrer leurs propos quand ils osent parler en mal de quelque chose. Si c’est un bide et que le public ne répond pas à l’appel, là c’est nécessairement de la faute aux critiques qui n’ont rien compris. Cette attitude un peu enfantine me fait souvent rigoler.
En fait, au Québec, on a de la difficulté avec les critiques négatives. Si on y regarde de plus près, les mauvaises critiques sont souvent en partie méritées. C’est certain que c’est dommage pour les artisans qui y ont cru à fond, mais il arrive que, même avec toute la bonne volonté du monde, on puisse rater son coup. Il faudrait savoir le reconnaître. Une mauvaise critique bien encaissée peut permettre à un artiste de se dépasser au projet suivant ou lui permettre de se rendre compte qu’il fait tout simplement fausse route.
Dans l’ensemble, à part quelques petits réglements de compte isolés et quelques incompétents, je crois que les critiques font un travail honnête. Il ne faut pas oublier que, contrairement au grand public, ils bénéficient d’une position privilégiée. Si un critique doit, année après année, évaluer une bonne partie de l’ensemble d’une production, il est peut-être normal qu’il sache y détecter les forces et les faiblesses inhérentes à chacune. Il est également important de se rappeler qu’ils font leurs critqiues en fonction de ce qu’ils sont et non en fonction de toute la population.
Si le rôle du critique est de nous aiguiller dans nos choix, le nôtre est d’apprendre à faire la part des choses, à avoir confiance en notre jugement et à développer notre propre sens critique.
Pour ce qui est des créateurs, ils n’ont qu’à se croiser les doigts en espérant recevoir les éloges des critiques et apprendre à être bon joueur. Se faire fusiller sur la place publique par les critiques fait aussi partie des risques du métier. Tout le monde sait ça avant de se lancer, mais ça peut s’oublier vite!
Quand qu’on veut…
À quel niveau de scolarité croyez-vous que l’on puisse faire des fautes semblables?
- Éphronthé (effronté)
- Maison entée (hantée)
- Un nectar de terrain (hectare)
- Papier russe (papyrus)
- Elle l’avait mal
«Quand qu’on veut» (autre exemple provenant de la même source) on peut, n’est-ce pas?
Eh bien, si l’on en croit ces exemples, tirés du Journal de Québec du 23 décembre dernier, les futurs profs inscrits dans sept facultés de l’éducation cet automne devront vouloir réapprendre à écrire.
Le taux d’échec à l’examen d’admission de français serait pire que celui de l’an dernier, le plus haut taux, soit 78 %, ayant été obtenu à l’Université de Montréal, et le plus bas, à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, avec 53 %.
Pour réussir, les futurs enseignants devaient obtenir une note minimale de 75 %. Les résultats ont en effet frôlé les 70 %… mais ce pourcentage représente plutôt le taux d’échec dans quatre autres universités (Laval, du Québec à Montréal, du Québec à Rimouski et du Québec en Outaouais; celle de Sherbrooke n’a pas fourni les statistiques demandées), où il jouait entre 65 et 69 %.
Du travail pour nous en perspective…
La tourneuse de pages
Ce film de Denis Dercourt n’est vraiment pas sans rappeler ceux de Claude Chabrol. Il serait un croisement parfait de Chocolat et La cérémonie. Même cadre, même atmosphère, même tension dramatique, même étrangeté. C’est appuyé par des performances d’actrices remarquables.
L’histoire, qu’il est préférable de ne pas trop dévoiler, tourne autour d’Arianne qui est concertiste de renommée et Mélanie ex-musicienne qui devient la tourneuse de pages de la musicienne. On suit subtilement les liens qui se tissent entre elles sans jamais savoir ce qui se cache derrière leurs intentions respectives. C’est là que réside toute la force de ce film. Dès les premières images, le cinéaste installe une ambiance forte et particulière autour de ces deux personnages énigmatiques. L’intrigue est pourtant simple, mais l’intelligence de la caméra et la concision du scénario suffisent à maintenir l’intérêt du spectateur jusqu’à la fin.
Catherine Frot prouve hors de tout doute qu’elle peut aussi bien jouer dans un registre comique que dramatique. Elle est très convaincante et touchante dans ce personnage de musicienne bourgeoise fragilisée par un accident. Deborah François, qui joue la tourneuse de pages, brille par sa froideur et sa retenue. Inquiétante au point de nous faire parfois frémir. Toute une révélation.
La tourneuse de pages est un film à voir si vous êtes du genre à aimer les films d’atmosphère. Vous ne le regretterez pas.
L’obscénité des émotions
En écrivant Cher Émile, j’ai pris le parti de parler d’homosexualité par le biais des émotions. Tout au long du processus de création, je cherchais à trouver le sentiment juste en le ramenant toujours à moi. C’est ce qui lui confère son côté introspectif. Puisque je parlais d’homosexualité, j’ai volontairement évité de parler de sexualité de façon explicite comme on le fait souvent dans la littérature gay.
Et pourtant…
À travers les critiques dont a fait l’objet mon roman, j’ai été surpris de constater à quel point les émotions pouvaient sembler impudiques. En lisant certaines d’entre elles, j’ai même l’impression d’avoir écrit un roman plutôt croustillant.
En voici la preuve:
« Cher Émile cherche à déstabiliser le lecteur par son témoignage exhibitionniste. Simard se met à nu devant cet Émile et, comme s’il laissait les rideaux de sa chambre à coucher ouverts… » – Revue être
« Dans une correspondance à ce Cher Émile il donne libre cours à ses sentiments. » – Culturehebdo.com
“Sentiment de culpabilité d’un voyeur assouvi!… » – La Voix du village
« Presque sans pudeur, il raconte la douleur comme le bonheur qui ont traversé les relations amoureuses successives qu’il a connues…. » – Nuit blanche
Une question se pose: de nos jours est-il plus obscène de parler des émotions ou de sexualité?
Palmares 2006: littérature jeunesse
Je termine mon volet palmares avec les meilleurs romans jeunesse lus cette année:
1. Les neuf dragons, Pierre Desrochers (Soulières/Graffiti +)
2. Entre chiens et loups, Malorie Blackman (Milan/Macadam)
3. Taxi en cavale, Louis Émond (Soulières/Graffiti)
4. Mon royaume pour un biscuit, Francine Allard (HMH/Caméléon)
5. Une vie Ailleurs, Gabrielle Zevin (Albin Michel Wiz)
6. Trois soeurs (presque) parfaites, Narinder Dhami (Hachette/Planète filles)
7. La fatigante et le fainéant, Francois Barcelo et Anne Villeneuve (Soulières/Chat de gouttière)
8. David et le salon funéraire, François Gravel et Pierre Pratt (Dominique et compagnie/roman rouge)
9. Lady Grace: un assassin à la cour, Patricia Finney (Flammarion)
10. Le petit carnet rouge, Josée Ouimet (HMH/Atout histoire)
Palmares 2006: cinéma
Voici les cinq meilleurs films que j’ai vus en salle cette année:
1. Babel, Alejandro Gonzalez Innaritu (États-Unis)
2. Le temps qui reste, François Ozon (France)
3. Lemming, Dominik Moll (France)
4. Changement d’adresse, Emmanuel Mouret (France)
5. Manderlay, Lars Von Trier (Danemark, etc.)
Apprendre à être heureux
Cet après-midi à la librairie, une cliente s’adresse à moi en me tendant un papier sur lequel on pouvait lire ceci:
Apprendre à être heureux
Boris Cyrulnik, 2006
Spontanément, je lui tends De chair et d’âme, le titre qu’a fait paraître Cyrulnik en 2006. Elle me regarde étonnée en me disant qu’elle avait pris sa référence dans L’actualité. Je fais un air sceptique en me dirigeant vers l’ordinateur pour m’assurer que Boris Cyrulnik n’avait signé aucun livre portant le titre mentionné ci-haut.
En faisant ma recherche (je ne trouvais rien évidemment), elle ajoute que chez Archambault il ne l’avait plus. Fouetté dans mon orgueil de libraire comme je le suis toujours dans ces cas-là, j’appronfondis encore plus ma recherche.
Finalement, j’arrive à démêler tout ça. Apprendre à être heureux n’a évidemment pas été écrit par Boris Cyrulnik mais plutôt par Stefan Klein .
Après le lui avoir prouvé concrètement, je la regarde en souriant et je lui dis:
« Madame, vous venez de faire la différence entre un disquaire et un libraire! »
Palmares 2006: lectures
Voici la liste des dix livres que j’ai le plus aimés au cours de cette année qui s’achève:
1. Il faut qu’on parle de Kevin, Lionel Shriver (Belfond)
2. Le temps n’est rien, Audrey Niffenegger (J’ai lu)
3. Un sentiment d’abandon, Christopher Coake (Albin Michel)
4. Generations of love, Matteo B.Bianchi (Grancher)
5. Puisque rien ne dure, Laurence Tardieu (Stock)
6. Hadassa, Myriam Beaudoin (Leméac)
7. Mitsuba, Aki Shimazaki (Actes sud/Leméac)
8. Palimpseste, Gore Vidal (Galaade)
9. Patricio, je t’aime. Papa., Walter Veltroni (Galaade)
10. L’usage de la photo, Annie Ernaux/Marc Marie (Folio)
De votre côté, quels sont les titres qui vous ont fait vibrer cette année?
Chacun son métier #2
Le très populaire chef Martin Picard du restaurant Au pied de cochon a fait paraître cet automne un beau livre qui est devenu un des succès de la saison. Le travail d’édition est de grande qualité. Étonnant même puisqu’il a été fait de manière indépendante. Ne voulant certainement pas faire n’importe quoi, Martin Picard a su s’entourer et le résultat est impressionnant. Tous les médias l’ont encensé avec raison. L’album, à l’image du chef, est une célébration de la chair loin de l’épicurisme propret de Chrystine Brouillet ou de Francine Ruel. Outre des recettes, on y retrouve des textes, des photos et des planches de bandes dessinées. Beaucoup plus qu’un simple livre de recettes.
Là où le bat blesse, c’est au niveau de la mise en marché du livre. Si on a bien conseillé Martin Picard pour l’aspect éditorial, il en est tout autrement en ce qui a trait à la distribution de son livre.
Quand les médias ont commencé à parler du livre, une grande majorité de librairies n’en connaissaient même pas l’existence; à part les grandes chaînes bien entendu à qui on avait offert une certaine exclusivité. Les bonnes petites librairies personnalisées, qui n’avaient pas été contacté, on du se débrouiller avec les moyens qu’ils avaient pour réussir à le commander afin de satisfaire leur clientèle avisée.
Résultat : les meilleures librairies du Québec ne pouvaient répondre à la demande alors que le livre Au pied de cochon ornait déjà les vitrines des grandes chaînes.
Ce n’est pas tout. Martin Picard et sa bande, ne connaissant pas les enjeux de la distribution, plutôt que de fixer un prix de vente au détail comme c’est le cas dans le domaine du livre, ont fixé un prix d’achat laissant le libraire décidé de son prix de vente.
Résultat : au restaurant Au pied de cochon et dans certaines grandes chaînes, on le trouvait à $60.00 et dans la plupart des bonnes petites librairies à $75.00. La clientèle avisée a évidemment reproché aux bonnes librairies de le vendre trop cher.
Ce n’est toujours pas tout. N’ayant pas de distributeur attitré, le livre était offert en consignation aux librairies. Normalement, lorsqu’il s’agit d’une consignation, la librairie paye les livres une fois qu’ils ont été vendus. S’il en recommande, comme ce fut le cas avec l’album Au pied de cochon, il devrait logiquement les payer une fois cette nouvelle commande écoulée. Martin Picard et sa bande, grisés par leur succès, ne l’entendent pas comme ça. Ils exigent que les librairies payent au fur et à mesure une fois leur première commande vendue. Les bonnes petites librairies sont un peu prises en otage. Cesser de le commander ou répondre aux demandes de leur clientèle avisée?
Résultat : on laisse un chef-cuisinier nous dicter les règles de la distribution de son livre.
Conclusion : si on ne s’improvise pas chef-cuisinier, on ne devrait pas non plus s’improviser distributeur de livres.