Tous les articles par Eric Simard

Jet d’encre

Jet d’encre, c’est une super belle revue littéraire chapeautée par le département des lettres de l’Université de Sherbrooke. Depuis trois ans, les collaborateurs font tous les efforts nécessaires afin d’offir une revue de grande qualité. Le résultat, à commencer par l’esthétisme de la revue, est assez remarquable. Depuis trois ans, ils se débattent pour la faire connaître, la rendre visible et rejoindre les amateurs de littérature. Cet aspect est beaucoup moins évident. Jet d’encre est encore trop méconnue et mérite qu’on s’y attarde. Si on tarde trop à la découvrir, elle risque de faire naufrage comme tant d’autres projets culturels de qualité. Je tiens cette triste information de mon amie July qui s’implique dans ce projet depuis le début. Dans le dernier numéro tout rose (Été 2006 – numéro 8), elle signe une courte nouvelle très intense. Vous y trouverez également des textes de Luc Larochelle, France Daigle, Pierre Nepveu et de plusieurs jeunes auteurs à la plume singulière.
En résumé: les ventes des prochains numéros seront cruciales pour l’avenir de la revue (en guise de solidarité, je me suis empressé d’acheter mon exemplaire et je compte récidiver lors des parutions prochaines).
Mon billet s’adresse avant tout aux lecteurs mais également à mes collègues libraires qui n’auraient pas cette revue sur leurs rayons. Quelques points de vente supplémentaires profiteraient sûrement à Jet d’encre.
Si vous voulez en savoir plus sur Jet d’encre, je vous invite à consulter leur site web au lien suivant:
http://www.pages.usherbrooke.ca/jet_dencre/public_html/index.html

Le temps n’est rien

Avant de partir en vacances, quelques mots pour vous parler du roman par excellence à lire durant vos vacances, et ce, que vous soyez un homme ou une femme. Il s’agit du surprenant Le temps n’est rien d’Audrey Niffenegger (J’ai lu, 17.95), une histoire d’amour métaphysique dans laquelle on plonge sans pouvoir en sortir tellement c’est fascinant. Vous oublierez tout pendant votre lecture. Vous ne serez qu’ avec Claire et Henry, hors du temps. Vous risquez de passer à travers une gamme d’émotions qu’on ressent rarement à la lecture d’un roman. Bref, un plaisir complet. Je dois cette découverte littéraire à mon confrère Patrick du Prix des libraires. L’amour des livres se situe également à ce niveau, celui de pouvoir se passer le relais les uns aux autres. C’est à mon tour de vous mettre sur cette piste. Bonnes lectures de vacances!

Lemming

Au sortir du cinéma, après le visionnement du film Lemming de Dominik Moll, j’étais dans un état second et plutôt perplexe. Oui, j’avais aimé, mais…Tout ce que je trouvais à dire était que le scénario m’apparaissaît boîteux dans la seconde partie du film qui avait pourtant démarré sur des chapeaux de roues. Je prenais un malin plaisir à voir évoluer le personnage presque démoniaque d’Alice joué d’une façon magistrale par une Charlotte Rampling à son meilleur. …mais dans l’ensemble c’était bien, sans plus. Un bon film psycho-schizo. Quelques jours plus tard, j’avoue que le petit lemming a su se frayer un chemin et faire sa niche à l’intérieur de moi. Je n’arrête pas d’interpréter et de réinterpréter le scénario. Chaque interprétation que je lui confère me plaît, même les plus étranges. J’adore quand un film continue de faire son travail bien après la projection. C’est une très belle qualité et un très bon signe. Faible, le scénario? Peut-être plus efficace qu’il n’y paraît. Cette histoire de lemming (petit rongeur de la Finlande) qui se retrouve coincé dans l’évier du couple (fort bien campé par Laurent Lucas et Charlotte Gainsbourg) et de cette Alice qui s’infiltre en même temps dans la vie de ces gens-là n’est finalement pas piquée des vers. Oui, c’est un film psycho-schizo qui brouille les pistes et surtout qui distorsionne la réalité. La perception qu’on peut avoir des choses s’en trouve alors passablement affectée. Si vous avez envie d’un film étrange et irrationnel flirtant avec le fantastique, Lemming serait plus désigné que OSS 117 :-)

De sang-froid

Je me promettais de lire De sang-froid de Truman Capote depuis 1989! C’est un auteur que j’aime beaucoup mais j’y résistais toujours probablement à cause du sujet. 17 ans plus tard, c’est chose faite grâce à l’impressionnant film Capote de Bennett Miller et l’incroyable prestation de Philip Seymour Hoffman dans le rôle de l’auteur (je ne suis pas le seul, le roman est remonté dans les palmares de ventes des librairies). Le film, qui retrace toute l’enquête de Capote autour d’un quadruple meurtre crapuleux et qui se transforme en quête existentielle maladive pour devenir De sang-froid (son plus grand succès littéraire), est tout simplement fascinant. Donc, avant d’entamer ma lecture, je possédais toutes les clés qui me permettaient de connaître tout le cadre et le propos du roman et d’en comprendre tout le processus de création. J’avais accès à l’envers du décor, en quelque sorte. Peut-être un peu trop. Le roman, qui a tout de même réussi à maintenir mon intérêt du début à la fin, n’est jamais parvenu à créer sur moi le même effet ressenti à la vision du film. Malheureusement, ma lecture de De sang-froid n’aura pas été une expérience inoubliable. Il m’a, par contre, davantage fait apprécier le film. Bennett Miller est peut-être parvenu à amener encore plus loin une oeuvre déjà marquante en en créant une autre plus forte! Pour apprécier le roman à sa juste valeur, je crois qu’il est préférable de le lire avant le visionnement de Capote, le film. Votre expérience n’en sera que plus mémorable.

C’est pour ça qu’on écrit

Sur le site du Voir, je suis tombé sur ce commentaire ce matin, juste avant d’aller travailler. J’en ai eu les larmes aux yeux.
Cher Émile, une recherche d’estime de soi contagieuse
J’avais quelques réticences avant de lire « Cher Émile »:
Le propos risquerait d’être intello, après tout l’auteur est un libraire.
Le récit ne me toucherait pas directement, après tout, je ne suis pas homosexuelle.
La forme choisie, celle de reproduire les lettres du personnage principal à son ami, risquerait de devenir lassante, de manquer de fluidité.
La vérité est toute autre!
Primo, le personnage principal , du même prénom que l’auteur, Éric, vit une sérieuse remise en question et ne parle pas du tout un langage intellectuel, mais celui du coeur.
Secundo, on dit que l’amour n’a pas de sexe, qu’il s’exprime de la même façon peu importe le sexe de la personne aimée. Eh oui. voilà un autre livre pour argumenter la chose, mais encore, le fait de situer une aventure de recherche amoureuse dans une dynamique homosexuelle permet de parler de la difficile quête de l’estime de soi, quand on se sent différent de la majorité. Mais sur le plan de l’intériorité, vous en connaissez beaucoup de gens, vous, qui peuvent s’identifier à la majorité? Alors ce sentiment, généralisé, de différence s’exprime peut-être plus facilement avec un personnage homosexuel…
Tertio, lire les lettres qu’Éric envoient à Émile ne nuit en rien au suspense. Au contraire, sa quête sonne tellement véridique qu’on se demande à chaque fois où il en est dans ses prises de conscience, dans son vécu. Aussi houleuses que peuvent être ses péripéties, on s’attache au « je » du livre. Quand il dit en début d’une de ses lettres, la plus lumineuse,  » j’espère que cette lettre se rendra à toi  » Je crois que toutes ses lettres se rendent très bien au personnage Émile et au lecteur que nous sommes.
Éric Simard a réussi le plus difficile exercice qui soit, écrire un livre, qui aborde à la fois, la fragilité humaine et l’espoir. « Cher Émile » est un livre touchant, une recherche d’estime de soi contagieuse.
Lyse Trottier 9 juillet 2006

C’est vraiment pour ça qu’on écrit.
pour voir les autres commentaires: http://www.voir.ca/livres/livres.aspx?iIDArticle=41984

Le temps qui reste

Avec mon carnet, je souhaitais créer une sorte de communauté culturelle. Si je me fie à la réponse rapide avec laquelle vous avez répondu à mes deux premiers billets, ça augure plutôt bien. Aussi, suite au courriel que j’ai fait parvenir annonçant la mise au monde de mon blogue, dès le lendemain, lecteurs.ca le mettait à sa une (voir page d’accueil du site) et je recevais aussi un courriel d’un inconnu qui m’invitait à faire connaître le sien et lui se chargerait de faire connaître le mien. En plein le genre de truc que j’aime. C’est un français installé à Montréal qui vient de créer un espace voué au cinéma français s’adressant aux anglophones! Inusité mais intéressant. Voici le lien:
http://forgivemyfrenchfilms.blogspirit.com
Ce préambule est un excellent prétexte pour vous parler du nouveau film de François Ozon « Le temps qui reste ». Même si Ozon ne m’avait pas encore jeté par terre par sa filmographie, je ne pouvais résister à l’envie d’aller voir son travail. « Sitcom » (complètement débile), « Gouttes d’eau sur pierres brûlantes » (avec la bizarroïdes et incomparable Anna Thompson – vous avez vu « Sue perdue à Manhattan » j’espère!), « Huit femmes » (l’interprétation d’Isabelle Huppert de la chanson « Message personnel » est inoubliable), « Sous le sable » (lumineuse Charlotte Rampling), « Swimming pool » (perfide Ludivine Sagnier) et « 5 x 2″ (la toujours à fleur de peau Valéria Bruni-Tesdeschi) m’ont tout de même laissé de bons souvenirs. Mais là, avec « Le temps qui reste », fillm profondément humain, François Ozon signe une oeuvre très personnelle et achevée. Chaque réplique a sa place. Chaque plan a sa raison d’être. Tout est savamment orchestré. Tout est vrai. C’est parfois dérangeant, jamais complaisant, mais toujours d’une justesse vertigineuse. Il évite tous les clichés liés à une mort imminente. C’est de l’émotion brute, vraie. Melvil Poupaud s’est complètement abandonné au personnage. Il crève l’écran et nous subjugue du début à la fin. De loin sa plus grande performance d’acteur. Et je n’ai même pas encore parlé de Jeanne Moreau, de Valéria Bruni-Tesdeschi et de tout ce qui rend ce film inoubliable. Enfin le film de François Ozon que l’on attendait depuis longtemps!

Palimpseste

Hier matin, j’ai terminé la lecture de l’impressionnant « Palimpseste » de Gore Vidal et j’en suis encore tout habité. J’ai l’impression d’avoir fait une rencontre marquante comme ce fut le cas il y a quelques années après la lecture de « La symphonie des adieux » d’Edmund White (disponible en 10/18). Deux auteurs intègres au style flamboyant qui nous parlent d’une autre Amérique, celle qu’on devrait mieux connaître probablement. Dans « Palimpseste », Gore Vidal relate les 39 premières années de sa vie (d’une richesse inouïe) de manière imparfaite, parfois floue, faussement vraie comme l’est la mémoire, du moins celle qui subsiste. En même temps, c’est d’une honnêteté remarquable. À travers les 600 pages, on croise Anaïs Nin, Truman Capote, Jack Kerouac, John F. et Jackie Kennedy, Tennessee William et une foule de gens qui ont marqué l’histoire américaine du siècle dernier. C’est fait avec beaucoup d’adresse et on ne s’ennuie jamais même si on connaît mal l’Amérique des années 40-50 et 60, même si on a jamais lu (c’était mon cas) Vidal. C’est certain que je lirai éventuellement (j’en ai tellement à lire) « Un garçon près de la rivière » (disponible chez Rivages poche) et « Kalki » (rééditer tout récemment chez Galaade).