Tous les articles par Eric Simard

Écoute…

Au début de ma lecture, ce roman pour ados de la toute nouvelle série L’orphelinat des âmes perdues n’annonçait rien de vraiment palpitant.
Dans le prologue, on découvre quatre jeunes filles dans un lycée qui sont en fait des fantômes. L’une se rebelle plus que les autres face à l’autorité.
Dans le premier chapitre, on reste dans un univers d’ados similaire. Cette fois-ci, on suit un groupe de jeunes rockers. Le manque de cohésion au sein du groupe crée des conflits. On nous sert tout le cadre habituel qui va avec. Bref, un ramassis de clichés pour adolescents.
Petit à petit, sans qu’on s’en rende compte, on bascule dans une ambiance à la Stephen King et là ça devient intéressant et très prenant.
Rendu à l’épilogue, on comprend mieux le début, quoique je garde certaines réserves. Le lien sera peut-être plus évident au fur et à mesure que la série avancera.
Écoute… plaira sans aucun doute aux adolescents en quête de lecture à sensations.

L’Arbre du voyageur

Je ne sais pas ce qui se passe, mais toutes mes lectures m’enchantent actuellement. Le dernier en lice: L’Arbre du voyageur d’Hitonari Tsuji. À ce propos, vous avais-je déjà vendu les mérites de cet auteur japonais? Ce titre est un bon prétexte pour le faire puisque c’est le meilleur que j’ai pu lire de lui (il faut quand même ajouter que j’avais beaucoup aimé les autres).
L’histoire est somme toute simple. À la mort de ses parents, Yûji, un jeune homme de 19 ans, part à la recherche de son frère aîné qu’il n’a pas revu depuis une dizaine d’année. Sa quête, qui se transforme rapidement en propre quête existentielle, l’amène à Tokyo où il fait la rencontre de personnes ayant eu un lien privilégié avec ce frère manquant.
Oui, une histoire simple, mais très forte. Le personnage de Yûji est attachant et on perçoit finement tout son désarroi et toute sa sensibilité. Il y a de l’âme dans ce roman. Il m’a rappelé, en moins étrange, l’univers de Haruki Murakami. L’Arbre du voyageur serait le parfait croisement entre Kafka sur le rivage et Le Passage de la nuit.
Hitonari Tsuji joue dans la cour des grands auteurs japonais. Outre celui-ci, je vous recommande Tokyo décibels (naïve), Objectif (10/18), En attendant le soleil (Belfond) et son recueil de nouvelles La Promesse du lendemain (Phébus).
Pendant ce temps, je lirai les rares titres en français qui me restent à lire de lui.

On n’est pas là pour disparaître

Ça fait longtemps qu’une lecture ne m’a pas autant rejoint que ce roman d’Olivia Rosenthal On n’est pas là pour disparaître. Quand je tombe sur un livre comme celui-là, j’ai l’impression qu’il a été écrit expressément pour moi tellement il y a tout ce que j’aime dans la littérature. Et c’est pas tous les jours que ça arrive.
D’abord, le sujet qui sous tend toute la trame. Le style dépouillé et retenu de l’auteur. L’intelligence de l’écriture à la fois clinique et sensible.
Le sujet c’est la maladie d’Alzheimer, qui, par extension, devient celui de la disparition par l’oubli. On suit d’abord Monsieur T. qui en est atteint et qui a poignardé sa femme à coups de couteau. Il y a aussi le point de vue de la femme. Cette histoire est entrecoupée de réflexions profondes de l’auteur sur la maladie et sa propre vie qui, elles, sont entrecoupées de courtes observations biographiques de la vie du Docteur Alzheimer. C’est cette alternance de ces trois aspects qui donne toute la force au roman. La structure reproduit, d’une certaine façon, le processus mental de la maladie de A.
C’est totalement réussi. C’est un plaisir complet qui interpelle. J’aurais voulu noter l’entièreté du livre dans un carnet tellement chacune des phrases m’interpelait. Je ne l’ai pas fait. Ce sera préférable que je le relise un jour. Ça aussi c’est pas souvent que je puisse dire une chose pareille!

Tous les sens

Mardi dernier, je me suis empressé d’aller acheter Tous les sens, le dernier album d’Ariane Moffatt. Je m’explique mal mon empressement puisque son précédent Le cœur dans la tête m’avait plutôt déçu. C’est probablement le souvenir intense d’Aquanaute qui me fait faire ce genre de geste spontané que je ne regrette pas.
Tous les sens ne m’a pas déçu puisque pour celui-ci, mes attentes étaient plutôt basses. Le tournant plus pop est réussi. On a qu’à écouter Réverbère, Je veux tout et la pièce qui donne le titre à l’album pour s’en convaincre. Perséide, quant à elle, rivalise avec les chansons qu’on retrouvait sur son premier album, définitivement son meilleur.
Si Aquanaute nous révélait une artiste prometteuse de grand talent, on la cherche toujours depuis la parution de ses deux derniers disques. Ariane Moffatt semble stagner au niveau artistique. Musicalement, elle est toujours autant inspirée. Par contre, côté texte, c’est là que le bât blesse. On dirait qu’il ne reste rien de la maturité et de la profondeur de ses débuts.
Reste à souhaiter que ce ne soit que passager, ce que je persiste à croire puisqu’il est arrivé la même chose à Jorane qui vient de nous offrir le meilleur album de sa carrière après des années d’errance.

La Deuxième Vie de Clara Onyx, de la collection Hamac et un peu de moi-même

L’un des moments les plus excitants lorsque l’on travaille dans l’édition est certes celui créé par l’arrivée d’un livre directement de chez l’imprimeur. On a tous hâte d’ouvrir la boîte et de découvrir le projet devenu objet. C’est toujours un moment magique.
Aujourd’hui, avec une journée d’avance, on a reçu le roman de Sinclair Dumontais La Deuxième Vie de Clara Onyx. J’ai eu le privilège d’ouvrir la boîte et de le découvrir avant tout le monde. J’étais fébrile. En le voyant, ma joie était immense. Ma joie était immense car c’est mon premier bébé à sortir des presses en tant que codirecteur de la collection Hamac. C’était donc un moment important pour moi. Je vous jure que le résultat final est à la hauteur de mes attentes.
La sortie de Clara Onyx s’inscrit dans une volonté de changement pour notre collection littéraire. Pour marquer le coup, on a modifié la maquette. La nouvelle est tout simplement superbe. Elle a fait l’unanimité dans le bureau. Ce n’est pas pour nous vanter, mais nous aurons l’une des plus belles collections littéraires au Québec. La Deuxième Vie de Clara Onyx aura fière allure sur les tablettes des librairies et dans les mains des lecteurs. En plus, le roman est vraiment bon. Adeline et moi avons littéralement craqué pour cette histoire où le temps se met à reculer…
Intriguant, n’est-ce pas? Vous en dire plus gâcherait votre plaisir. Vous avez jusqu’à mardi pour patienter…

Bonheurs d’occasion #4

À l’abri de rien, Olivier Adam (de l’Olivier) : dans ce dernier roman Olivier Adam s’intéresse à une femme qui s’investie corps et âme pour aider des réfugiés politiques. Même s’il n’a pas la puissance de Falaises, À l’abri de rien réussit tout de même à toucher et déranger le lecteur. L’effet semble encore plus fort chez le lectorat féminin. Olivier Adam est définitivement une figurante importante de la littérature française actuelle.
L’aventure amoureuse, Jean-François Vézina (L’Homme) : si j’avais un auteur préféré à choisir au rayon de la psychologie populaire, ce serait sans doute Jean-François Vézina. Il aborde la psychologie intelligemment en faisant confiance au lecteur. J’avoue qu’au début de ma lecture de celui-ci, j’ai eu peur car dans L’aventure amoureuse, il cartographie l’amour comme s’il s’agissait d’une contrée, d’une destination. Chaque parcelle de territoire représente l’une ou l’autre des phases amoureuses. Kétaine, direz-vous? Pas du tout. Ça tient la route et ça nous interpelle où que l’on soit dans cette lande amoureuse.
Ton kaki qui t’adore : lettres d’amour en temps de guerre, Denys Lessard (Septentrion) : dans cet irrésistible et charmant petit livre, c’est un amour naissant que l’on découvre. Celui de Janine et Gérard, les parents de l’auteur. C’est une infime partie des lettres qu’ils se sont échangées dans les années quarante qu’on y retrouve. J’ai d’autant plus d’affection pour ce livre car c’est le premier que j’ai travaillé avec les médias dans le cadre de mes nouvelles fonctions. La réception a été bonne et avec raison. À vous maintenant de le découvrir.
Beau rôle, Nicolas Fargues (P.O.L.) : À part que ça belle gueule ne laisse pas les filles de marbre, Nicolas Fargues semble très doué pour l’écriture. Beau rôle m’a complètement séduit. Son personnage d’Antoine (mi-trentaine, chiant, drôle, fragile et lucide) porte un regard aiguisé et parfois acerbe sur ce qu’il vit. On acquiesce autant à sa vision qu’on la déteste. D’ailleurs, c’est ce qui fait que c’est bon. Mais Beau rôle est plus que ça, c’est un tableau social que l’auteur brosse avec beaucoup talent. Dans la même lignée qu’Olivier Adam.
Au pays de mes histoires, Michael Morpurgo (Gallimard jeunesse) : Quel ravissement que ce livre! Je savais que j’aimais Morpurgo, mais là il vient de m’enchanter. Au pays de mes histoires mélange des histoires personnelles en alternance avec des histoires inventées. On comprend mieux son univers, ses inspirations, ses motivations et son importance. C’est aussi une extraordinaire leçon sur la lecture et l’écriture que tous les enseignants du primaire devraient prendre le temps de lire. C’est également une belle introduction à l’œuvre de Morpurgo si vous ne le connaissez pas.

Chacun son métier #8

Ce billet intéressera sans doute ceux qui écrivent et qui rêvent d’être publiés.
J’ai reçu dernièrement le relevé annuel de mes ventes pour mon roman Cher Émile. Puisque mon livre en est à sa deuxième année d’existence, je ne m’attendais pas à grand chose. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que j’étais plutôt dans le négatif avec un -48.60$ de droits d’auteurs.
Quand on connaît le fonctionnement de la mise en marché du livre, l’étonnement ne dure pas longtemps. Le -48.60$ indique simplement qu’il y a eu plus de retours de mon livre chez le distributeur que de ventes.
Avec le rayonnement que mon livre a eu et qu’il continue d’avoir, j’étais tout de même loin de me douter que mon relevé afficherait un tel résultat. En même temps, on devrait toujours s’y attendre compte tenu du contexte fragile qui prévaut dans le milieu littéraire québécois. Ça prouve aussi que, chaque fois que quelqu’un achète le livre d’un auteur, c’est un geste qui compte en bout de ligne.
Heureusement que mes rêves d’écrivain se sont transformés avec le temps. Je suis plus à même de vivre et de comprendre ce genre de situation. Je suis plus réaliste. Entre autre, je sais que ce que je vis par rapport à la réalité du marché est le lot de la plupart des auteurs.
Tout ça ne m’empêche pas de toujours avoir le goût d’écrire et d’être publié.

La 10ième soirée des Jutra

Avec le temps qui faisait aujourd’hui ajouté à mon rhume qui me force au repos, je me faisais une petite joie de m’installer confortablement devant mon écran de télévision pour écouter la dixième remise des Jutra.
Quel rendez-vous raté! J’avais l’impression de regarder une mauvaise soirée consacrée à l’égo de Normand Brathwaite et son Brume de nuit, un faux film faussement drôle qui a volé la vedette aux bons films québécois de la dernière année.
La disposition de la salle façon talk-show a tué toute la magie et la fébrilité propre aux galas. Aucun suspense dans l’air et un malaise palpable du début à la fin. C’est vraiment dommage pour les artisans du cinéma québécois qui méritaient mieux que ça. Une soirée vraiment pas à la hauteur de notre septième art.
De toute manière, le vrai plaisir du cinéma est dans la salle au moment où le film est projeté. Contre toute espérance, qui a valu le Jutra de la meilleure actrice à Guylaine Tremblay, m’avait procuré un moment intense d’émotion l’an dernier tout comme Borderline vient de le faire vendredi.
J’espère que Continental, le grand gagnant de la soirée, reprendra l’affiche puisque celui-là, je l’avais malheureusement raté à sa sortie. Si au moins cette remise de prix peut servir à ça, ce sera toujours au moins ça de gagner!