Maxime-Olivier Moutier

Je ne pensais jamais écrire un billet sur cet auteur. Je pensais encore moins le faire de façon aussi positive. Pire, je ne pensais jamais relire un roman de Maxime-Olivier Moutier. Ses Lettres à mademoiselle Brochu sentaient la redite. Je l’avais lâché en plein milieu sans jamais le finir. Je trouvais qu’il était allé jusqu’au bout de son style incisif, nerveux, baveux et narcissique qui m’avait au préalable beaucoup interpelé dans son lucide recueil de nouvelles Risible et noir et touché dans son vibrant roman Marie-Hélène au mois de mars.
Grâce au Prix des libraires du Québec, j’ai lu le dernier Moutier qui marquait son retour à la vie littéraire après cinq ans d’absence. Et quel retour! En lisant Les trois modes de conservation des viandes on découvre un auteur d’une grande maturité en pleine possession de ses moyens. C’est la vie qui veut ça et c’est tant mieux. Cette maturité est palpable au détour de chaque phrase et c’est ce qui insuffle une telle force à ce roman inespéré. Le regard qu’il pose sur lui et sur les autres n’est plus le même qu’avant. Si son propos est toujours un peu provoquant, son écriture est maintenant plus nuancée, plus posée, plus réfléchie et beaucoup plus sentie. Ça se sent du début à la fin. Comme quoi un long temps d’arrêt peut parfois s’avérer salutaire pour un auteur.
Les trois modes de conservation des viandes m’a tant plus parce que j’ai aimé sa vision humaine, aimante et réaliste du couple et de la vie de famille. Son point de vue sur la paternité, en plus de m’apparaître assez juste, est à la fois percutant et touchant.
Au sujet du rôle des parents, il écrit ceci : « grâce au progrès, au siècle et à sa science, les enfants, ça n’entrave plus les désirs et le choix des adultes. Plus maintenant ».
Et de l’amour : « Car quand bien même je parlerais la langue des hommes et des anges, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien ».
C’est ça le nouveau Moutier et on a hâte au prochain.

Deux poids, deux mesures

Samedi dernier pour mon passage à RDI en direct, je n’ai reçu aucun cachet ni aucun dédommagement. La coordonatrice du Prix des libraires du Québec a tout fait pour que je puisse en avoir un. Rien à faire. Les responsables de l’émission considéraient mon passage comme de la promotion culturelle. Rien n’est accordé à ce genre d’intervention. Puisqu’on est à RDI, il aurait fallu que ce soit lié à l’information pour que j’obtienne un cachet. Pourtant, ce sont eux qui voulaient recevoir un membre du comité pour dévoiler les finalistes de cette année. Moi le con bénévole, je suis juste parti de Québec pour y aller, je me suis juste levé à cinq heures du matin et je me suis juste préparé pour bien parler des livres que je devais défendre.
L’an passé, toujours pour dévoiler les finalistes du Prix des libraires, j’ai été invité à la radio de Radio-Canada à l’émission de radio Vous m’en lirez tant animé par Raymond Cloutier. J’ai obtenu $75,00 pour mon déplacement. Si je n’avais pas demandé s’il y avait un cachet, je n’aurais rien obtenu. J’ai appris récemment qu’une de mes consœurs d’une autre librairie, pour son passage à la même émission dans un autre contexte, a obtenu un cachet de $150.00.
À l’automne 2004, à raison d’une fois par semaine, on m’a proposé de faire des chroniques littéraires à la télévision de Radio-Canada au Téléjournal-Québec. Projet emballant, équipe emballante, mais aucune mention de cachet pour le travail que j’allais effectuer. Encore une fois, si je n’avais pas demandé, je n’aurais rien eu. Je n‘ai jamais réussi à avoir un rendez-vous formel pour discuter du cachet avec le responsable. On m’a imposé $50.00 par chronique. Je couvrais trois livres à chaque fois.
C’est navrant de voir que Radio-Canada n’a aucune politique ferme concernant les cachets consentis aux invités. Je sais pertinemment que si j’avais une notoriété publique, on m’aurait traité avec respect et on m’aurait versé un cachet satisfaisant sans que j’aie à le demander. Ce n’est pas normal qu’une société d’état agisse de cette façon. Leur pratique est douteuse et ressemble à de l’élitisme. Un inconnu comme moi devrait se fermer la trappe et être juste content de passer à la radio ou à la télévision. Voilà ce qu’ils pensent au fond. C’est très mal me connaître. J’ai la même valeur que quiconque et je suis en droit d’exiger une redevance équitable à celle d’un autre, connu ou inconnu.

La forêt des mal-aimés

Samedi soir, je suis allé voir le spectacle de Pierre Lapointe à Trois-Rivières. J’y allais par envie mais aussi pour faire plaisir à ma nièce qui m’avait proposé cette sortie en juillet dernier. Je me rendais à la salle J.Antonio-Thompson avec certaines appréhensions. Je craignais, entre autre, l’omniprésence de son personnage de fendant que je ne n’avais pas aimé du tout lorsque je l’avais vu il y a quatre ans. Je craignais aussi que son premier album soit éclipsé au profit du dernier qui ne m’a pas autant emballé. Bref, je n’allais pas voir le spectacle des spectacles. Et pourtant, c’est un peu ce que j’ai vu.
Sa profonde et dense forêt des mal-aimés m’a envouté pendant deux heures. C’est un spectacle d’une richesse incroyable, conceptuel sans trop l’être et assez roder pour permettre une certaine magie imprévisible entre ce qui se passe sur la scène et dans la salle. On se trompe! Pas grave. On reprend. Le matériel du premier album se marie extrêmement bien avec celui du deuxième. Tout ça finit par former un univers complet en lui-même. C’est simple, tout est bien dosé dans ce spectacle. Lapointe intervient juste assez. Son personnage fendant sait être drôle et sait se retirer au bon moment pour faire place au côté juvénile et charismatique du chanteur. D’une chanson à l’autre, on passe d’une certaine légèreté à une certaine gravité. Ça va et ça vient de cette façon du début à la fin. On est dans un autre espace-temps, hypnotisé et conquis par cet artiste unique en son genre.
L’aspect le plus réussi du spectacle est toute la partie musicale. Les quatre musiciens qui l’accompagnent sont vraiment impressionnants, en particulier Philippe Brault qui signe les arrangements. Il parvient à mettre chaque chanson en valeur pour en faire sortir toute la richesse et la puissance évocatrice des chansons de Lapointe. Il a parfaitement saisi l’univers du chanteur. À part quelques bizounages électroniques qui ajoutent une certaine étrangeté à l’enrobage musical, on a droit à de longs morceaux de violons, de contrebasse, d’accordéon, de guitares et de piano. Il n’y a rien comme d’entendre le son pur de vrais instruments. Avec la voix particulière de Pierre Lapointe, encore plus belle et plus solide sur scène que sur disque, on craque.
Entre les moments de pur plaisir jubilatoire, il m’a tiré des larmes à plusieurs reprises. Impossible de résister à Debout sur la tête , Tel un seul homme , Le lion imberbe , Vous et Maman dis-moi pourquoi . Je ne m’attendais pas à ça du tout. Il m’a eu d’aplomb.
Je ne dirai pas que Pierre Lapointe est au sommet de son art (il encore bien jeune), mais il fait preuve d’une maîtrise étonnante sur scène. Depuis deux jours, j’écoute ses deux disques en boucle pour préserver cette soirée mémorable. Sa forêt des mal-aimés n’est pas si mal finalement! Beaucoup plus touffue que je ne le croyais. Il fallait peut-être que je la traverse pour m’en rendre compte!

Le labyrinthe de Pan

Hier soir, en allant voir le film de Guillermo Del Toro Le labyrinthe de Pan, j’ai vécu une expérience limite.
En ce qui concerne le film en tant que tel, j’ai adoré toute la partie fantasmagorique du personnage de la petite fille. J’avais l’impression de plonger dans un excellent roman fantastique pour adolescents. Le personnage du Faune m’a littéralement fasciné. Là où j’ai eu du mal, c’est avec la partie réaliste, celle du Capitaine (magistralement joué par un Sergi Lopez méconnaissable). La cruauté tellement vraisemblable de certaines scènes est venue me chercher jusque dans mes viscères. À plusieurs reprises, je me suis fermé les yeux pour ne pas voir ce qui se passait. C’était trop pour moi. J’avais raison. Rendu à la moitié du film, fermer les yeux ne suffisait plus. Tout l’univers du film me dérangeait profondément. Mon corps m’embarrassait. Je me suis mis à me tortiller sur mon banc. J’avais presque l’impression que c’est moi qu’on allait torturer. Ensuite, j’ai commencé à avoir des chaleurs pour finir par me sentir complètement étourdi. Ce n’était pas juste un mauvais moment à passer. J’étais dans une situation d’inconfort total et j’avais l’impression que ça ne finirait jamais. Il n’y avait qu’une chose à faire: m’extraire de cette situation au plus vite. J’ai dit à la personne qui m’accompagnait que je sortais parce que je ne me sentais pas bien. Et je suis sorti.
Je me souviens à peine du trajet que j’ai fait mais je suis parvenu à sortir de la salle. J’ai marché comme un automate. J’avais extrêmement chaud, la tête me tournait, la lumière éblouissante m’a donné le vertige, j’ai vu le corridor du Clap tangué, je suis devenu mou comme de la guenille et je me suis laissé choir de tout mon long sur le sol. J’ai perdu la carte pendant peut-être une minute. J’ai ouvert les yeux, même si je me sentais perdu, tout m’est revenu en mémoire. Je savais où j’étais. J’ai réussi à me relever tranquillement. J’étais encore étourdi et complètement vidé. Un employé m’a apporté un verre d’eau. De boire m’a fait le plus grand bien.
C’est la deuxième fois de ma vie qu’un film me fait cet effet-là. Je suis capable de supporter bien des choses, mais pas des scènes cruelles trop réalistes. Encore moins si elles comportent du sang. Del Toro n’épargne pas le spectateur. Il ne se gêne pas pour montrer ce qu’il a à montrer. Moi, je n’ai pas supporté. Mes limites ont été atteintes.
C’est ça pour moi Le labyrinthe de Pan. Un film inoubliable en quelque sorte.
C’est puissant l’art quand on y pense!

Allitérons!

Décidément, ce blogue me donne le goût des concours. Je vous invite à participer, cette fois, à un concours d’allitération. La consonne proposée : le f. Pourquoi? Je n’ai aucune raison valable, si ce n’est que c’est avec cette lettre que j’ai moi-même allitéré. Mais rien ne vous empêche d’en choisir une autre si le cœur vous en dit, puisqu’il n’y a aucun règlement à ce concours.
Et que pouvez-vous gagner? Désolée, il n’y a pas de prix non plus. Ah, je sens que vous serez nombreux à participer…
Bernard Dupriez, dans le Gradus : les procédé littéraires (dictionnaire) (Paris, 10-18, © 1984, 2000, p. 33), définit l’allitération ainsi : «Retours multipliés d’un son identique» et donne comme exemple cette phrase bien connue de Racine :
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes?
Voici la mienne (beaucoup moins connue) :
Une jeune fille frêle et frileuse se faufile dans les méandres factices d’un fauve frénétique à la faconde facétieuse qui, dans un souffle fétide, s’affaisse avant de lancer, dans un ultime effort, sa note finale comme un feulement fou.
Qui aurait dit qu’un jour je réussirais à dépasser Racine?

Prix des libraires du Québec 2007 – les finalistes

Rien ne va plus, les jeux sont faits!
Le comité du Prix des libraires du Québec s’est réuni jeudi dernier. Nous avons mis en commun nos choix respectifs. Après le cumule de tous les pointages, nous obtenons cette belle sélection:
Romans québécois
La fabrication de l’aube, Jean-François Beauchemin (Québec-Amérique)
La clameur des ténèbres, Neil Bissoondath (Boréal)
Iphigénie en haute-ville, François Blais (L’instant même)
La rivière du loup, Andrée Laberge (XYZ)
Mitsuba, Aki Shimazaki (Leméac/Actes sud)
Romans hors Québec
L’histoire de l’amour, Nicole Krauss (Gallimard)
Les bienveillantes, Jonathan Littell (Gallimard)
Extrêmement fort et incroyablement près, Jonathan Safran Foer (de l’Olivier)
Il faut qu’on parle de Kevin, Lionel Shriver (Belfond)
Ouest, François Vallejo (Viviane Hamy)
Selon vous, qui remportera dans chacune des catégories? Les paris sont ouverts…
N.B. tous les libraires du Québec ont jusqu’au 23 mars prochain pour voter.

Deception point #2

Je les attendais avec beaucoup d’impatience l’automne dernier. Je les ai lus. J’ai été déçu. C’est comme ça!
Les murs blancs de Linda Amyot (Leméac) : Après l’émouvant et percutant Ha Long qui traitait habilement de l’adoption internationale, Linda Amyot aborde de façon intimiste le sujet de la maladie (le cancer en l’occurrence). En suivant trop de pistes (tout l’entourage du personnage principal) et à trop vouloir saisir l’indicible, l’intensité du propos se dilue de même que l’intérêt du lecteur. Dommage!
La lune dans un HLM de Marie-Sissi Labrèche (Boréal) : Avec ce troisième roman, Marie-Sissi Labrèche est peut-être en train de démontrer qu’elle n’est pas une grande romancière. Selon moi, elle n’est pas parvenue à créer une histoire cohérente en utilisant les vraies lettres écrites à sa mère (je) en alternance avec un personnage inventée de toute pièce (il). Le lien semble forcé et on a du mal à croire à son personnage de Léa qui manque visiblement de profondeur. En plus, du début à la fin, on y décèle des tics d’écriture qu’on ne permettrait pas à un jeune auteur. En voici un exemple probant: « Elle voudrait qu’elle l’adopte, qu’elle fasse d’elle le fruit de ses entrailles est béni… ».
L’amour humain d’Andreï Makine (Seuil) : Ayant pour toile de fond les révolutions angolaise, cubaine et russe, Makine délaisse son sujet de prédilection (l’amour) au profit d’un discours plus politique. On peut saluer son audace, mais l’exercice ne m’a pas semblé convainquant. J’ai compris son intention, mais je n’ai pas eu l’impression de lire ce qui se cachait derrière cette intention. Résultat : je me suis perdu tout au long du roman. N’eût été de la qualité de son écriture et de toute l‘admiration que je porte à cet auteur, je ne me serais jamais rendu jusqu’au bout. On est bien loin de La musique d’une vie.
Une belle éducation de France Théorêt (Boréal) : Pour qu’un récit puisse aspirer au titre d’oeuvre littéraire, il faut absolument qu’il soit porté par l’écriture. Je ne crois pas que ce soit le cas avec ce dernier titre de France Théorêt. L’écriture est peut-être trop minimaliste et l’auteure trop en retrait par rapport à son sujet. Plutôt que de donner de la puissance, de la profondeur et de l’émotion à son propos, ça lui en enlève. Ne reste plus qu’un témoignage honnête d’une enfance difficile.
Magnitude 9.0 de Maxime Mongeon (Leméac) : Depuis la parution de son premier roman (Une seconde d’achèvement), j’ai envie de suivre le travail de Maxime Mongeon. Je sens que, tôt ou tard, il peut nous offrir une œuvre importante. L’œuvre attendue n’est pas celle-ci. Dans Magnitude 9.0, qu’ils se trouvent à Montréal, Vancouver, Cuba ou en Thaïlande, tous les personnages de ce troisième roman subissent les contrecoups des dérèglements planétaires. Nous comme lecteur, d’un paragraphe à l’autre, on nage en eaux troubles. Tout au long, on a vraiment du mal à suivre le déroulement de l’action. On ne sait pas toujours où on se trouve, qui parle, qui pense, qui fait quoi et qui est qui par rapport à qui. S’il est volontaire, le flou ne fonctionne pas.

À vos plumes!

Si vous souhaitez ajouter une corde à votre arc, il vous reste à peine une semaine pour vous inscrire au concours d’agrément annuel de la Société québécoise de rédaction professionnelle (SQRP), qui se tiendra le samedi 24 février à Montréal (et peut-être dans d’autres villes, selon le nombre d’inscriptions).
Il faut préalablement faire parvenir son dossier de candidature à la SQRP d’ici le samedi 27 janvier prochain. Pour plus de détails sur ce que doit comporter ce dossier, rendez-vous à l’adresse suivante :
http://www.sqrp.org/pages/Devenir-membre/candidature-a-lexamen–contenu-du-dossier.aspx.
Mais mon titre ne convient plus à ce genre d’exercice, puisque pour la première fois, l’examen se fera à l’ordinateur. Quand je vous disais que nous ne pouvons échapper à la technologie dans notre domaine…