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Quand la musique est bonne

Ces derniers mois, j’ai recommencé à acheter beaucoup de disques. La plupart de mes choix se portent sur ce qu’on fait chez nous. Ce n’est pas un principe, c’est par intérêt. J’aime depuis longtemps ce que notre culture a à offrir et je me réjouis de ne pas être devenu un ersatz de la culture américaine.
Aujourd’hui, j’aimerais attirer votre attention sur quelques disques québécois qui ont été mis sur le marché cet hiver et ce printemps et que j’ai eu la bonne idée de me procurer. Des disques que je ne me lasse pas d’écouter. Non seulement je ne m’en lasse pas, mais chaque écoute me permet d’en apprécier toute la richesse. On produit vraiment d’excellents disques ici au Québec. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, chacun d’eux bénéficie d’une réalisation impeccable pleine d’inventivité et de créativité. Notre industrie musicale, grâce à une génération en pleine possession de ses moyens, est en santé. Elle mérite notre soutien. Je suis fier de lui donner le mien en posant un geste concret, c’est-à-dire en achetant ce qu’ils font.
Voici les disques qui font mon bonheur depuis quelques mois :
Tu m’intimides de Mara Tremblay (audiogram)
Il aura fallu quatre albums avant que je me décide à acheter un Mara Tremblay. Mais quel album! Un savant mélange contrôlé de tout ce qu’alla avait fait de mieux dans ses précédents. Cet album, on le doit à la maturité de l’artiste. Seul le temps qui passe permet d’offrir ce qu’elle nous a offert cette année. La réalisation d’Olivier Langevin est pesante juste comme il le faut quand il le faut.
Mon top 3:
Tu n’es pas libre
Le printemps des amants
D’un côté ou de l’autre
Donne-moi quelque chose qui ne finit pas de Stéphanie Lapointe (Musicor)
À la première écoute, la voix de femme/enfant toute en retenue du début à la fin déconcerte et déçoit quelque peu. Après plusieurs par contre, l’ensemble finit par faire son effet à notre insu et on tombe sous le charme. On se surprend à fredonner l’une ou l’autre des pièces à tout moment de la journée. Et on remet le disque dans le lecteur. Un choix artistique audacieux pour un pari gagné. Ceux qui aiment le style d’Émilie Simon aimeront.
Mon top 3: :
Eau salée
À quoi (avec Albin de la Simone)
Bang bang
Sentiments humains de Pierre Lapointe (audiogram)
J’avais mis du temps à aimer La forêt des mal aimés. J’ai aimé instantanément Sentiments humains. Je trouve que Pierre Lapointe a de moins en moins peur de mettre ses tripes dans ses chansons. Il se rapproche de ses propres sentiments. Ça fait du bien et ça fait surtout des chansons encore plus prenantes et profondes. C’est un créateur hors pair.
Mon top 3:
Je reviendrai
Les lignes de ma main
Nous restions là
Un serpent sous les fleurs de Yann Perreau (bonsound records)
J’ai hésité avant de me procurer ce nouvel album de Yann Perreau. Je ne me sentais pas dans le mood et j’avais peur de ne pas l’aimer. Comme je me trompais! C’est celui que j’écoute le plus en ce moment. Encore une fois, à la première écoute ce n’est pas évident. Aucune chansons ne se démarque réellement. D’une écoute à l’autre, elles se définissent pleinement. Musicalement, c’est fort. Rien à envier à bien des productions de gros calibres.
Mon top 3:
Beau comme on s’aime
Conduis-moi
Le plus beau rêve
Lhasa par Lhasa (audiogram)
Chaque nouvel album de Lhasa est un événement (c’est l’effet positif de la rareté). C’est également le résultat d’une artiste qui évolue et qui tente continuellement de se redéfinir. En même temps, il y a une ligne directrice. Une ligne qu’elle trace subtilement dont le tracé est tout de même annoncé à travers chacune de ses réalisations. Les couleurs folk et feutré qu’on retrouve dans ce dernier disque l’étaient dans The living road si on prend le temps de bien réécouter les chansons en anglais qu’on y retrouvait. Mais là, c’est l’album au complet qui l’est. C’est planant, émouvant. Verser des larmes à une première écoute ne m’est pas arrivé souvent. Lhasa y est parvenue avec cet album et mon plaisir ne fait que commencer…
Mon top 3:
Rising
Where do you go
Love came here

Tous les sens

Mardi dernier, je me suis empressé d’aller acheter Tous les sens, le dernier album d’Ariane Moffatt. Je m’explique mal mon empressement puisque son précédent Le cœur dans la tête m’avait plutôt déçu. C’est probablement le souvenir intense d’Aquanaute qui me fait faire ce genre de geste spontané que je ne regrette pas.
Tous les sens ne m’a pas déçu puisque pour celui-ci, mes attentes étaient plutôt basses. Le tournant plus pop est réussi. On a qu’à écouter Réverbère, Je veux tout et la pièce qui donne le titre à l’album pour s’en convaincre. Perséide, quant à elle, rivalise avec les chansons qu’on retrouvait sur son premier album, définitivement son meilleur.
Si Aquanaute nous révélait une artiste prometteuse de grand talent, on la cherche toujours depuis la parution de ses deux derniers disques. Ariane Moffatt semble stagner au niveau artistique. Musicalement, elle est toujours autant inspirée. Par contre, côté texte, c’est là que le bât blesse. On dirait qu’il ne reste rien de la maturité et de la profondeur de ses débuts.
Reste à souhaiter que ce ne soit que passager, ce que je persiste à croire puisqu’il est arrivé la même chose à Jorane qui vient de nous offrir le meilleur album de sa carrière après des années d’errance.

P’tites vites culturelles

Je tenais à faire ce bref retour sur ces films et spectacles que j’ai vus dernièrement.
Cinéma
La capture de Carole Laure (Québec) : j’ai d’abord suivi sa carrière de chanteuse avec beaucoup d’intérêt. Maintenant quelle est devenue cinéaste, l’intérêt que j’entretiens avec cette artiste marginale demeure. La capture, son troisième film, est de loin son plus achevé de ses trois. Malgré quelques petites maladresses qu’on lui pardonnera, ce film est en train de prouver que Carole Laure a sa place comme réalisatrice et elle n’a surtout pas fini de nous étonner. Teinté de symboles où la métaphore et une certaine poésie prennent souvent (mais juste assez) le dessus sur le réalisme (je pense à la scène du début chorégraphié comme un morceau de danse alors que l’on voit que les pieds du couple pendant que l’homme est en train de battre sa femme), La capture ne laisse pas le spectateur indifférent. Catherine de Léan porte littéralement le film sur ses épaules. L’alter ego de la cinéaste est une véritable révélation. Un film qui ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais qui vaut le détour pour les amateurs de films d’auteurs.
4 mois, 3 semaines, 2 jours de Cristian Mungiu (Roumanie) : ce film surprise de l’année ne laisse pas non plus le spectateur indifférent. Relatant tout le processus extrêmement compliqué d’un avortement sous le régime de Causescu en 1987, cet acte illégal illustre tellement bien ce que peut être un régime totalitaire. 4,3,2… le décompte est parti! C’est fait avec retenu et une grande subtilité. C’est dur, sombre, troublant et dérangeant. Difficile de se prononcer après la projection et les jours qui suivent. C’est un film pernicieux qui fait son œuvre lentement et sûrement. Depuis que je l’ai vu, je ressens une profonde tristesse en moi et je suis convaincu que ce que j’ai vu y est pour quelque chose. Je suis aussi convaincu que c’est un excellent film.
Spectacles
Sttellla au Petit Champlain : de voir ce groupe rigolo sur scène m’a fait bizarre. Quand je pense à Sttella, je replonge au début des années 90 alors que j’étais avec P.J. C’est lui qui me les avait fait découvrir. Durant toute la soirée, c’était comme s’il m’accompagnait. Les tartines, Dracula, Le slow du lac et quelques autres tubes inoubliables m’ont ramené à cette époque heureuse de ma vie tout en me permettant de vivre un moment présent plus que sympathique. Je me suis rarement autant bidonné à un spectacle de musique. Jean-Luc Fonck est un humoriste et un homme de scène hors pair.
(note: faudrait que je songe à payer mon billet à Gilles et à remercier mhv d’avoir imposé ce spectacle à mon agenda surchargé…)
Marie-Jo Thério et le Consort contemporain de Québec au Palais Montcalm : tout d’abord il faut le dire, la grande salle du nouveau Palais Montcalm est magnifique. Avant même que le spectacle ne commence, on a déjà l’impression que la soirée sera réussie. Et ce fut effectivement le cas. Faut dire que l’univers intimiste et éclaté de Marie-Jo Thério se marie très bien à des arrangements contemporains. Nicolas Jobin (cherchant un peu trop à être sous les projecteurs) et sa bande ont fait un impressionnant travail d’adaptation. Plusieurs moments forts en rire et en émotion dont la magnifique réinterprétation de sa pièce Cocagne tirée de son premier album. Un show unique par une artiste qui l’est encore plus.

Vers à soi

Il y a de ces disques qui ne se laissent pas apprivoiser facilement. Vers à soi, la dernière création de Jorane, est l’une de celle-là. Après la première écoute, je savais que j’étais en train d’écouter un disque à la réalisation impeccable et aux richesses indéniables. Par contre, j’étais incapable de dire si j’aimais ça. Drôle de sentiment ambigu.
Ma première écoute était à peine terminée que j’appuyais à nouveau sur play. Certaines sonorités et certaines modulations m’intimaient l’ordre de les réentendre. D’une écoute à l’autre, je traînais toujours ce sentiment d’incertitude, mais toujours je reconnaissais la qualité de ce disque. À l’heure où je vous écris, je ne sais plus combien de fois je l’ai écouté et je ne m’en lasse pas. Il m’habite complètement ce Vers à soi.
Ce disque de Jorane s’inscrit d’une manière cohérente dans sa démarche d’artiste par rapport à ce qu’elle nous avait offert avant. Elle explore d’autres avenues très inspirantes et en réempruntent d’autres qu’elle avait délaissées momentanément. Le violoncelle reprend la place qu’on souhaitait et d’autres instruments aux accents asiatiques et indiens sont maintenant de la partie. Et elle chante ses propres textes, en français seulement, pour notre plus grand plaisir. Elle les déconstruit à sa façon.
C’est singulier, nuancé, aérien, décalé, incarné, hypnotisant, obsédant. C’est tout, sauf banal. C’est du Jorane à n’en pas douter et c’est peut-être son meilleur disque jusqu’à maintenant. Je dis peut-être car ça aussi c’est une chose difficile à affirmer. Mais on s’en fout. Quand c’est bon, c’est bon, un point c’est tout!

Perreau et la lune

Bref retour sur le magnifique spectacle de Yann Perreau vu au Petit Champlain jeudi soir en très bonne compagnie (un salut particulier aux pipelettes de la belle ville;-).
Perreau fait une démonstration étonnante de l’art de la scène (plusieurs artistes devraient le prendre comme modèle). Il habite complètement l’espace de par sa présence physique et aussi grâce à toute l’intensité émotive qu’ill insuffle à ses chansons qu’il revisite en les dépouillant de tout artifice. Ça donne un spectacle aux allures de cabaret à la fois drôle, poétique et intimiste. Dans cette formule, le charisme de Perreau opère à plein régime (il n’y a pas que les filles que ça dérange, croyez-moi!).
Perreau et la lune est un spectacle que je qualifierais d’intégral offert par un artiste intègre qui ne donne que ce qu’il est et il en a beaucoup a donné. Tellement, qu’après, il n’a pas hésité à se mélanger à la foule dans le hall du Petit Champlain pour bavarder avec le public qui s’était déplacé pour le voir.
Généreux, l’artiste. Vraiment.

Chansons du temps présent

Quoi de mieux qu’une chanson pour cristalliser le temps qui passe. En cette période de déménagement et de grand changement, il y en a une qui se démarque du lot. C’est Relax, take it easy de Mika. Quand je l’entends, j’ai le goût d’exploser de bonheur, de danser comme un fou et de vivre à cent à l’heure. Elle m’émeut aussi. Va savoir pourquoi.
C’est le mystère de la création artistique.
Pendant mes vacances, c’est au rythme de Nelly Furtado que mon cœur battait. Impossible pour moi de résister à Say it right. Je ne me lasse pas de l’entendre. Chaque fois, elle vient toujours autant me chercher. Wonderful life de Gwen Stefani est en train de me faire le même effet tout comme la reprise de Inside + out des Bee Gees par Feist.
Ce sont de petits souvenirs récoltés au fil de ma charmante tournée d’amies pendant mes vacances.

Barbara

Si du côté de la littérature Marguerite Duras a marqué mon parcours, côté chanson c’est Barbara qui a joué ce rôle. Les deux sont arrivées dans ma vie à peu près au même moment, à un âge fondateur, celui de mes 18 ans.
À l’écoute des chansons de Barbara, il y a eu comme une reconnaissance spontanée de ce que j’étais profondément. Ce mal de vivre qu’elle a su si bien décrire et chanter était aussi le mien. Ce besoin fondamental d’aimé et d’être aimé entièrement et ce désir intense de vivre participaient de la même émotion profonde.
Encore aujourd’hui, lorsque la douleur du vide me prend, je vais toujours me réfugier dans l’univers de Barbara. Des chansons comme Pierre, Il pleut sur Nantes, La mort, Le mal de vivre, La solitude, Le soleil noir et Regarde m’aident à atteindre le fond du désespoir. Vient ensuite le réconfort. Je me sens alors moins seul et je peux remonter lentement vers la joie de vivre.
Hier soir, c’est un peu tout ça que j’ai pu vivre en allant voir Marie-Thérèse Fortin chanter pour une dernière fois Barbara au Petit Champlain. Une soirée pleine de vérité et toute en émotion offerte par une grande interprète. En plus d’avoir rendez-vous avec la Barbara connue du grand public, la comédienne en profite pour nous présenter d’autres facettes de la chanteuse en puisant dans une partie de son répertoire moins connu du grand public. Un choix parfois audacieux qui sert plutôt bien le spectacle.
Le plus audacieux est peut-être le spectacle lui-même. S’attaquer au répertoire de Barbara demande un certain courage car c’est probablement la chanteuse la plus difficile à interpréter. Marie-Thérèse Fortin relève le défi avec force et aplomb parce qu’elle ne cherche pas à l’imiter. Elle est habitée par elle et c’est avec tout son corps qu’elle chante si bien ses chansons qu’elle a su s’approprier. Et tout au long du spectacle la voix de la comédienne étonne. Une voix grave, juste et puissante d’une grande intensité.

Sortir de soi

Nous ne devions pas être nombreux à attendre avec impatience Sortir de soi, le deuxième disque de Charles Dubé. Le 8 mai a fini par arriver. J’avais très hâte de découvrir son nouveau matériel pour mieux me replonger dans son univers qui sent bon la vie.
J’avais découvert Réverbère, son premier album, un peu par hasard. Par un froid de décembre, j’étais dans une voiture avec des gens que je connaissais à peine. Il devait être trois heures du matin. Nous étions exaltés et jouait à pleine tête dans l’habitacle Un ciel pour le soleil. J’ai été séduit par cette chanson ensoleillée qui décrivait si bien la joie que je vivais à ce moment-là. Quelques chansons plus tard, ce sentiment de bien-être perdurait.
Je n‘ai pas tardé à me procurer l’album de ce chanteur-là qui m’accompagne encore quand le besoin de me blottir dans une bulle de confort me prend. Comble de bonheur, Sortir de soi nous entraîne dans la même matière que Réverbère. C’est ça l’effet de ce naïf lucide qu’est Charles Dubé. Il ose écrire des chansons optimistes de qualité qui parlent de bonheur de vivre. Moi, ça me rejoint. Je me reconnais dans sa perception des choses qui n’est pas non plus dénuée de profondeur.
Même s’il nous entraîne sur un terrain connu, sur ce deuxième album, Charles Dubé explore de nouvelles pistes et de nouvelles textures qui donnent un effet global moins uniforme que dans le premier album. Sa belle voix est plus éraillée, certains textes plus éclatés (L’asile), la façon de chanter plus québécoise et la production un peu plus audacieuse (Jamais plus). Je suis tombé en amour avec la superbe pièce L’étang et il y toutes les autres dans la même veine qu’Un ciel pour le soleil qui nous enchantent : Être bien (qui ne me sort plus de la tête depuis mardi), Encore, Cadence. SOS, Bâtir mon monde.
L’amateur en moi est content même si quelques ritournelles ressemblent étrangement à certaines chansons du premier album. Impossible de s’en plaindre puisque c’est en partie pour ça qu’on aime ce qu’il fait.
Charles Dubé est fidèle à lui-même et il parvient encore à communiquer son bonheur de vivre contagieux. Avec lui, c’est ce qui compte. Il n’y a pas de mal à se faire de bien et on serait bête de bouder notre plaisir!

L’échec du matériel

Comme plusieurs centaines de personnes, j’attendais avec impatience le tout nouvel album de Daniel Bélanger, l’un des meilleurs auteurs-compositeurs interprètes de la francophonie. Avec lui, l’attente en vaut toujours la peine. Comme devrait l’être le travail de l’artiste, il prend toujours le temps de bien faire les choses et il pousse sa démarche toujours plus loin, vers un ailleurs né de la continuité de ce qui a déjà été.
L’échec du matériel, peut-être le plus homogène de ses albums, est un excellent disque. La preuve ultime: je n’écoute que ça depuis le 3 avril et plusieurs chansons flottent déjà allègrement dans ma tête à toutes heures du jour. Évidemment, la production est riche est impeccable. Dans plusieurs chansons, on sent de petits clins d’œil aux albums précédents. En parallèle, se développent des ambiances nouvelles à travers desquelles surgit toujours la magnifique voix de Bélanger à laquelle il est difficile de résister.
Le plus gros changement de cet album se situe au niveau des thèmes abordés par le chanteur. Le flou poétique auquel il nous avait habitués fait place au concret. Ses préoccupations sont maintenant à caractère sociale et très ancrées dans le présent. Ça ne fait pas pour autant des textes plats. Bélanger le fait de façon très personnelle. Il est le filtre de ce qu’il voit, de ce qu’il ressent sans jamais se mettre à l’égard des maux de notre société. Sports et loisirs (ma préférée du moment) en est un très bel exemple lorsqu’il chante « je n’ai jamais plongé qu’au fond que de moi-même, je n’ai jamais volé personne que moi-même, je n ‘ai jamais tué personne que moi-même, je n’ai jamais roulé personne que moi-même ». On reconnaît la signature du parolier. C’est humble, c’est fort, c’est poétique.
Outre Sports et loisirs, j’aime déjà beaucoup Le fin de l’homme, Manière de parler, Drôle de personne, Plus, Demain peut-être (instrumental), L’échec du matériel et Je suis mort. Huit chansons sur quatorze (et j’aurais pu facilement en ajouter quelques unes). Aussi bien dire que j’adore cet album qui cristallisera une partie de mon année 2007.
L’échec du matériel, Daniel Bélanger (Audiogram)

La forêt des mal-aimés

Samedi soir, je suis allé voir le spectacle de Pierre Lapointe à Trois-Rivières. J’y allais par envie mais aussi pour faire plaisir à ma nièce qui m’avait proposé cette sortie en juillet dernier. Je me rendais à la salle J.Antonio-Thompson avec certaines appréhensions. Je craignais, entre autre, l’omniprésence de son personnage de fendant que je ne n’avais pas aimé du tout lorsque je l’avais vu il y a quatre ans. Je craignais aussi que son premier album soit éclipsé au profit du dernier qui ne m’a pas autant emballé. Bref, je n’allais pas voir le spectacle des spectacles. Et pourtant, c’est un peu ce que j’ai vu.
Sa profonde et dense forêt des mal-aimés m’a envouté pendant deux heures. C’est un spectacle d’une richesse incroyable, conceptuel sans trop l’être et assez roder pour permettre une certaine magie imprévisible entre ce qui se passe sur la scène et dans la salle. On se trompe! Pas grave. On reprend. Le matériel du premier album se marie extrêmement bien avec celui du deuxième. Tout ça finit par former un univers complet en lui-même. C’est simple, tout est bien dosé dans ce spectacle. Lapointe intervient juste assez. Son personnage fendant sait être drôle et sait se retirer au bon moment pour faire place au côté juvénile et charismatique du chanteur. D’une chanson à l’autre, on passe d’une certaine légèreté à une certaine gravité. Ça va et ça vient de cette façon du début à la fin. On est dans un autre espace-temps, hypnotisé et conquis par cet artiste unique en son genre.
L’aspect le plus réussi du spectacle est toute la partie musicale. Les quatre musiciens qui l’accompagnent sont vraiment impressionnants, en particulier Philippe Brault qui signe les arrangements. Il parvient à mettre chaque chanson en valeur pour en faire sortir toute la richesse et la puissance évocatrice des chansons de Lapointe. Il a parfaitement saisi l’univers du chanteur. À part quelques bizounages électroniques qui ajoutent une certaine étrangeté à l’enrobage musical, on a droit à de longs morceaux de violons, de contrebasse, d’accordéon, de guitares et de piano. Il n’y a rien comme d’entendre le son pur de vrais instruments. Avec la voix particulière de Pierre Lapointe, encore plus belle et plus solide sur scène que sur disque, on craque.
Entre les moments de pur plaisir jubilatoire, il m’a tiré des larmes à plusieurs reprises. Impossible de résister à Debout sur la tête , Tel un seul homme , Le lion imberbe , Vous et Maman dis-moi pourquoi . Je ne m’attendais pas à ça du tout. Il m’a eu d’aplomb.
Je ne dirai pas que Pierre Lapointe est au sommet de son art (il encore bien jeune), mais il fait preuve d’une maîtrise étonnante sur scène. Depuis deux jours, j’écoute ses deux disques en boucle pour préserver cette soirée mémorable. Sa forêt des mal-aimés n’est pas si mal finalement! Beaucoup plus touffue que je ne le croyais. Il fallait peut-être que je la traverse pour m’en rendre compte!