Archives mensuelles : avril 2007

Le pressentiment

La principale raison qui m’a poussé à aller voir le film Le pressentiment est le fait qu’il soit adapté d’un roman d’Emmanuel Bove. J’ai découvert cet auteur il y a quelques années alors que je déambulais dans la bibliothèque Eva Senécal de Sherbrooke en quête de lectures nouvelles. Je me promettais de lire cet auteur un jour. Ce jour-là, le titre Mes amis m’avait interpellé. Je ne me suis pas trompé J’ai adoré ce roman et, depuis, je m’intéresse au travail de cet auteur encore trop méconnu.
Dès les premières minutes du film, j’ai su que j’étais au bon endroit car je retrouvais avec beaucoup de plaisir l’univers d’Emmnauel Bove. Comme c’est souvent le cas dans la plupart de ses romans, l’histoire gravite autour d’un seul personnage confronté simultanément à son désir d’être dans la vie et celui de ne pas y être. Dans Le pressentiment, on suit Charles Bernesteau, un avocat de très bonne famille qui lâche tout pour vivre une vie simple dans un quartier populaire de Paris. C’est un misanthrope sympathique désillusionné par la nature humaine. Sa nouvelle façon de vivre lui réserve tout de même quelques surprises.
Le quartier populaire, où fourmille une ribambelle de personnages colorés, devient la plaque tournante du film. Darroussin en fait ressortir toute la richesse. C’est plein de vie. Une vie à la fois triste et belle. Il y a beaucoup de tendresse et de compassion qui passe à travers la caméra du cinéaste. Plus le film avance, plus on est touché par l’univers particulier de Charles et les autres. Faut dire que Jean-Pierre Darroussin offre une performance très convaincante. Son personnage de Charles, aussi fort que vulnérable, est attachant et touchant de vérité. Tous les personnages secondaires le sont tout autant.
Jean-Pierre Darroussin et Valérie Stroh ont fait un travail d’adaptation remarquable. Ils ont su rendre l’essence même de l’écriture d’Emmanuel Bove, pourtant pas facile à transposer au grand écran. C’est fait de façon inspirée et loin d’être ennuyante. C’est le genre de film qui brille par tous ces petits riens subtils qui finissent par faire toute la différence. J’ai l’impression que la vie qui y grouille est contagieuse. J’en suis encore tout habité. Je ne résisterai pas longtemps pour lire Armand qui m’attend dans ma pile…

Chacun son métier #5

Depuis quelques années, le nombre de publications à compte d’auteur ne cesse d’augmenter au Québec. Ce phénomène est devenu un irritant pour les librairies. Il ne se passe pas une semaine sans qu’un de ces auteurs ne nous sollicite afin que nous gardions son livre en consignation. En nous abordant, ils ont souvent une attitude prétentieuse envers le milieu du livre et ne se gênent pas pour dénigrer le travail des maisons d’éditions reconnues et bien établies. Si on ne répond pas positivement à leurs attentes, certains deviennent agressifs pendant que d’autres se mettent à jouer les souffre-douleur comme s’il fallait encourager à tout prix leur grande aventure dans le monde de l’édition.
Si, à la base, l’édition à compte d’auteur servait à publier un livre pour les proches de l’auteur sans devoir passer par le réseau des librairies, aujourd’hui ceux qui décident de se publier eux-mêmes prétendent au statut d’écrivain et espèrent une reconnaissance au même titre que les autres. Cette démarche est louable en soi, mais le marché actuel m’apparaît déjà suffisamment saturé sans qu’on en rajoute par la bande.
Il ne faut pas se leurrer, à part une exception de temps et à autre (un livre sur un sujet spécialisé par exemple), la plupart de ces titres n’auraient jamais dû voir le jour*. Il est bien évident que beaucoup de ces livres ont d’abord été refusé par les éditeurs qui ont probablement eu raison de le faire. Vexés dans leur orgueil de création, ces apprentis auteurs auraient intérêts à remettre leur ouvrage vingt fois sur le métier pour parfaire leur art plutôt que de faire paraître une œuvre inaboutie.
Cette croissance sans cesse grandissante de livres publiés à compte d’auteur n’est pas étonnante puisque les moyens technologiques d’aujourd’hui rendent accessibles une telle entreprise. Cette facilité nous fait malheureusement croire que tout peut être publié. Écrire est un art qui ne doit pas être pris à la légère. Plusieurs semblent l’avoir oublié.
Personnellement, je commence à en avoir marre de tous ces gens qui se publient sans rien connaître au monde de l’édition. À temps perdu à la librairie, je m’amuse à feuilleter toutes ces merveilles qui ne demandent qu’à être découvertes. Lire le premier paragraphe est toujours la première chose que je fais. La plupart du temps, je le réécrirais au complet tellement la syntaxe est mauvaise. Parfois, je n’ai même pas à me rendre aussi loin lorsque je vois une faute en exergue, sur la quatrième de couverture ou dans le titre (ça arrive!). Je ne parle pas de la page couverture souvent affreuse et de la mise en page déficiente. Bref, un concentré de mauvais goût qui en dit long sur le reste.
*je ne parle pas des maisons d’éditions émergentes qui ont une réelle démarche d’éditeur.

La laine des moutons…

Pour faire suite au billet sur le livre numérique, je dois vous faire part de la plus récente demande de reproduction qui a atterri sur mon bureau.
Elle est émise par la Genealogical Society of Utah, association éducative à but non lucratif dont l’objet est de mettre des renseignements généalogiques enregistrés à la disposition des particuliers faisant des recherches familiales.
Que veulent-ils ? La permission d’utiliser le livre de Daniel Gay sur Les Noirs du Québec. À quelle condition ? Pour résumer, disons qu’ils veulent la laine du mouton, les côtes levées et, tant qu’à faire, le berger et sa bergerie.

La GSU demande la permission d’utiliser et d’autoriser d’autres à utiliser vos documents pour une période illimitée de toutes les manières qu’elle choisira, entre autres, mais pas uniquement, la permission de:

a) reproduire vos documents sur tout support connu ou qui sera développé plus tard, entre autres la permission d’en faire des copies numériques ;

b) élaborer et posséder des ouvrages dérivés à partir de votre documentation, entre autres la permission de reformater, extraire des données, de créer des index, des aides à la recherche, de modifier, compiler, adapter, regrouper, changer et/ou traduire votre documentation ;

OUF ! Rien que ça. Et à combien estiment-ils cette permission ? Un beau zéro. Comme d’habitude, aurais-je presque envie d’ajouter.
Oui mais, pauvres eux autres, ils sont sans le sous et c’est pour le bien de la science. Sauf que…

c) distribuer des copies de votre documentation au public, entre autres la permission de publier, transférer, vendre, louer ou prêter des copies de votre documentation, et de présenter ou exposer votre documentation publiquement, y compris par moyens de diffusion audiovisuelle ou numérique sur un nombre illimité d’ordinateurs ou de postes de travail informatiques.

La GSU pourra échanger voire documentation avec des entreprises commerciales de généalogie afin de pouvoir, en retour, recevoir de nouvelles données qui viendront augmenter le volume total de renseignements qu’elle met gratuitement à la disposition du public.

Donc au bout de la ligne quelqu’un fera bien ses choux gras de l’information cédée gratuitement par d’altruistes éditeurs.
Allez, une petite dernière :

Notez bien que la permission que vous accordez à la GSU ne limite ni n’altère aucunement vos droits quant à votre documentation. Vous pouvez par conséquent utiliser votre documentation comme bon vous semble.

Merci bien ! Faut-il préciser que la demande a été refusée ?
Gilles Herman
Éditeur

Du Grand Vide est né l’univers

Cosmos infini
Nœuds d’énergie
Plénitude du vide

Haiku de Jean-Guy
Commentaire de Jean
Je sais une histoire commencée il y a des milliards d’années. Dans un acte de dépouillement et d’oubli de soi, et tout à la fois d’épanchement et d’effusion, le Vide empli de vie s’est manifesté pour faire exister en lui l’univers. Et l’univers est né. Depuis, le Vide danse dans la matière, l’espace et le temps avec une énergie infinie. Et il berce le cosmos comme son enfant.
Ce Vide originel est l’immense champ de création de la multitude des êtres, aussi diversifiés que des cristaux de neige. Ce Vide sans formes contient les semences de toutes les formes possibles. Ce Vide absolu est tout et rien, présence et absence, manifestation et mystère, parole et silence. Il est l’Âme du monde en laquelle naissent, grandissent, s’unissent et retournent les âmes de tous les êtres particuliers. Il est l’océan de la puissante Énergie cosmique, la Vibration qui oscille dans toutes les forces connues de ce monde. Il est l’Habitant universel, l’Esprit cosmique, le Dieu immanent, l’Être replié dans les formes ne demandant qu’à s’y déplier.
N’entends-tu point en toi et autour de toi le murmure de ce Silence éternel ? Ne sens-tu point en toi et autour de toi les battements de l’immense Énergie ? Car tu es un nœud enlacé sur cette unique corde vibrante où se croisent et se font entendre tous les êtres. Toi, moi ou chaque être, nous sommes l’une des vagues d’un unique océan, l’un des grains de sable d’une unique plage, l’une des formes d’un unique Vide. Toi, moi ou chaque être, nous sommes un chiffre à déchiffrer dans le langage cosmique, un microcosme, une résonance, un miroir vivant du Tout cosmique, une simple et ultime note du chant divin.

Jean Proulx, penseur et poète

Tous ceux qui le connaissent et le côtoient sont unanimes : Jean Proulx est notre penseur-poète. Ceux qui l’ont lu découvrent la profondeur de ses réflexions. Et ils sont de plus en plus nombreux !
La liste des livres qu’il a publiés à ce jour est éloquente :
Au matin des trois soleils, Septentrion, 1992.
La Chorégraphie divine, Fides, 1999; Nouvelle édition: La Chorégraphie divine, essai sur le cosmos, Septentrion, 2008.
Artisans de la beauté du monde, Septentrion, 2002.
Dans l’éclaircie de l’Être, Septentrion, 2004.
Doigts de lumière,(en collaboration avec Jean-Guy Desrochers et Mercédes Beaulieu Malo), Septentrion, 2007.
Le Dieu cosmique, À la recherche du Dieu d’Einstein (en collaboration avec Jacques Languirant), Éditions du Jour, 2008.
L’héritage spirituel amérindien. Le Grand Mystère (en collaboration avec Jacques Languirand), Éditions du Jour, 2009.
Gilles Herman, éditeur.

Vingt-Quatre heures d’une femme sensible

Ceux qui, comme moi, n’ont pas aimé Se résoudre aux adieux devraient se rabattre sur cet autre roman épistolaire hautement supérieur.
Si Philippe Besson a, d’une certaine façon, échoué dans sa tentative de se mettre dans la peau d’une femme bafouée par les affres de l’amour, il en est tout autrement pour Constance de Salm avec Vingt-quatre heures d’une femme sensible. L’instant d’une seule journée, on vivra toutes les phases du désarroi amoureux de cette femme anéantie par le désaveu de l’amour. 44 lettres comme autant de cris du cœur d’une profondeur intense qui l’aideront à surmonter son calvaire.
Toutes les lettres de ce court roman sont criantes de vérité. Écrit il y a près de deux cents ans, ce texte ne semble pas avoir pris une ride. S’intéresser aux choses du cœur était à l’époque assez avant-gardiste, mais Constance de Salm le fait avec tellement de justesse et d’intelligence qu’encore aujourd’hui tout humain peut se reconnaître dans les sentiments qu’elles expriment. Non seulement l’amour n’a pas de frontière, mais il ne connaît pas le temps.
Dans sa préface, Constance de Salm écrit : « Je voulais donc, par ces lettres, prouver que le goût des ouvrages sérieux n’exclut en rien la sensibilité ». Encore aujourd’hui, il est mal vu pour intellectuel d’en faire autant. Dans l’une des lettres, elle fait dire à cette femme sensible : « Les hommes sont bizarres; ils ne savent rien refuser à une femme qui leur est étrangère, et celle qui mérite le plus leurs égards semble toujours celle qui en obtient le moins ». Ça aussi, ça n’a pas changé. Et vous reconnaîtrez-vous dans cet autre extrait: « L’amour tient tant de place dans la vie! C’est quand il n’est plus là que l’on sent le poids de ces longues minutes qui doivent s’écouler sans lui ».
Avec des exemples aussi éloquents, inutile d’en rajouter davantage. Il faut juste remercier les éditions Phébus d’avoir eu la bonne idée de rééditer ce superbe roman épistolaire sur l’état du désespoir amoureux.
Vingt-quatre heurs d’une femme sensible, Constance de Salm (Phébus)

Avant quoi?

Je ne sais s’il vous est arrivé, comme moi, de voir l’abréviation A.A., pour «avant aujourd’hui», dans des textes, principalement des textes historiques. Mais peu importe, vous aurez compris qu’elle remplace alors celle bien connue et reconnue dans tout le monde occidental, soit «av. J.-C.» (avant Jésus-Christ). Celle-ci est d’ailleurs consignée dans nombre d’ouvrages, que ce soit le Multidictionnaire, Le français au bureau, le Guide du rédacteur de l’administration fédérale, etc., ce qui n’est pas le cas de la première, que l’on ne trouve nulle part.
Probablement créée dans un souci d’éliminer toute connotation religieuse, cette récente abréviation ne peut être utilisée, toutefois, que si elle est accompagnée d’une note précisant à quoi correspond cet «aujourd’hui», par exemple : «1950», comme je l’ai déjà vu.
Même si elle n’est pas nécessairement souhaitable, puisque, outre le fait qu’elle est moins universelle, elle est loin d’être plus efficace puisqu’elle n’est pas non plus univoque, elle est linguistiquement acceptable, selon l’Office québécois de la langue française, que j’ai consulté sur ce point. Cependant, pour être conforme aux règles de l’abréviation, elle doit s’écrire avec deux minuscules et une espace entre les deux, soit : «a. a.».

Le livre numérique [2]

Sans tambour ni trompette, notre site Internet a pris un virage important jeudi dernier. En effet, certains de nos ouvrages sont maintenant disponibles à l’achat au format pdf.
Devant l’arrivée galopante des nouvelles technologies, la seule alternative viable est de plonger droit devant et de précéder la vague.
Quels principes ont guidé nos choix pour les premiers livres mis au format numérique ? Tout d’abord, un rappel important : nos livres se trouvent dans toutes les bonnes librairies, comme le veut la formule consacrée. Ensuite, le côté pratique : depuis plusieurs années, nous envoyons nos livres au format pdf à l’imprimeur. Remontant dans le temps, nous désarchivons un à un les ouvrages pour les rendre accessibles sur notre site, d’abord en recherche par mot, par après à la vente.
Pour la suite, nous nous concentrerons sur nous ouvrages épuisés. Une belle façon de leur donner une seconde vie.
À quoi sert un format pdf ? À faire de la recherche par mot de façon plus pratique. À avoir sous la main, dans son ordinateur, une bibliothèque virtuelle. À pouvoir aisément citer des passages. À consulter loin du Québec et sans payer de frais de transport !
Vous pouvez télécharger un exemple de fichier pdf, Les Tarieu de Lanaudière. Le fichier est marqué au nom de l’acquéreur, peut être imprimé, annoté mais non modifié.
Voici la liste des livres à présent disponibles au format pdf sur notre site. Bonne lecture !
11 septembre 2001, 5 ans plus tard
À la découverte des îles du Saint-Laurent
Allemande (L’)
America
Amour du livre (L’)
Apprendre à lire et à compter
Augustin-Norbert Morin, 1803-1865
Canada Québec en bref
Canadiens en Guyane
Cent ans de littérature yiddish et hébraïque au Canada
Chroniques d’une petite enfance
Col romain et culottes de tôle
Collecteur (Le)
Contes et mystères de la forêt
Défi français (Le)
Député à Québec et à Ottawa… mais toujours Beauceron !
Dollard
Éclosion (L’)
Écriture Maria Chapdelaine (L’)
Éléments d’histoire des Pêches
Entre l’assommoir et le godendart
Escaliers publics en fer de la ville de Québec (Les)
Esdras Minville
Et vogue la galère…
États-Unis d’Amérique [tome 1] : synthèse historique (Les)
États-Unis d’Amérique [tome 2] : les institutions politiques (Les)
Eugène Brosseau
Explorateurs de l’Amérique du Nord, 1492-1795 (Les)
Famille et marché
Feu, fourrures, fléaux et foi foudroyèrent les Montagnais
Guide du parfait survivant (Le)
Histoire de l’Amérique latine et des Caraïbes
Histoire des mineurs du Nord ontarien et québécois (L’)
Joseph-Elzéar Bernier
Juge et partie
Maison Kent (La)
Marie-Catherine Peuvret
Monsieur Livre
Monuments intellectuels québécois du XXe siècle
Mourir pour renaître à la vie
Négation de la nation (La)
On s’amuse à mort
Patriotes et Loyaux
Peur au ventre (La)
Premières Nations ? Seconds regards
Printemps français (Le)
Rodolphe Mathieu, 1890-1962
Rousseau de Pohénégamook (Les)
Saisons Atikamekw
Se créer des ancêtres
Sortir de la « Grande noirceur »
Souvenirs de jeunesse, 1822-1837
Stanislas Tougas
Stratèges, diplomates et espions
Tarieu de Lanaudière (Les)
Un loup parmi les loups
Un pays pour un autre
Vie Musicale en Nouvelle-France (La)
Vie quotidienne dans la vallée du Saint-Laurent 1790-1835 (La)
Vision cosmique de Benjamin Franklin (La)
Voyage sur le Haut-Missouri
Voyages au Canada
Voyageurs d’autrefois sur la Côte-du-Sud (Les)
Zacharie

Le psychomaton

Hier soir, je suis allé au Périscope voir Le psychomaton, la toute nouvelle pièce de théâtre écrite par Anne-Marie Olivier mettant en vedette Hélène Florent (que je voyais pour la première fois sur scène) et Hugues Frenette. Une toute nouvelle création très invitante que je ne voulais pas rater.
Le psychomaton, comme son nom le laisse deviner, est un genre de confessionnal psychologique. Pour deux dollars, une personne peut confier en toute liberté tous les secrets de son âme à une machine. Du début à la fin de la pièce, défile devant nous une pléthore de personnages esseulés qui souffre. En toile de fond, on voit évoluer tout le processus de ce projet censé mettre un baume sur le cœur des gens.
Bien que n’étant pas d’une extrême originalité, l’idée est tout de même séduisante. Malheureusement, malgré quelques bonnes répliques, le texte que nous livre Anne-Marie Olivier est plutôt mince (on est loin du puissant et inspiré Gros et détails). Le problème est simple : il n’y a pas de profondeur dans cette pièce. Qu’elle aborde la question de la pauvreté, des laissés pour compte, de la marginalité ou du mal de vivre tout reste en surface. Tous les personnages qui défilent devant nous ont quelque chose de caricatural et ce n’est pas la faute des comédiens. Ils font leur possible pour défendre un texte assez pauvre, mais ça ne sauve pas la mise. On a l’impression d’assister à une pièce de finissants de secondaire cinq! Le décor surchargé de bébelles accentue cette navrante impression. Ça peut paraître méchant, mais c’est vraiment l’impression que j’ai eu à plusieurs reprises.
Au moment du salut, je me suis demandé si les comédiens étaient conscients de ne pas avoir un grand texte à défendre. À voir leurs mines peu convaincues, j’ai répondu oui à ma question. Je ne dois pas être loin de la vérité.
Malheureusement, et c’est le propre de la création, cette fois-ci Anne-Marie Olivier a raté son coup.

Un gros ou un petit travail?

Un de mes clients hésitait dernièrement à m’offrir un travail parce que, disait-il, ce n’était guère intéressant. Même que, s’il eût été à ma place, il aurait eu envie de le refuser, m’avoua-t-il. Pourquoi donc, lui demandai-je. Eh bien, parce que le texte était divisé en 104 petits fichiers, plutôt que de faire l’objet d’un seul gros document.
Ah! Je salivais déjà! Moi qui aime mettre un point final à un travail pour pouvoir passer à un autre, puis à un autre et à un autre, voilà qu’il me donnait 104 fois cette possibilité!
J’ai même un petit rituel pour de tels délices. J’inscris, sur une feuille, le nom de tous les fichiers, que je fais suivre de points de conduite, de façon à pouvoir faire un X au bout de chaque ligne. À mesure que j’en termine un, l’inscription du X devient en quelque sorte ma récompense. En 40 heures, j’ai donc pu m’accorder 104 récompenses plutôt qu’une seule. Ce ne sont pas des gâteries, ça?
Je sais que d’autres ont le souffle plus long. Ces marathoniens, devant ce même genre de travail, ont l’impression d’être sans cesse dérangés dans leur course, qu’ils voient entrecoupée d’arrêts, plutôt que parsemée de multiples départs. Comme mon client, justement, qui fait aussi de la révision tout en accordant des contrats à la pige. Au risque de paraître bizarre à ses yeux, je l’ai donc informé, lorsque je lui ai remis mes 104 petits textes, que je raffolais de ce genre de miettes. Et vous savez quoi? Il en avait 113 autres à me proposer! Décidément, j’étais gâtée.
Mais il n’a pas que moi à s’occuper et il ne peut retenir les dadas de chacun. Aussi m’a-t-il annoncé, hier, avec entrain et peut-être même un brin d’envie dans la voix, qu’il avait un «cadeau» pour moi, du genre que lui-même aime bien recevoir, soit un bon gros document de quelque 400 pages…
Bon, je m’y prépare mentalement. Ça ne peut pas toujours être la fête, n’est-ce pas?